Par Brandon Smith – Le 24 mai 2018 – Source alt-market.com
La saison estivale donne souvent un regain d’espoir et de réjouissance pour son confort. Et cela vaut autant pour le confort économique que pour toute autre chose. Comme dans l’histoire de La Cigale et la Fourmi, nous sommes tous tentés d’agir comme des cigales, d’oublier les épreuves et les tribulations du monde et de prendre des vacances loin de ses troubles.
J’ai vu beaucoup de choses au cours du dernier mois, alors que les tensions mondiales croissantes semblent avoir diminuées. Mais les apparences peuvent être trompeuse…
Je me souviens de l’été 2008, quand certains d’entre nous, parmi les analystes économiques alternatifs, ont mis en garde contre les preuves accablantes d’une catastrophe déflationniste basée sur la dette. Il semblait y avoir une complaisance généralisée à l’époque également. Septembre a finalement frappé et la réalité a commencé à se faire jour. Le reste est une histoire que nous traitons encore à ce jour. À l’heure actuelle, l’optimisme économique s’accroche désespérément aux titres des nouvelles plutôt qu’aux données fondamentales, mais cela peut tout aussi bien couler les marchés qu’il peut les maintenir artificiellement à flot.
Considérez les nombreux événements à venir comme des accumulations de poudre pour les prochains mois et ce qu’ils signifieront pour le sentiment économique s’ils vont dans le mauvais sens.
Réunion de la Réserve fédérale du 12 au 13 juin
La semaine prochaine sera remplie de déclarations publiques de divers responsables de la Fed, ce qui pourrait indiquer à quel point la banque centrale sera agressive pour le reste de l’année dans son programme de resserrement. Cependant, je pense que je peux deviner assez facilement ce qu’ils vont faire. La Fed a maintenu sa politique de hausse des taux d’intérêt et de réduction des bilans, comme je l’avais prévu ces deux dernières années. Rien n’a changé sous le nouveau président de la Fed, Jerome Powell.
Je crois que la réunion de juin marquera un virage important en milieu d’année pour la Fed dans un resserrement budgétaire encore plus agressif. Les médias traditionnels ont fortement soutenu l’idée que la stagflation est maintenant une véritable menace pour l’économie américaine. C’est une notion avec laquelle je suis d’accord et je vous ai mis en garde contre depuis un certain temps.
Comme je l’ai mentionné dans mon article « Crise stagflationniste : Comprendre la cause de l’effondrement régulier de l’Amérique », quand les médias dominants admettent finalement une menace financière spécifique qui germe depuis des années, nous devrions être inquiets, car cela signifie probablement qu’une crise est déjà sur nous.
La Fed utilisera la stagflation comme un tremplin pour accélérer les hausses de taux et, plus important encore, pour réduire les bilans. Je ne doute pas que la Fed relèvera les taux d’intérêt en juin, ce qui décevra le marché des opérateurs boursiers qui espéraient que de récentes données économiques médiocres influenceraient la banque centrale à reculer. Cela n’arrivera pas.
Lorsque les nouvelles données sur son bilan arriveront à la fin de juin, je m’attends à ce que les réductions soient sensiblement plus élevées, ce qui déclenchera une nouvelle instabilité des marchés actions. La Fed, bien sûr, ne fera cependant pas un tel mouvement dans le vide. Ils auront besoin d’une forme de distraction géopolitique.
La guerre du commerce international ne sera pas refusée
En dépit de la rhétorique du secrétaire au Trésor et ancien de Goldman Sachs, Steve Mnuchin, la guerre commerciale en cours ne prendra pas de pause. Des accords imminents supposés entre la Chine et les États-Unis sont déjà en train de s’éloigner, et Donald Trump prend ses distances par rapport au train de la paix de Mnuchin en indiquant encore son mécontentement contre la Chine.
À première vue, l’escalade de la guerre commerciale semble avoir été évitée, sur la base de la promesse que la Chine « achètera davantage de biens américains » afin de réduire les déficits commerciaux existants. Bien sûr, avec la hausse du dollar (et la hausse simultanée des prix), l’achat de plus de biens américains peut poser problème dans de nombreux pays, y compris en Chine. La crise stagflationniste qui se produit en Amérique fait plus que simplement donner à la Réserve fédérale une excuse pour mettre fin à son soutien délibéré aux marchés boursiers. Ce sera également une excuse parfaite pour les acheteurs étrangers pour réduire davantage leurs achats de produits américains en se basant sur l’argument qu’ils deviennent trop chers.
L’offre chinoise d’acheter plus de l’Amérique est une offre sans consistance. Il y aura peu ou pas de suivi et lorsque le chiffre des déficits [de la balance commerciale, NdT] augmentera, les marchés réagiront négativement.
L’accent mis sur le déficit entre la Chine et les États-Unis détourne aussi l’attention de la poursuite des luttes commerciales dans le cadre de l’ALENA (autour duquel Steve Mnuchin a dit qu’il y a des « problèmes importants »), ainsi qu’autour du commerce avec l’Europe.
