… ou la véritable cause de l’inégalité sociale croissante aux États-Unis
Par Ugo Bardi – Le 13 septembre 2016 – Source Cassandra Legacy
Dans un article récent sur le Huffington Post, Stan Sorscher présente le graphique ci-dessus et pose la question de ce qui a pu se produire au début des années 1970 qui a tout changé. Le graphique est impressionnant, mais qu’est ce qui a causé ce «quelque chose» qui est arrivé au début des années 1970 ? Selon Sorscher, c’est notre choix de valeurs nationales. Nous avons abandonné les valeurs américaines traditionnelles qui ont construit une grande et prospère nation.
Malheureusement, c’est le cas classique d’une explication qui n’explique rien. Pourquoi le peuple américain a-t-il décidé d’abandonner les valeurs traditionnelles américaines à ce moment précis ?
En réalité, ce point de bascule est connu depuis longtemps. Les premiers à l’avoir remarqué sont Harry Bluestone et Harrison Bennet avec leur livre publié en 1988 The Great U-turn : Corporate Restructuring And The polarisant Of America. Ils ont noté que beaucoup de paramètres économiques avaient complètement inversé leurs tendances historiques au début des années 1970, y compris l’inégalité globale mesurée en termes de coefficient de Gini. Depuis près d’un siècle, la société américaine se déplaçait vers un degré plus élevé d’égalité. Depuis le début des années 1970, la tendance a changé de direction, ce qui porte les États-Unis à un niveau d’inégalité similaire à celui des pays d’Amérique du Sud, en moyenne.
Donc, qu’a été ce «quelque chose» qui a tout changé au début des années 1970 ? Personne ne le sait vraiment, mais au moins il y eu un changement majeur mesurable qui a eu lieu en 1970 : le pic pétrolier aux États-Unis.
C’est un véritable astéroïde qui a frappé l’économie américaine et qui a changé beaucoup de choses. Peut-être le changement le plus important est-il que les États-Unis ont cessé d’être un exportateur de pétrole et sont devenus un importateur de pétrole. Ce changement a été transparent pour les utilisateurs, en ce sens que les Américains qui remplissaient les réservoirs de leurs voitures ne savaient pas d’où provenait le pétrole qui avait produit leur essence (et la plupart ne s’en souciaient pas du tout). Mais le changement a impliqué un important transfert de capitaux en provenance des États-Unis vers les producteurs étrangers, même si une grande partie de ceux-ci y sont retournés sous la forme d’investissements. C’était le phénomène du recyclage des pétrodollars qui a affecté principalement le système financier ; tout cet argent n’a jamais vraiment ruisselé jusqu’aux couches les plus pauvres de la société américaine. Cela pourrait bien expliquer la tendance à l’inégalité croissante qui a commencé au début des années 1970.
Mais, si le pic pétrolier de 1970 explique les tendances à l’inégalité, ne devrait-on pas avoir un nouveau renversement de tendance avec la «révolution du pétrole de schiste» pour tout changer à nouveau ? C’est étonnant mais il existe des preuves que c’est peut être le cas.
Les données de la Banque mondiale indiquent que le coefficient de Gini pour les États-Unis a atteint un sommet en 2006 et est resté constant depuis ou en léger recul. Encore une fois, cela fait un certain sens ; il est difficile de s’attendre à un retour aux faibles valeurs d’inégalités des années 1960 puisque le grand boom du pétrole de schiste n’a pas transformé les États-Unis en un pays exportateur de pétrole. À l’heure actuelle, avec le pic récent du champ Bakken, il semble que les bons moments connus il y a un demi-siècle ne reviendront jamais.
Tout cela nécessite beaucoup de travail pour être mieux quantifié et éprouvé. Mais ce n’est pas une surprise de voir que notre vie dépend tant et si profondément de la production de ce liquide noir vital que nous appelons «pétrole brut». Et avec le ralentissement probable de la production américaine qui semble commencer maintenant, nous allons voir des changements de plus en plus radicaux dans notre société. Que seront ces changements, cela reste à voir, mais il est difficile de penser qu’ils vont tendre à une plus grande égalité.
