…de simples promesses creuses
Par Moon of Alabama – Le 10 janvier 2019
Aujourd’hui, Mike Pompeo, le secrétaire d’État américain, s’est rendu en Égypte où il a tenu un discours quelque peu délirant à l’Université américaine du Caire. Celui-ci fait la une des journaux :
“Une Force du Bien : L’Amérique redynamisée au Moyen-Orient”
Il n’y a pas grand-chose dans le discours qui soutienne le titre. Ça commence par des fanfaronnades :
Parce que je suis un militaire de formation, je vais être très franc et direct aujourd’hui : l’Amérique est une force du bien au Moyen-Orient.
Nous devons reconnaître cette vérité, car si nous ne le faisons pas, nous faisons de mauvais choix – pour maintenant et pour l’avenir.
Pompeo blâme Obama pour les ennuis causés par la “Force du Bien” :
Rappelez-vous : c’est ici, dans cette ville, qu’un autre Américain s’est tenu devant vous.
Il vous a dit que le terrorisme islamiste radical ne découle pas d’une idéologie. Il vous a dit que le 11 septembre a conduit mon pays à abandonner ses idéaux, en particulier au Moyen-Orient. Il vous a dit que les États-Unis et le monde musulman avaient besoin, je cite, “d’un nouveau départ”, fin de citation. Ces erreurs de jugement ont eu des conséquences désastreuses.
En nous voyant faussement comme une force affligeant le Moyen-Orient, nous avons été timides dans nos actions alors que l’époque – et nos partenaires – demandaient le contraire.
…
La bonne nouvelle. La bonne nouvelle est la suivante : l’époque de la honte américaine auto-infligée est révolue, de même que les politiques qui ont produit tant de souffrances inutiles. Maintenant vient le vrai nouveau départ.
S’ensuit une liste de déclarations faussaires et d’affirmations non étayés :
Pour ceux qui s’inquiètent de l’utilisation de la puissance américaine, rappelez-vous ceci : lAmérique a toujours été, et sera toujours, une force libératrice, pas une puissance occupante. Nous n’avons jamais rêvé de dominer le Moyen-Orient.
Pompéo ignore la doctrine Carter, encore valide, qui exige la domination exclusive des États-Unis au Moyen-Orient : “Toute tentative par une force extérieure de prendre le contrôle de la région du golfe Persique sera considérée comme une attaque contre les intérêts vitaux des États-Unis d’Amérique, et une telle attaque sera repoussée par tous les moyens nécessaires, y compris la force militaire.”
Pompeo continue :
Quand la mission est terminée, quand le travail est terminé, l’Amérique s’en va. Aujourd’hui, en Irak, à l’invitation du gouvernement, nous avons environ 5 000 soldats alors qu’ils étaient 166 000 auparavant. Il fut un temps où des dizaines de milliers de militaires américains étaient stationnés en Arabie saoudite. Maintenant, ce chiffre n’est plus qu’une infime fraction.
En 2011, le Premier ministre irakien Nuri al-Maliki a refusé de signer un accord sur le statut de la force qui aurait donné des droits spéciaux aux troupes américaines en Irak. En conséquence, les États-Unis ont dû se retirer d’Irak. Quelques troupes sont revenues pour combattre État islamique qu’Obama avait laissé se développer dans le but non avoué d’éjecter Maliki. Ces troupes devront elles aussi partir. Après la guerre de 1991 contre l’Irak, l’Arabie saoudite a subi des pressions des islamistes radicaux pour expulser les nombreuses troupes américaines du pays. Plusieurs milliers sont pourtant restés. Après l’attentat à la bombe contre la tour de Kohbar en 1996, les autres ont dû partir aussi. Dans les deux cas, la retraite n’était pas volontaire.
Le discours se poursuit par un long passage où il dénigre l’Iran et fait l’éloge d’Israël. Pompeo dit que l’administration Trump souhaite établir une Alliance stratégique pour le Moyen-Orient, une OTAN arabe qui s’allierait à Israël. Un rêve chimérique, né de l’ignorance pure et simple, voué à l’échec.
Nous constatons également des changements remarquables. De nouveaux liens inimaginables jusqu’à tout récemment prennent racine. Qui aurait pu croire il y a quelques années qu’un premier ministre israélien visiterait Mascate ?
