Par Michael Jabarla Carley – Le 23 décembre 2016 – Source Strategic Culture
Les relations entre le président russe Vladimir Poutine et le président américain Barack Obama sont empoisonnées et irrémédiablement détériorées. C’est donc une bonne chose qu’Obama quitte son poste le 20 janvier. Les mauvaises relations entre la Russie et les États-Unis ne sont bien sûr pas nouvelles. Depuis la guerre anglo-américaine contre l’Irak en 2003, les relations américano-russes ont été en empirant. Pour Obama, il semble que tout soit devenu personnel. Le président étasunien agit souvent comme un adolescent irritable, jaloux d’un rival au lycée. Vous savez, le gamin qui fait tout mieux que lui. Le garçon le prend mal et ne veut pas laisser couler. Il défie son ennemi à chaque occasion uniquement pour perdre encore et encore. Ça doit être dur pour l’ego. Entre Obama et Poutine, il y a eu de nombreuses confrontations de ce genre. Cela n’aide pas non plus que les caricaturistes occidentaux ridiculisent si souvent Obama comme dépassé par la situation comparé à Poutine.
Considérons les remarques d’Obama lors de sa dernière conférence de presse le vendredi 16 décembre. « Les Russes ne peuvent pas nous changer ou nous affaiblir significativement », a dit Obama : « Ils sont un pays plus petit. Ils sont un pays plus faible. Leur économie ne produit rien que quiconque veut acheter, à part du pétrole, du gaz et des armes. Ils n’innovent pas. » C’était insultant pour Poutine et son pays, mais apparemment pas assez pour Obama. « Ils [les Russes] peuvent nous affecter si nous oublions qui nous sommes, si nous abandonnons nos valeurs. M. Poutine peut nous affaiblir, comme il tente d’affaiblir l’Europe si nous commençons à admettre l’idée qu’il est acceptable d’intimider la presse, ou d’enfermer les dissidents ou de discriminer les gens sur la base de leur foi ou de leur apparence. »
De quoi parle M. Obama ? Intimider la presse ? Les journaux et les médias télévisuels moscovites sont pleins de « libéraux ». De nombreux Russes les appellent les « membres de la cinquième colonne ». Ce sont les « gens avec les “visions du monde les plus avancées” qui ne tolèrent pas eux-mêmes la “propagande russe” », selon un collègue à Moscou. Mais M. Poutine les tolère et ne leur accorde aucune attention.
« Enfermer les dissidents… discriminer des gens » ? Dans quelle réalité alternative M. Obama vit-il ? Ne produit rien que les gens veulent acheter ? Les États-Unis achètent des moteurs de fusée qu’ils ne produisent pas chez eux. « Peut-être les Américains peuvent-ils utiliser des trampolines high tech pour aller dans l’espace et faire sans la technologie russe ? », a plaisanté un commentateur russe.
Dans une interview la veille avec la radio nationale publique américaine, Obama a tempêté sur Poutine. C’était probablement une répétition avant sa conférence de presse. « C’est quelqu’un, “ancien chef du KGB”, a dit Obama, qui est responsable de l’écrasement de la démocratie en Russie… qui contrecarre les efforts américains pour augmenter la liberté chaque fois que c’est possible ; qui prend actuellement des décisions qui mènent à un massacre en Syrie. » Quelle hypocrisie stupéfiante ; quelle absurdité totale. Poutine était lieutenant-colonel au KGB, mais jamais son chef, et il n’a certainement pas « écrasé la démocratie en Russie ». Il traite même son opposition politique avec respect par rapport à Obama, qui rejette le président élu Donald Trump comme une sorte de « Manchurian candidate ». Les Russes, selon Obama, ont interféré dans les élections présidentielles américaines et ont contribué à la défaite de sa camarade démocrate Hillary Clinton. Ils ont piraté le disque dur du Comité national démocrate et ont transmis des milliers d’e-mails à WikiLeaks, bien que, selon d’autres, un adepte de Clinton outragé ait fait fuiter le cache des e-mails embarrassants. Obama a rejeté cette possibilité. Les Russes ont commis le piratage, insiste-t-il, et Poutine doit être tenu pour personnellement responsable.