Ugo Bardi
Note du Saker Francophone Je profite de cet article pour un aparté anti-système. Notre ambition reste de proposer des traductions d'articles non francophones pour élargir le débat, la réflexion des lecteurs et de certains chroniqueurs qui puisent dans notre site sans retenue pour leur propre articles. Nous faisons peu de promotion de blogs francophones n'estimant pas nécessaire un quelconque prosélytisme, chacun étant assez grand pour trouver ses sources. Mais comme je traduisais cet article, je suis tombé dans son analyse sur un des blogs que je suis à titre personnel, lachute.over-blog.com. Comme il puise aussi régulièrement son inspiration sur notre blog, le sakerfrancophone.fr, je ne puis que vous conseiller ses analyses percutantes et sans concessions. Il est par exemple l'un des rares à suivre en détail le marché du charbon en Chine ou aux USA et à en tirer des prospectives intéressantes. Et si l'utilisation de nos articles par d'autres blogs nous conforte dans nos choix, à l'inverse, ce blog, et d'autres comme dedefensa, nous servent aussi à alimenter notre base de textes car on y trouve régulièrement des sources pertinentes. Il existe donc un mouvement de pendule informel assez efficace entre les différents sites anti-systèmes sans qu'il soit nécessaire de se synchroniser, c'est la qualité et la pertinence du contenu qui nous sert de liens, chacun apportant de nouvelles sources qui condensent ou pas. Concernant cet article d'Ugo Bardi, je vous laisse donc lire l'analyse de lachute. Pour ma part, cet article de Bardi a la mérite de repartir d'un point d'inflexion de l'histoire, un des ces moments de grande divergence. On pourra bien sûr ergoter qu'il y a aussi eu le découplage du dollar et de l'or, les chocs pétroliers «provoqués» par l'OPEP, la fin programmée de l'URSS et bien d'autres choses. Mais là où il touche juste, c'est que si seules les pénuries d'essence ont été perceptibles, c'est bien dans les années 1970 que le système a commencé à muter sur la lancée des années 1960, comme si cette décennie n'avait servi qu'à préparer la suivante et les autres à venir, alors que les néo-trotskystes se frayaient leur chemin vers le pouvoir (néo-conservateurs aux USA). On peut d'ailleurs penser que nous vivons actuellement une autre de ces bifurcations. Les oligarchies prennent conscience que ces inégalités vont durer et sont amenées à se creuser, mais surtout que cela commence à se voir. Elles ont donc commencé à réorganiser nos «démocraties» pour les doter de moyens de répression accrus contre nous, profitant largement de cette «guerre» contre le terrorisme et s'appuyant sur des cinquièmes colonnes islamistes ou marxistes culturelles, conscientes ou pas de leur rôle. On se retrouve donc maintenant à combattre sur deux fronts, un front global contre les oligarchies et un front intérieur contre ces fameux radicalisés que l'on nous vend, et une classe de mondialistes de tout poil. Les récentes fuites autour de Soros et de son ONG Open Society montrent très clairement que ce genre d'ONG est financée par le Big Business et finance à son tour pêle-mêle LBGT, migrants, antifas, revendication ethnique et religieuse, mouvements d'indépendance... Bref tout ce qui va permettre de dissoudre les États ou même les familles, derniers remparts face à la dictature consumériste qui nous est promise. Pour revenir à l'article de Bardi, autre chose a changé. La croissance a disparu et s'il avait été aisé d'endormir les peuples dans un océan de pétrole, la situation va être plus difficile à piloter avec des peuples qui se réveillent, comprenant que la fête est finie et cherchant des coupables. Pas sûr que les boucs émissaires qu'on nous agite sous le nez suffisent à distraire les peuples pour les empêcher de diagnostiquer les véritables responsabilités. En tout cas, nous ferons tout pour aider les meilleures vérités à percer le plafond de verre érigé par nos chères élites.
Traduit par Hervé, relu par Cat pour le Saker Francophone