Ukraine. L’armée russe active le front sud


Par Moon of Alabama – Le 21 janvier 2023

L’offensive russe en Ukraine tant attendue a commencé.

L’armée ukrainienne, encouragée par ses contrôleurs américains, a consacré la plupart de ses ressources à la défense statique du secteur de Bakhmut (Artyomovsk) – Soledar, sur le front oriental. Un nombre insensé de brigades ukrainiennes, bien que beaucoup soient partiellement épuisées, sont concentrées sur ce front de 50 kilomètres de long. Les autres secteurs étaient donc pratiquement vides de troupes ukrainiennes.

Je compte l’équivalent de quelque 27 formations de la taille d’une brigade dans cette zone. La taille habituelle d’une brigade est de 3 000 à 4 000 hommes avec des centaines de véhicules de toutes sortes. Si toutes les brigades étaient au complet, cette force compterait 97 500 hommes. Lors d’une récente interview, le commandant militaire ukrainien Zaluzhny a déclaré que son armée comptait 200 000 hommes entraînés au combat et que 500 000 autres avaient d’autres fonctions ou étaient en cours d’entraînement. Les forces qui se font actuellement malmener dans la région de Bakhmut constituent 50 % des forces ukrainiennes prêtes au combat.

Dans les secteurs sud et nord de la ligne de bataille, les forces ukrainiennes ont été amincies et ne sont en mesure de se défendre que contre des forces mineures.

Les forces ukrainiennes au nord et au sud sont dans la même position que les troupes russes lorsque l’armée ukrainienne a lancé l’année dernière une attaque éclair dans la région de Kharkiv. La force de protection russe, composée de quelques 2 000 gardes-frontières et policiers fédéraux, avait battu en retraite et simplement utilisé son artillerie pour détruire les forces ukrainiennes qui arrivaient. L’attaque s’est épuisée et s’est arrêtée après avoir progressé de quelque 70 kilomètres sur un front plutôt large. Mais l’Ukraine ne dispose plus, contrairement aux Russes de l’époque, de l’artillerie nécessaire pour arrêter une forte poussée.

Fer, cendres et sang

La grande concentration ukrainienne de Bakhmut est maintenant dans un encerclement opérationnel. Les forces russes ont progressé au nord et au sud de la ville et leur artillerie peut facilement contrôler les routes de sortie ouest de Bakhmut. C’est une situation semblable à celle de Verdun (En français). L’artillerie russe est de loin supérieure numériquement et peut massacrer les troupes ukrainiennes à volonté. Même l’armée américaine suggère maintenant que l’Ukraine devrait renoncer à cette ville. Si le gouvernement de Kiev accepte, il s’agira d’une retraite sous le feu de l’ennemi, avec des pertes probablement élevées. Mais ne pas battre en retraite ne ferait qu’empirer les choses.

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La concentration ukrainienne sur Bakhmut met en péril les autres lignes de front. D’autres personnes et moi-même suggérons depuis un certain temps que les forces russes pourraient passer par le sud de la région de Zaporizhia pour exercer une forte pression sur l’arrière des forces ukrainiennes, autour de Bakhmut.

Les mouvements russes contre la troisième et quatrième lignes de défense ukrainiennes seront probablement soutenus par un mouvement du sud qui libérera le reste de la région de Zaporiziha et de Donetsk.

En dehors de ces opérations, le commandement russe dispose d’un nombre suffisant de troupes pour mener une autre attaque majeure. Celle-ci pourrait venir du nord, dans la région de Kharkiv, par l’arrière les troupes ukrainiennes qui attaquent actuellement les lignes russes plus à l’est.

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Cette carte du déploiement militaire terrestre, favorable au camp ukrainien, montre seulement trois brigades de défense territoriale couvrant une ligne de défense sud de 100 kilomètres de long. Ces brigades sont riches en infanterie mais ne sont pas mobiles. Elles ne disposent que de peu d’équipements lourds. La 65e brigade mécanisée ukrainienne est la seule force capable dans la région. Elle contrôle la ville de Zaporizhzhia, mais sa position est en train d’être fortement saignée depuis un certain temps.