Où sont les preuves ? À Moscou, un Poutine en colère a mis Obama au défi de les présenter ou de se taire. C’est difficile pour Obama de le faire. Les Russes, dit-il, « vont à l’encontre des efforts américains pour étendre la liberté à chaque occasion ». On se demande où ce serait. En Ukraine ? où les États-Unis et l’Union européenne ont soutenu et guidé le coup d’État contre le gouvernement ukrainien démocratiquement élu ? Ou en Syrie ? où les États-Unis et leurs vassaux régionaux et de l’OTAN mènent une guerre d’agression contre le gouvernement légitime de Damas, soutenant les terroristes djihadistes ? Contre combien de gouvernements démocratiques ou de mouvements politiques soutenus par le peuple les États-Unis ont-ils comploté ou combien en ont-ils détruit depuis 1945 ? La liste est longue, et comprend aussi l’élection présidentielle de 1996 en Russie.
Obama a soulevé la question de la Syrie pendant l’interview à la radio NPR. La libération d’Alep-Est d’al-Qaïda et d’autres djihadistes a rendu l’Occident furieux. À la honte éternelle de la France, la Tour Eiffel a été éteinte pour pleurer la défaite d’al-Qaïda. Les médias grand public (mainstream media MSM) sont en alerte. La Russie, l’Iran, le Hezbollah, les milices palestiniennes et irakiennes ont aidé l’Armée arabe syrienne à nettoyer Alep des terroristes djihadistes et contrecarré les États-Unis et leurs vassaux. C’est ce qui irrite Obama, être déjoué par un homme plus petit que lui et par un pays plus petit que les États-Unis. Comme c’est déplorable de parler de la libération d’Alep-Est comme d’un « massacre en Syrie ».
Les frustrations d’Obama ont commencé il y a plusieurs années. Vous souvenez-vous de 2013, lorsque le gouvernement étasunien a lancé une campagne de propagande contre les armes chimiques syriennes et a alerté sur les « lignes rouges » qui ne pouvaient pas être franchies ? Apparemment, le gouvernement étasunien était à deux doigts de lancer des attaques ariennes massives sur la Syrie. Poutine est intervenu et le gouvernement syrien a renoncé à ses armes chimiques, supprimant le prétexte étasunien d’intervention. La presse écrite a eu une dure journée à montrer Poutine aidant Obama à sortir d’un cul de sac de sa propre fabrication. Pendant tout ce temps, Poutine a continué à exhorter à la coopération russo-américaine contre les djihadistes en Syrie, essayant d’éloigner les États-Unis de leur politique ruineuse. En vain. Qui a ensuite agi avec un plus grand sens de l’État, Poutine ou Obama ?
Temporairement contrariés en Syrie, les États-Unis ont ouvert un nouveau front sur la frontière russe méridionale, en Ukraine. Ils ont soutenu le coup d’État à Kiev et ont détourné les yeux de l’avant-garde fasciste qui a maintenu la nouvelle junte ukrainienne au pouvoir. « Les fascistes ne représentent que “quelques pommes pourries” », ont dit des officiels à Washington, pensant que l’OTAN avait remporté une grande victoire en mettant la main sur Sébastopol de manière à faire se précipiter la Flotte russe de la mer Noire hors de sa base traditionnelle.
Il faut le reconnaître à Obama : il était ambitieux, il voulait faire payer cher et humilier la Russie et son président. De nouveau, il a été contrarié non tant par le président Poutine mais par le peuple russe de Crimée, qui a immédiatement mobilisé ses unités d’auto-défense locales soutenues par des « gens polis », les marines russes stationnés à Sébastopol, pour chasser les Ukrainiens sans à peine tirer un coup de fusil. Il a organisé un référendum pour approuver son entrée dans la Fédération de Russie. La réunification a été rapidement approuvée par une immense majorité et fêtée à Moscou. Poutine a fait un discours remarquablement franc, expliquant la position russe. « L’OTAN reste une alliance militaire, a-t-il dit, et nous sommes opposés à ce qu’une alliance militaire se fasse chez nous dans notre dos ou sur notre territoire historique. Je ne peux tout simplement pas imaginer que nous devions nous rendre à Sébastopol pour rendre visite aux marines de l’OTAN. Bien sûr, la plupart d’entre eux sont des gars merveilleux, mais il serait mieux qu’ils viennent nous rendre visite, soient nos hôtes plutôt que l’inverse. »
Tout cela est arrivé si vite, Obama doit avoir regardé, stupéfait, sidéré et plein de colère frustrée d’avoir été déjoué par des Russes de Crimée qui connaissaient une chose ou deux après tout sur la manière d’« innover » et de défendre leur pays. Les Russes en Ukraine de l’est ont également résisté, prenant les armes pour se défendre contre les bataillons fascistes de Kiev.
