Par Moon of Alabama – Le 29 août 2025
Malgré tous les efforts déployés, aucune arme de fabrication occidentale n’a jusqu’à présent été en mesure de donner à l’Ukraine un avantage sur le champ de bataille.
La recherche d’armes miracles pour aider l’Ukraine à gagner la guerre par procuration de l’OTAN contre la Russie se poursuit donc.
Le 20 août, le Wall Street Journal exposait un nouveau type d’arme pour perpétuer cette histoire sans fin.
Caché dans un article qui expliquait comment le Pentagone a discrètement bloqué les frappes de missiles à longue portée de l’Ukraine contre la Russie (archivé), on trouve ces paragraphes remarquables:
L’administration a approuvé la semaine dernière la vente de 3 350 missiles aériens à munitions d’attaque à longue portée, ou ERAM, qui devraient arriver en Ukraine dans environ six semaines, ont déclaré deux responsables américains. La décision concernant cet envoi d’armes d’une valeur de 850 millions de dollars, principalement financé par les pays européens et qui comprend d’autres articles, a été retardée à après les sommets de Trump avec Poutine puis celui avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Plusieurs responsables américains ont déclaré que pour pouvoir utiliser ces ERAMs, d’une portée comprise entre 150 et 280 miles, l’Ukraine serait obligée de demander l’approbation du Pentagone. Le département d’État n’a pas répondu à une demande de commentaire.
À ce moment-là, on savait peu de choses sur ce type d’arme.
L’annonce officielle par l’Agence de coopération pour la sécurité de la Défense (DSCA) d’une telle livraison d’armes n’a été publiée qu’hier :
Le Département d’État a pris une décision approuvant une éventuelle vente militaire à l’étranger, au gouvernement ukrainien, de munitions air-air et d’équipements connexes pour un coût estimé à 825 millions de dollars. L’Agence de coopération en matière de sécurité de la Défense a délivré la certification requise notifiant le Congrès.
Le Gouvernement ukrainien a demandé d’acheter jusqu’à trois mille trois cent cinquante (3 350) missiles à munitions d’attaque à portée étendue (ERAM) et trois mille trois cent cinquante (3 350) systèmes embarqués de Positionnement Global (GPS) / Systèmes de Navigation Inertielle (INS) (EGI) avec module anti-usurpation à disponibilité sélective (SAASM), Code Y ou Code M.
…
L’Ukraine utilisera pour cet achat un financement du Danemark, des Pays-Bas et de la Norvège et un financement militaire pour l’étranger venant des États-Unis. L’ERAM est un exemple de collaboration avec nos alliés de l’OTAN pour développer un système performant et évolutif capable d’être livré rapidement.
Les principaux entrepreneurs seront Zone 5 Technologies et CoAspire. …
En approfondissant cela, j’ai découvert que le « nouveau » système d’arme est fabriqué à partir d’une bombe « stupide » MK-82 de 500 livres avec un ensemble de guidage « boulonné » qui, ensemble, sont connus sous le nom de GBU-38. Un turboréacteur sera attaché à la GBU-38 pour donner à l’arme une plus longue portée.
L’idée de cet engin a été vilipendée en juillet 2024 lorsque l’US Air Force a publié un appel d’offres (RFP) :
Cette nouvelle Munition d’attaque à portée étendue (ERAM) sera probablement une arme de classe 500 livres avec des effets de souffle, de fragmentation et de pénétration limités ; options de fusée variables ; une portée d’au moins 250 milles marins (463 km) ; et une vitesse d’au moins 0,6 Mach.
Les deux entreprises qui ont été sélectionnées pour développer et fabriquer de tels véhicules ne sont pas les plus expérimentées.
Zone 5 Technologies a développé une sorte de boîte à outils pour créer de nouveaux missiles :
Open Weapon Platform (OWP) représente un écosystème de logiciels et de matériels de vol éprouvés, d’environnements d’ingénierie numérique et de conception basés sur des modèles, ainsi que d’outils de simulation et d’analyse associés.
OWP permet l’intégration rapide de nouvelles armes, fournit des voies définies pour l’intégration des capacités tierces et jette les bases nécessaires pour permettre une véritable réutilisation des capacités entre les armes et les plates-formes non équipées.
Cette boîte à outils a été utilisée pour travailler sur un :
Programme Enterprise Test Vehicle (ETV), qui était initialement envisagé pour mettre en service un banc d’essai abordable pour les sous-systèmes, et est maintenant prêt à servir de base à une nouvelle arme.
En mars, il était annoncé :
Un effort parallèle appelé Munitions d’attaque à portée étendue a été mis en place pour développer un véhicule ETV destiné aux ventes militaires à l’étranger, principalement pour aider l’Ukraine — bien que l’assistance militaire à Kiev ait maintenant été interrompue.
