Surproduction de pétrole : c’est la demande, idiot !


Le 5 mars 2017 – Source doomsteaddiner.net


J’ai trouvé ce graphique sur Bloomberg, qui est peut-être la meilleure démonstration à ce jour que l’économie pétrolière est en mode d’effondrement avancé maintenant. Le graphique est celui de l’inventaire du stockage du pétrole, et il couvre les 35 dernières années depuis 1982, avec les données de la FSoA.


Avec-vous noté la forme en crosse de hockey de ce graphique? Pendant 35 ans jusqu’en 2014, les stocks de pétrole ont été maintenus dans une fourchette très étroite [autour de 300 millions de barils, NdT]. L’offre et la demande ont été maintenues en équilibre par les gens chargés du contrôle de l’extraction du pétrole et de la production d’argent. Un taux de croissance plus ou moins régulier de l’ensemble du système a été maintenu, à mesure que la production de pétrole et la population augmentaient, que la masse monétaire augmentait parallèlement, quelques points de pourcentage devant assurer le retour sur investissement des responsables de la création monétaire en premier lieu. Pour monsieur tout le monde, c’est apparu sous forme d’un peu d’inflation sur le coût du logement, de la nourriture et d’à peu près tout le reste, en plus des gizmos technologiques maintenus en spirale ascendante.

Cependant, même pendant toutes les récessions des années 1980 à nos jours, les stocks de pétrole sont toujours restés à l’intérieur de cette fourchette étroite. Cela inclut la Grande Récession, suite à la crise financière de 2008. Cependant, quelque chose a changé en 2014 et mon bon ami Steve Ludlum de Economic Undertow l’a rattaché à une période précise il y a un peu plus de 2 ans, en avance, avec son « triangle de malheur ». Ce qui a changé à cette époque, c’est que le coût de l’extraction du pétrole est passé au dessus du prix que les clients pouvaient se permettre de payer. Le prix s’est effondré, de plus de 100 $ / baril à 40 $ / baril.

Graphiques de Steve Ludlum de Economic Undertow

Août 2012 : Prévision

 

Avril 2015 : Réalité

À ce prix, pratiquement personne dans le domaine de l’extraction du pétrole ne fait plus de profit. Quelques personnes, comme les Saoudiens, ont encore des champs historiques d’où ils peuvent extraire du pétrole avec un profit de 20 $ / baril, mais si on prend la Saudi ARAMCO dans sa globalité, leurs coûts sont beaucoup plus élevés que cela. Ici, en Amérique, les entreprises qui utilisent la technologie de fracturation hydraulique ont peut-être réduit leurs coûts d’extraction à 60 $ / baril dans certains de leurs meilleurs champs, mais ils ne font toujours pas de bénéfice à 50 $ / baril. Elles ne se vident pas de leurs liquidités tout à fait aussi rapidement, et si elles sont too big to fail, alors Wall Street continue de rouler leurs prêts pour les garder à flot un jour de plus. C’est mieux, à court terme, que d’avoir à écrire des milliards de dollars de pertes sur leurs comptes, ce qui rendrait les banques elles-même insolvables.

Alors, qu’est-ce qui s’est passé ici, sur le marché du commerce du pétrole, depuis 2014 ? Eh bien, les vendeurs de pétrole continuent de retenir leur ventes jusqu’à ce qu’ils puissent faire un profit. Mais dans la gamme de 50 $ / baril, ils ne le peuvent généralement pas, de sorte que le pétrole reste dans un réservoir quelque part, pendant qu’ils attendent que le prix remonte. Mais cela n’arrive pas. Pendant ce temps, les extracteurs de pétrole partout dans le monde continuent à extraire, parce qu’ils doivent le faire pour payer leurs factures. Le brut continue de s’accumuler, parce que les consommateurs refusent de brûler cette merde assez vite, parce qu’ils ne peuvent pas se permettre financièrement d’en brûler plus vite!

Jusqu’à ce que les prix baissent très fortement, la surabondance va continuer de s’accumuler. Finalement, ils vont finir par être à court de réservoirs pour stocker cette merde, et il en coûte de l’argent tous les jours, pour garder le pétrole que vous avez acheté à un certain prix, stocké dans un réservoir quelque part, pour le vendre à une date ultérieure à un prix plus élevé, comme vous l’espérez. Personne ne veut « acheter haut, vendre bas » ! C’est une recette pour la faillite, bien sûr. Donc ils gardent le pétrole dans les réservoirs, et ils continuent à en remplir de plus en plus.

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Pétroliers en stationnement autour de Singapour

Inévitablement, une VENTE POUR LIQUIDATION finira par advenir. Il n’y a pas d’espace sans fin pour le stockage physique, et en outre, stocker toute ce pétrole revient cher. Celui qui en est le propriétaire est saigné à l’encre rouge, aussi longtemps qu’il le garde.

