S-300 et autres matériels militaires pour la Syrie, état des lieux

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2015-09-15_13h17_31-150x112Par The Saker – Le 5 octobre 2018 – Source Unz Review

Cette semaine, des responsables russes ont déclaré que la livraison des S-300 à la Syrie était terminée et que ce premier lot comprenait 49 « équipements militaires », y compris des radars, des véhicules de contrôle et quatre lanceurs. Les responsables russes ont ajouté que, si nécessaire, ce chiffre pourrait être porté à 8 ou 12 lanceurs. Le ministre de la Défense Shoigu a ajouté que « les mesures que nous prendrons seront destinées à assurer la sécurité à 100% de nos hommes en Syrie, et nous le ferons ». Cela laisse beaucoup de questions sans réponse.

Premièrement, on ignore encore quelle version du S-300 a été livrée en Syrie. Certaines sources disent qu’il pourrait s’agir du S-300PMU2, d’autres mentionnent le S-300VM, alors que d’autres sources spéculent qu’il pourrait s’agir d’un S-300V4 ou de sa version d’exportation, l’Antey-2500. Je vous épargnerai les détails techniques – les personnes intéressées peuvent consulter l’article bien détaillé de Wikipedia ici – mais il convient de noter que tant que la version spécifique du S-300 ne sera pas connue, il sera très difficile d’évaluer l’impact potentiel de cette livraison. Les S-300 d’origine ne sont peut-être pas obsolètes, mais ils ne sont certainement pas à la pointe des technologies de défense antiaérienne – les premiers S-300 sont entrés en service dans l’armée soviétique à la fin des années soixante-dix !

Mais la dernière version des S-300 a des capacités très proches du système S-400 et se classe ainsi parmi les systèmes de défense aérienne les plus performants jamais construits. Par exemple, le fait que les Israéliens ont eu de nombreuses années pour étudier les S-300 livrés à la Grèce a été très valorisé, mais on oublie souvent que la version livrée à Chypre et redéployée par la suite en Grèce a été le S-300PMU-1, relativement obsolète. La probabilité que les Russes transmettent cette version aux Syriens est proche de zéro. Cependant, quand je pense au ministre israélien de la Défense – et dingue de bonne foi – Lieberman déclarant « une chose doit être claire : si quelqu’un tire sur nos avions, nous le détruirons. Peu importe qu’il s’agisse d’un S-300 ou d’un S-700 », les analystes militaires israéliens lui ont probablement dit que le S-300 n’était pas une arme si redoutable en oubliant de mentionner le fait qu’ils faisaient référence à l’ancienne version, pas au genre de matériel que les Russes utiliseraient de nos jours.

Ce qui est sûr, c’est que quatre lanceurs seulement ce n’est pas beaucoup, mais suffisant pour protéger une partie spécifique de la Syrie. Ils augmenteront également le nombre total de missiles russes/syriens de défense aérienne, contribuant ainsi à atteindre l’objectif officiellement déclaré d’assurer « la sécurité à 100% » des forces russes en Syrie. Cependant, cela ne suffit certainement pas pour créer une zone d’exclusion aérienne complète sur tout le pays, du moins pas contre une attaque à grande échelle.

Néanmoins, les Russes ont déjà des S-300 – et même des S-400 – en Syrie et quatre lanceurs supplémentaires leur fournissent une puissance de feu supplémentaire, mais aucune nouvelle capacité. Je pense que l’explication la plus probable est que les S-300 livrés aux Syriens protégeront quelques cibles stratégiques syriennes importantes – Damas ? – tout en renforçant la puissance de feu de la force russe, plutôt petite, en Syrie. En ce qui concerne la déclaration selon laquelle 4 à 8 lanceurs supplémentaires pourraient être livrés, c’est le signe que les Russes veulent garder leurs options ouvertes tout en créant une ambiguïté délibérée sur la puissance de feu qu’ils possèdent réellement à un moment donné.