En fin de compte, on se dirige vers des accords bilatéraux entre la Chine et les pays européens, réduisant davantage le dollar en tant que monnaie de réserve mondiale. En fait, les médias d’État chinois suggèrent cette stratégie comme un moyen de contrer ce qu’ils appellent l’« unilatéralisme commercial des États-Unis ».
Je ne m’attends pas à ce que le théâtre de paix et d’amour dure tout l’été. La guerre commerciale reprendra bien avant l’automne.
La farce du sommet de la paix nord-coréen
Comme je vous ai mis en garde dans mon article « La Syrie et l’Iran prouvent qu’il n’y a aucune chance pour la paix nord-coréenne », les globalistes n’utilisent les accords de paix que comme une période de transition pour la poursuite de la guerre. Dans cet article, je suggérais également que des perturbations au sommet de la paix avec la Corée du Nord surgiraient et que les États-Unis feraient des demandes que la Corée du Nord ne pourrait pas ou ne voudrait pas remplir. Nous voyons déjà des fissures sur la façade, la Corée du Nord se plaignant de l’implication des États-Unis dans les jeux de guerre sud-coréens ainsi que de sa dénucléarisation potentielle.
La Corée du Nord a maintenant laissé filtrer des déclarations sur la « stupidité » du vice-président Michael Pence tout en menaçant les USA d’une confrontation nucléaire. Trump a déclaré ouvertement que le sommet pourrait être retardé ou ne pas se produire du tout. Ceux qui ont soutenu avec moi qu’un sommet réussi était un « marché conclu » et que Trump était en route vers un prix Nobel de la paix devraient maintenant reconsidérer leurs positions et ne pas quitter leur emploi de jour. Encore une fois, la dénucléarisation nord-coréenne n’arrivera JAMAIS ; pas sans guerre.
L’optimisme qui régnait autour du sommet nord-coréen m’a paru plutôt déconcertant. L’idée que même dans le mouvement de la liberté, les gens étaient en train d’acheter cela comme viable est déconcertante, parce qu’elle montre un manque de conscience de la situation dans son ensemble.
Ce que nous avons ici, les gars, c’est une approche de la carotte et du bâton pour la psyché collective américaine. Les tensions se multiplient dans le monde, économiquement et politiquement, puis on nous accorde un court répit, un moment pour reprendre notre souffle. Mais cela ne dure généralement pas très longtemps car ces moments sont généralement basés sur de fausses informations et suppositions, et la tension est encore augmentée. Finalement, quelque chose se brise.
Même si le sommet avec la Corée du Nord a effectivement lieu et se termine sans incident (c’est un GRAND « si »), et même si l’administration Trump déclare « mission accomplie », la Corée du Nord ne donnera pas suite au désarmement. Comptez là-dessus.
Au-delà, prenez le timing. La date initiale du sommet était la même que celle de la réunion de juin de la Réserve fédérale. Ne serait-il pas plutôt commode que le sommet échoue alors que la Fed frappe les marchés boursiers avec une nouvelle hausse des taux d’intérêt et une réduction importante de son bilan ? Une fois de plus, la Fed blâmera la chute des actions qui plongeront de 1 200 points ou plus utilisant une politique internationale occupant une place centrale.
L’accord de paix iranien n’est qu’une pause pour la préparation à la guerre
L’accord de paix iranien est maintenant en lambeaux avec Israël sur la voie de la guerre dans la région et les affirmations des États-Unis soutenant que le développement nucléaire iranien se poursuit, ne sont toujours appuyées par aucune preuve. Beaucoup d’entre nous se souviennent des mensonges sur les armes de destruction massive en Irak qui ont conduit à la deuxième guerre du Golfe, et la situation iranienne sent la même tromperie. En fait, certains des mêmes joueurs néo-conservateurs de l’époque se cachent à la Maison Blanche maintenant, y compris John Bolton.
Avec la déstabilisation de la Syrie sur le chemin après que les agences de renseignement occidentales aient financés, armés et entraînés des insurgés qui devaient former plus tard l’EIIL et fassent des ravages dans le pays, le principal partenaire stratégique iranien est maintenant au bord de l’effondrement [C’est l’avis de l’auteur, NdT]. Le ciblage direct du régime d’Assad est la prochaine étape maintenant que le faux jeu de guerre contre EIIL a disparu. La Russie retire aussi commodément une grande partie de ses troupes de Syrie, ouvrant la porte à l’invasion par d’autres intérêts.
Toute invasion de la Syrie avec l’intention de renverser Assad entraînera probablement une réponse iranienne, et c’est peut-être l’objectif ; attirer l’Iran dans une posture agressive, justifiant ainsi la guerre.
Le calendrier du conflit avec l’Iran, qui approche, ne devrait pas être négligé. Nous avons maintenant des prix du pétrole en hausse malgré un dollar index fort et une offre toujours excédentaire, ce qui ajoute à la tension sur les préoccupations de stagflation. Et nous avons également un désastre géopolitique potentiel qui pourrait fournir une couverture parfaite aux banques centrales pour continuer leur découplage des marchés boursiers sans recevoir de blâme pour les conséquences. L’été 2018 continue de ressembler à une période de transition pour une volatilité économique considérable, tout comme l’été 2008, il y a 10 ans.
Brandon Smith
Traduit par Hervé, relu par Cat pour le Saker Francophone