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Maintenant, chaque fois que vous lisez un des experts du pétrole, il vous dira que la raison de la surabondance vient des membres de l’OPEP, qui trichent sur leurs quotas, des Iraniens mettant plus de pétrole en ligne ou des producteurs de pétrole de roche mère qui forent plus de puits. Mais la production mondiale totale est-elle réellement supérieure à tout cela ? Non, en fait, elle est en baisse, depuis qu’elle a culminé en août 2015. Donc, si ce n’est pas la hausse de la production, pourquoi cette surabondance?

C’EST LA DEMANDE, idiot !

Parce qu’ils truquent les chiffres, partout ailleurs dans l’économie, pour montrer la « croissance » et parce que personne ne veut admettre être en récession, l’inventaire des stocks de pétrole continue de croître. Ce chiffre, vous ne pouvez pas le masquer (pas assez bien), parce que la substance est une quantité physique qui doit être stockée dans… quelque chose. Ils doivent donc savoir où ils vont le mettre.

Le pétrole est un produit mondial, dans lequel le FSoA est parmi les plus grands consommateurs, mais ce n’est pas le seul consommateur. L’Europe dans son ensemble consomme beaucoup, la Chine consomme beaucoup aussi. Toute la consommation ne concerne pas les moteurs à combustion. Une grande partie concerne la consommation industrielle. Globalement, comme agrégat, si l’économie était vraiment en croissance, nous devrions consommer plus de pétrole, pas moins.

Parfois, quand j’avance l’argument de la demande en ce qui concerne à la fois le prix et la surabondance, les critiques me disent : « Mais RE, le trafic n’est pas plus mauvais qu’avant et tout le monde dans mon quartier en est encore à conduire des SUV ultra-consommateurs ! » Eh bien, cela peut être vrai dans votre quartier, mais dans le quartier de quelqu’un, ce n’est certainement pas vrai.

Ma meilleure estimation est que la majeure partie de la réduction de la demande provient du sud de l’Europe, en forte récession depuis des années. C’est probablement aussi le cas dans le secteur manufacturier chinois, avec la baisse de la demande pour leurs jouets. Alors, ils utilisent moins de pétrole dans le processus de fabrication.

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Avec une baisse de la production totale, avec un graphique en forme de crosse de hockey de l’inventaire en forte hausse, la seule réponse ne peut être que la baisse de la demande mondiale de pétrole. Afin d’obtenir une demande en hausse, ils vont devoir faire baisser les prix. Mais ils en sont déjà à perdre de l’argent, au prix actuel dans la gamme de 50 $. Donc, les vendeurs vont s’accrocher à leur stock pour le jour où la demande rebondira magiquement et que les consommateurs reviendront à la pompe et payeront les prix dont ils ont besoin pour faire un profit. Il n’y a cependant aucune raison pour le moment, de croire que les consommateurs auront magiquement plus d’argent pour payer plus pour le pétrole ; ils ont déjà du mal à le payer au prix auquel il est vendu pour l’instant.

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Contrairement au monde magique de l’argent, où vous pouvez conjurer autant de chiffres que vous voulez, créés de nulle part et qui ne prennent pratiquement aucune place à stocker à l’intérieur d’un ordinateur portable, le pétrole est une marchandise physique qui doit être brûlée pour avoir de la valeur. Si ce n’est pas brûlé aussi vite qu’il est pompé, le pétrole perdra de la valeur. Les vendeurs ne veulent pas reconnaître la perte de valeur, cependant, parce qu’ils prendraient un gros bouillon financier, un bain de sang même. Ils n’ont pas à prendre leur perte comptable tant qu’ils ne vendent pas leur stock. Donc ils ne vendent pas, ils le gardent stocké, sur un pétrolier quelque part, et payent des frais de stockage quotidiens avec plus d’argent emprunté. Les banques continuent de le leur prêter, parce qu’elles touchent aussi leur commissions sur l’argent prêté. Peu importe combien d’argent ils empruntent pour garder ce stockage de pétrole parce que finalement, ils vont manquer de place. Alors TOUT le monde devra cesser de pomper le pétrole, jusqu’à ce que l’on en finisse avec cette surabondance. Étant donné qu’il y a le double de l’inventaire normal, cela pourrait prendre un peu de temps. Est-ce qu’un seul pays producteur de pétrole peut survivre une semaine sans les revenus de son pétrole?

Cette condition d’extrême surabondance doit finir et la seule façon de vider le stock est une réduction importante du prix. Quand cela se produira, il y aura un carnage dans l’ensemble des secteurs de l’énergie et de la banque. Je ne sais pas dans combien de temps le dernier réservoir de stockage et le dernier tanker sera plein, mais je ne peux pas imaginer que ce jour soit si éloigné. On approche de la fin du jeu.

Note du Saker Francophone

A noter que 200 millions de barils de stock, à 95 millions de barils produits par jour, ça ne fait que 2 à 3 jours, mais l'effet sur les prix est massif. On peut même imaginer que les achats ralentissent encore plus, fortement pour forcer une baisse de prix maximale. Spéculation, spéculation...

Traduit par Hervé, vérifié par Julie, relu par Nadine pour le Saker Francophone

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