Seuls quelques véhicules expérimentaux produits par Zone 5 technologies semblent avoir volé jusqu’à présent.
CoAspire, l’autre société engagée pour la construction du missile, a progressé un peu plus loin. En mars, un prototype volait :
CoAspire est le maître d’œuvre du Missile de croisière Rapidement Adaptable (RAACM). L’objectif de CoAspire est de perturber le marché des missiles de croisière et de fournir aux clients un missile de croisière abordable et performant à une fraction du coût des autres missiles de croisière lancés par voie aérienne. Le RAACM a effectué avec succès des tests, le plus récemment en mars 2025, lancé à partir d’un avion de chasse.
RAACM est un missile de croisière fabriqué de manière additive (imprimé en 3D) de la même taille physique que le 500 lb, les bombes de classe MK-82 ou GBU-38. En le concevant pour la fabrication additive, il ne nécessite aucun outillage lors de l’assemblage, ce qui réduit considérablement la main-d’œuvre tactile et les coûts.
Le RAACM dispose d’une aile, d’un turboréacteur, d’une ogive et d’un ensemble de guidage qui guident avec précision le RAACM vers sa cible. RAACM peut être intégré sur n’importe quel avion capable de transporter un GBU-38.
D’après ce que je peux comprendre, les deux sociétés sélectionnées par la DCSA pour livrer des munitions d’attaque à portée étendue n’ont pas encore aboutit à produit final.
Il y a aussi le petit problème que ces armes seront lancées par voie aérienne. L’armée de l’air ukrainienne est réduite à peut-être deux poignées d’avions qui pourront les lancer. Les défenses aériennes russes peuvent abattre des avions en Ukraine même lorsqu’ils volent à 100 miles de la frontière russe. La portée effective de ces nouveaux missiles de croisière sera donc bien inférieure à celle annoncée. À une vitesse de Mach 0,6, les missiles sont lents et ne poseront aucun problème au système de défense aérienne russe.
Les faits ci-dessus expliquent pourquoi la nouvelle de ces « nouveaux » missiles n’a pas fait le buzz dans les cercles militaires russes.
L’idée même de ces armes rappelle une tentative antérieure d’arme miracle de Boeing qui utilisait le plus petit combo MK-81/GBU-38 de 250 livres dans un missile lancé au sol :
La Bombe de Petit Diamètre lancée au sol (GLSDB) est une arme développée par Boeing et le groupe Saab pour permettre à la bombe de Petit Diamètre GBU-39 (SDB) de Boeing, initialement développée pour être utilisée par des aéronefs, d’être lancée du sol à partir d’une variété de lanceurs et de configurations. Il combine le SDB avec la fusée M26, ce qui lui permet d’être lancé à partir de systèmes de missiles au sol tels que le système de fusée à lancement multiple M270 et le M142 HIMARS.
L’arme a commencé sa production de masse initiale en 2023 et a vu son premier déploiement au combat par l’Ukraine en 2024 lors de l’invasion russe du pays. La performance aurait été décevante en raison des capacités de guerre électromagnétique de la Russie, ainsi que des lacunes dans les tactiques, les techniques et les procédures.
Pour résumer :
- Pour autant que nous puissions nous en rendre compte, le nouveau missile de croisière ERAM n’a pas encore volé.
- Les deux sociétés impliquées dans sa fabrication ne sont pas connues pour leur production de masse :
- Zone-5 en est encore au stade du prototype.
- CoAspire a imprimé en 3D sa version du missile, mais ce processus est inefficace pour une production de masse rapide.
- À 250 000 $ la pièce, ces missiles ne sont pas bon marché.
- La portée effective, lorsqu’elle est tirée de l’extérieur de la zone de défense aérienne russe, sera probablement inférieure à 100 miles au-delà de la frontière russe.
- Les missiles ne sont pas furtifs mais lents et ne poseront aucun problème aux défenses aériennes russes.
En plus de cela, le missile sera, au moins en partie et malgré les affirmations de Trump de ne pas payer pour plus d’armes, financé par le budget de financement militaire étranger des États-Unis.
Pour l’utiliser, l’Ukraine devra demander l’approbation du Pentagone, ce qui n’est actuellement pas acquis.
Compte tenu de tout ce que l’on sait, je doute fortement de l’affirmation du WSJ selon laquelle 3 350 ERAM « devraient arriver en Ukraine dans environ six semaines. »
Je suppose que pas plus d’une poignée d’ERAMS ont été construits jusqu’à présent. Ils seront probablement aussi inefficaces que les armes GLSDB précédemment livrées et produites par Boeing.
L’annonce de ces armes a probablement plus à voir avec le fait de calmer les bellicistes du Congrès qu’avec le fait de donner à l’Ukraine quelque chose qui lui permettrait d’obtenir un avantage sur le champ de bataille.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.