Voici les faits prouvant le triomphe électoral de Corbyn


Par Jonathan Cook – Le 8 juin 2017 – Source Counterpunch

Si vous avez regardé la BBC le jour de l’élection, vous pouvez être excusé d’avoir en tête ces deux interprétations des résultats de la nuit dernière. Tout d’abord que Theresa May a mené une terrible campagne d’auto-sabotage ; ensuite, que même si Jeremy Corbyn la célébrait, il a en réalité définitivement perdu cette élection.

Ce sont des conclusions auxquelles nous pouvons nous attendre de la part d’une classe d’analystes ayant passé les deux précédentes années à calomnier Corbyn, le prétendant « inéligible », avertissant qu’il n’attirait qu’un petit groupe de gauchistes radicaux et affirmant que le parti travailliste était sur le point de subir sa pire défaite électorale de mémoire d’homme – si ce n’est de toujours. Le message de justice sociale de Corbyn était censé être rejeté par le cœur même du Royaume-Uni.

Regardons donc les résultats du vote et voyons comment le parti travailliste dirigé par Corbyn s’en est réellement sorti.

Corbyn a engrangé 41 % des voix, 44 % pour May. Étant donné le système électoral du Royaume-Uni qui est fondamentalement biaisé, il a engrangé environ 50 sièges de moins que les conservateurs, mais cela constituait encore une grande amélioration du nombre de sièges travaillistes, comparé aux dernières élections, menées par Ed Miliband. Il y a maintenant un parlement divisé et, pour survivre, May dépendra du vote d’un petit groupe de syndicalistes d’Irlande du Nord, créant ainsi un gouvernement profondément instable.

Mais comment Corbyn s’en est il sorti, en termes de votes travaillistes par rapport à ses récents prédécesseurs ? Il a remporté beaucoup plus de voix qu’Ed Miliband, Gordon Brown et Neil Kinnock, qui étaient parmi ceux qui, parfois bruyamment, s’opposaient à ce qu’il soit à la tête du parti.

Ils ont aussi perdu leurs élections. Mais qu’en est-il de la part du vote de Corbyn par rapport à Tony Blair, son critique le plus prestigieux, dont les nombreux alliés travaillistes au parlement ont cherché sans relâche à déstabiliser le leadership de Corbyn au cours des deux dernières années et ont même organisé un coup pour tenter de le destituer, l’année dernière ?

Voici les chiffres des trois victoires de Blair. Il a obtenu 36 % des votes en 2005 – beaucoup moins que Corbyn. Il a reçu 41 % des voix – environ la même chose que Corbyn – en 2001. Et la victoire écrasante de Blair en 1997 a été obtenue par 43 % des voix, tout juste deux points de pourcentage de plus que Corbyn hier soir.

En bref, Corbyn s’est avéré le dirigeant travailliste le plus populaire auprès de l’électorat depuis plus de 40 ans, à l’exception de la victoire écrasante de Blair en 1997. Mais rappelons le prix que Blair a payé pour cette très faible marge d’amélioration par rapport au vote de Corbyn. Dans les coulisses, il a vendu l’âme du parti travailliste à la City, aux grosses compagnies et à leurs lobbyistes. Ce pacte faustien a permis à Blair d’être soutenu par la plupart des médias britanniques, y compris la brochette de journaux et de chaînes de télévision de Rupert Murdoch. Les entreprises ont mobilisé tout leur pouvoir de propagande pour que Blair soit élu. Malgré tout cela, il n’a réussi qu’avec seulement deux points de pourcentage de plus que Corbyn qui, par contre, avait cette même machine de propagande contre lui.

De plus, contrairement à Corbyn, Blair n’a pas eu à se battre contre une grande partie de son propre parti essayant de le détruire de l’intérieur.

Encore plus, Blair a pu compter sur un fort vote écossais, ce qui n’était plus le cas au moment où Corbyn devenait chef de file. La plupart de ces votes vont maintenant au Parti national écossais (SNP) à cause de la question de l’indépendance écossaise.

Tout cela montre l’étendue du succès de Corbyn.

Un autre point. La déferlante Blair de 1997 a été l’apogée de son succès. À mesure que les membres du Parti travailliste se rendaient compte de ce qu’il avait fait pour obtenir la victoire, le soutien s’est éloigné sans relâche jusqu’à ce qu’il soit forcé de démissionner et de remettre les clés d’un parti profondément affaibli à Gordon Brown.

Avec Corbyn, la campagne électorale a prouvé qu’il y a un grand intérêt pour son honnêteté, sa passion, son engagement envers la justice sociale – du moins lorsque le public a l’occasion d’entendre cela directement de sa part, plutôt que d’entendre ses politiques et sa personnalité déformées par des médias d’entreprises biaisés et politisés. Contrairement à Blair, qui a détruit le parti travailliste pour en faire un ersatz du thatcherisme, Corbyn reconstruit le parti travailliste pour en refaire un mouvement social soutenant une politique progressiste.

Voici un graphique qui montre un autre aspect de l’étendue de la réussite de Corbyn, la nuit dernière.

Il montre qu’il vient de remporter la plus grande augmentation des votes travaillistes, par rapport aux précédentes élections générales du parti depuis Clement Attlee en 1945. En bref, il a contrecarré les infortunes électorales du Parti travailliste plus que tout autre chef de parti en 70 ans.

Et, contrairement à Blair, il l’a fait sans passer d’accord secret avec les grandes entreprises pour éviscérer les programmes économiques et sociaux de son parti.

Jonathan Cook

Traduit par Wayan, relu par Catherine pour le Saker Francophone

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