Une brigade d’infanterie motorisée, la 56e, a été ajoutée au front sud il y a environ six jours. En août, cette brigade avait été sévèrement malmenée lors de la défense de Peski sur le front est. Elle a depuis été reconstituée avec de nouveaux conscrits et un assortiment d’équipements livrés par l’Ouest. Elle ne peut pas être considérée comme une unité pleinement capable.

Il n’y a pas de brigade d’artillerie ukrainienne dans le secteur. Il n’y a donc aucune capacité de contre-artillerie disponible.

La force russe qui attaque est la 58e armée de la Fédération de Russie. Il ne s’agit pas de forces VDV légèrement blindées et déployables par voie aérienne comme celles qui ont combattu autour de l’aéroport Hostomel près de Kiev. Ce ne sont pas les milices des républiques du Donbass vues sur le front oriental. Ce ne sont pas les forces tchétchènes qui prennent d’assaut Marioupol. Ce ne sont pas les mercenaires de Wagner qui entourent Bakhmut.

Il s’agit de la véritable armée russe, la Rouge, avec toutes ses ressources lourdes et ses capacités à mener une guerre à armes combinées.

Les premières attaques russes par sondage dans la région ont été lancées il y a deux jours. Les lignes ukrainiennes ont immédiatement cédé et les forces russes ont avancé d’environ 5 kilomètres le tout premier jour. Hier, elles ont encore avancé.

Tout ce qui est en rouge et jaune au nord de la ligne rouge fermée sont des avancées russes récentes.

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Il y a quelques semaines, dans une interview accordée à The Economist, le général Zaluzhny, commandant de l’armée ukrainienne, qualifiait une attaque russe à cette période-là de l’année de “pire” situation possible :

Mais la principale raison pour laquelle la Russie a recruté autant de jeunes hommes, selon les généraux, est de reprendre l’offensive pour la première fois depuis que sa tentative d’envahir le Donbass a échoué cet été. “Tout comme pendant [la Seconde Guerre mondiale]… quelque part au-delà de l’Oural, ils préparent de nouvelles ressources“, déclare le général Zaluzhny, faisant référence à la décision soviétique de déplacer l’industrie de la défense vers l’est, hors de portée des bombardiers nazis. “Ils sont préparés à 100%“. Une attaque russe majeure pourrait survenir “en février, au mieux en mars et au pire fin janvier“, dit-il.

Zaluzhny prétend avoir constitué des réserves mais il a depuis envoyé encore plus de troupes à Bakhmut :

La tentation est d’envoyer des réserves [à Bakhmut]. Une stratégie plus sage consisterait à les retenir.

Que les soldats dans les tranchées me pardonnent“, dit le général Zaluzhny. “Il serait plus important de se concentrer sur l’accumulation de ressources dès maintenant pour les batailles plus longues et plus lourdes qui pourraient commencer l’année prochaine.”

Il est peu probable que les réserves dont il dispose actuellement soient équipées, entraînées et prêtes au combat. Elles seront trop petites pour arrêter une attaque russe entièrement mécanisée traversant le sud-ouest de la province de Donetsk, peu peuplé.

L’objectif de la poussée russe dans le sud ne sera pas de prendre des villes comme Zaporiziha. Le but est de placer les principales voies de transport, les chemins de fer et les routes, venant de l’ouest de l’Ukraine pour aller au front est de l’Ukraine, sous le feu de l’artillerie russe. Cela empêchera non seulement le réapprovisionnement des troupes ukrainiennes sur le front oriental, mais aussi leur sortie de la ligne de front. Une poussée de 100 kilomètres (60 miles) vers le nord y parviendrait en grande partie. Une poussée complémentaire du nord vers le sud, qui pourrait ou non se produire, fermerait définitivement le chaudron.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone

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