Le Premier ministre israélien de l’époque, M. Rabin, s’est rendu à Oman en 1994. Deux ans plus tard, le premier ministre Shimon Peres a suivi. Donc oui, beaucoup de gens pouvaient s’y attendre. Cependant, aucun d’entre eux ne pense qu’une “alliance stratégique pour le Moyen-Orient” dépassera le stade de simple sujet de discussion.
Le discours en vient ensuite au cœur de la pensée politique de Trump :
Soyons clairs : l’Amérique ne reculera pas tant que la lutte contre la terreur ne sera pas terminée. Mais comme l’a dit le président Trump, nous attendons de nos partenaires qu’ils en fassent plus et, dans cet effort, nous irons de l’avant ensemble.
Pour notre part, les frappes aériennes dans la région se poursuivront au fur et à mesure que des objectifs apparaîtront.
…
Au fur et à mesure que les combats se poursuivront, nous continuerons d’aider nos partenaires dans leurs efforts pour garder les frontières, poursuivre les terroristes, filtrer les voyageurs, aider les réfugiés, et plus encore. Mais “aider” est le mot clé.
Ceux qui veulent combattre l’Iran jusqu’au dernier soldat américain, c’est-à-dire Israël et l’Arabie saoudite, n’aimeront pas entendre cela. Sous Trump, les États-Unis ne veulent plus mourir pour leur combat.
A propos de la Syrie :
Soyons clairs : l’Amérique ne reculera pas tant que la lutte contre la terreur ne sera pas terminée. (…) Le président Trump a pris la décision de ramener nos troupes de Syrie. Nous le faisons et c’est le moment, mais cela n’indique pas un changement de mission.
…
En Syrie, les États-Unis feront appel à la diplomatie et travailleront avec leurs partenaires pour expulser jusqu’à la dernière paire de bottes iranienne. Nous travailleront dans le cadre d’un processus dirigé par l’ONU pour apporter paix et stabilité au peuple syrien qui souffre depuis longtemps. Il n’y aura pas d’aide américaine à la reconstruction des régions syrienne détenues par Assad tant que l’Iran et ses forces de substitution ne se seront pas retirés et tant que nous n’aurons pas vu des progrès irréversibles vers une résolution politique.
C’est une révocation du plan de John Bolton qui voulait rester en Syrie, pour défendre les Kurdes d’une invasion turque ou pour toute autre raison. En effet, les Kurdes syriens ne sont pas du tout mentionnés dans le discours de Pompéo. Ils en prendront sûrement note.
Il n’est pas fait mention non plus des droits de l’homme, de Khashoggi, de la liberté ou de l’existence d’un État palestinien.
Le discours se termine comme il a commencé, en louant “la bonté innée de l’Amérique”.
Daniel Larison trouve que ce discours est un exercice d’arrogante auto-satisfaction. Je suis d’accord.
Pour le peuple et les dirigeants du Moyen-Orient, le discours n’offre rien. On leur dit qu’ils sont seuls. Les États-Unis ne joueront plus le rôle de “cité lumineuse sur la colline” et ils ne se battront plus pour des intérêts autres que les leurs. Ils ne veulent que des relations purement techniques avec le moins d’implication physique possible.
Il y a beaucoup d’appui en faveur d’Israël dans le discours et une quantité égale de dénigrement de l’Iran. Mais il n’y a aucune promesse que les États-Unis sont prêts à faire plus que de la démagogie verbale et ils continueront juste à “contenir” l’Iran de façon inefficace.
Dans l’ensemble, le discours de Pompeo s’adressait davantage à un public américain qu’à un public moyen-oriental. Les faucons anti-Iran, les évangélistes et le président Trump vont adorer. Les interventionnistes libéraux et les néoconservateurs le critiqueront.
Bien que le discours indique une direction que les forces plus isolationnistes aux États-Unis appuieront, il ne garantit pas que les décisions politiques iront dans le même sens. Car même si Trump veut aller dans le sens d’une moindre implication américaine, il y a d’autres forces dans son administration qui tentent de le pousser dans de nouveaux conflits.
Dans ces circonstances, ce n’est rien de plus qu’une donnée montrant ce qui pourrait advenir.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par jj pour le Saker Francophone