C’en était trop. Poutine est devenu l’ennemi d’Obama. Le président des États-Unis a contre-attaqué avec des sanctions économiques, que ses vassaux européens ont rapidement approuvées. Lorsque le MH17 de la Malaysian Airlines a été abattu au-dessus de l’Ukraine de l’Est, Obama et l’Union européenne ont immédiatement accusé Poutine d’être responsable, sans l’ombre d’une preuve. En fait, la preuve disponible désigne la junte de Kiev comme le coupable, mais les médias dominants n’y ont accordé aucune attention. Ils ont orchestré une campagne de propagande conduisant à des sanctions plus dures contre la Russie, visant à saboter l’économie russe et briser le gouvernement russe.
Obama et ses conseillers ont de nouveau fait une erreur de calcul. Le gouvernement russe a institué ses propres sanctions contre l’UE et a cherché d’autres sources d’approvisionnement ou remplacé les importations étrangères par des produits russes. « Nous pouvons y arriver sans les pommes polonaises et le fromage français », ont pensé la plupart des Russes. Les « libéraux » ont grogné sur la perte de leur camembert, mais c’est peu cher payé pour l’indépendance de la Russie. Obama s’est de nouveau fait avoir par les Russes qui, il insiste, sont incapables d’innover. Quant à l’UE, elle a subi d’immenses pertes économiques à cause des sanctions demandées par les Américains dans un cas classique où on se tire une balle dans le pied. Cela devient une habitude : l’UE a renouvelé encore une fois ses sanctions contre la Russie.
Tandis que la crise ukrainienne traînait en longueur, Obama a dû reporter son attention sur la Syrie. À l’automne 2015, Poutine a ordonné aux forces aérospatiales et navales russes d’intervenir à la demande du gouvernement syrien mis à mal, qui avait sollicité de l’aide contre l’invasion djihadiste soutenue par l’Occident. Le cours de la bataille s’est transformé lentement. De nouveau, Obama a été pris au dépourvu ; de nouveau, le plan étasunien de renverser le gouvernement syrien a été contrecarré par l’ennemi d’Obama. Les États-Unis ont tenté de fausses trêves pour permettre à leurs mercenaires djihadistes de se refaire et de se réapprovisionner. Au début, les Russes n’ont pas semblé comprendre, acceptant les propositions américaines comme authentiques. Ils ont dû apprendre durement, mais ils l’ont fait finalement. La libération d’Alep-Est, bien qu’éclipsée par la perte simultanée de Palmyre, est un nouveau coup à la politique d’Obama et à son ego fragile.
Il n’est pas étonnant que le président américain harcèle Poutine, l’insulte publiquement lui et son pays. Il n’est pas étonnant que les médias grand public soient au garde-à-vous. Comment ce « pays plus faible… plus petit » pourrait-il devancer le tout-puissant M. Obama et le grand hégémon étasunien ?
Comme l’URSS avant elle, la Russie a toujours dû poursuivre une politique du faible [en français dans le texte, NdT], une politique du pauvre, n’ayant jamais les ressources abondantes de ses adversaires occidentaux. Les Russes ont très tôt appris à innover. Le renard doit tracer son chemin dans un monde rempli de loups dangereux.
Ce que Obama doit haïr le plus est la mise en évidence du soutien étasunien à al-Qaïda et à État islamique. Qui en effet est responsable du « massacre » en Syrie ? Obama appelle cela la lutte pour la démocratie. « La démocratie des frappes aériennes », a répliqué un jour Poutine. « Réalisez-vous ce que vous avez fait ? », a demandé Poutine à l’ONU en 2015, choquant les médias dominants. À l’évidence non, si l’on en juge d’après les remarques d’Obama de ces derniers jours. Il est comme un adolescent doutant de lui-même s’en prenant à un véritable homme d’État. Dieu merci, Obama est sur la voie de prendre la porte de la Maison Blanche. Ce n’est pas trop tôt. La célèbre remarque d’Olliver Cromwell en 1653 au Parlement croupion semble appropriée. «Vous avez siégé trop longtemps pour tout le bien que vous avez fait ensuite… Partez, vous dis-je et cessons de faire avec vous. Au nom de Dieu, allez vous-en ! ».
Traduit par Diane, vérifié par Wayan, lu par Catherine pour le Saker francophone
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