Deuxièmement, je vais répéter ce que j’ai déjà dit : les S-300 ne sont pas ce dont les Syriens ont le plus besoin. En ce qui concerne les missiles antiaériens, ils ont surtout besoin d’un nombre plus élevé de systèmes de défense antiaérienne mobiles Pantsirs-S1/2 à courte portée. Les Pantsirs sont non seulement idéaux pour se protéger des frappes de missiles de croisière, mais ils peuvent également protéger les S-300, ce qui deviendra un problème crucial si les Israéliens décident d’essayer de les détruire – ce qu’ils avaient menacé de faire par le passé.

Ce que les S-300 ajoutent principalement aux capacités syriennes n’est pas tant la capacité d’intercepter plus de missiles que la capacité de suivre et d’engager des AWACS et d’autres avions de gestion de combat et de reconnaissance à très longue distance. En théorie, un S-300V4 pourrait empêcher les Israéliens d’utiliser un AWACS à une distance utile pour eux. Les AWACS devraient rester trop loin ou prendre le risque énorme d’être abattus par un missile à grande vitesse et très maniable –  les missiles S-300V4 ont une portée de 400 km à Mach 7,5 ou de 350 km à Mach 9 ! Si les Israéliens concluent que les Syriens disposent maintenant du S-300V4, ils devront considérablement réduire leurs opérations aériennes en Syrie et adopter des missiles balistiques tactiques sol-sol et des systèmes d’artillerie à longue portée. Davantage de S-300 améliore également la couverture radar globale et permettra de combler certaines lacunes créées par les massifs montagneux syriens.

Troisièmement, il n’est également pas clair, peut-être délibérément, de distinguer les systèmes de guerre électronique que la Russie a déployé – ou déploiera – en Syrie et en quelle quantité. Les candidats possibles sont le système de brouillage électronique et de renseignement Zhitel R-330Zh, le système d’arme de guerre électronique Borisoglebsk-2 RB-301B et le système de brouillage Krasukha-4. En ce qui concerne le système de commandement et de contrôle automatisé qui pourrait être déployé en Syrie, je suppose que le Polyana D4M1 serait un excellent candidat. Quelle que soit la combinaison finale, je dirais que cela présente une capacité plus importante que des lanceurs S-300 supplémentaires. Bien sûr, on mélange des choux et des carottes, mais nous devons garder à l’esprit que ces systèmes de guerre électronique sont des multiplicateurs de force extrêmement puissants qui peuvent considérablement augmenter les capacités de défense russes et syriennes en bloquant les signaux GPS, les transferts de données, les signaux des téléphones portables – utilisés pour le ciblage et le renseignement – les radars, en créant des leurres et même en détruisant des composants électroniques. La guerre électronique est un domaine dans lequel les Israéliens ont toujours bénéficié d’une supériorité considérable sur leurs victimes arabes et le fait que cela a maintenant changé est un développement extrêmement pénible pour eux, même s’ils ne l’admettront jamais.

Comme prévu, les Israéliens se sont déclarés eux-mêmes à la fois supérieurs et invulnérables afin de poursuivre leur politique d’agression (totalement illégale) contre la Syrie.

Les Israéliens ont plusieurs options : ils pourraient décider de s’en tenir à des attaques fondamentalement symboliques contre des cibles non protégées et déclarer à chaque fois qu’ils ont détruit un immense dépôt de missiles du Hezbollah ou une usine d’armes chimiques syrienne, cela contribuerait grandement à renforcer les références « patriotiques» de Netanyahu tout en maintenant l’action réelle à un niveau purement symbolique.

La deuxième option consisterait à utiliser des missiles balistiques et de l’artillerie à longue portée et à frapper de véritables cibles. Enfin, les Israéliens pourraient tenter de lancer une vaste et complexe attaque aérienne contre les systèmes de défense antiaérienne syriens afin de montrer que les S-300 ne sont pas un gros problème pour eux. L’utilisation des missiles balistiques est l’hypothèse la plus probable, et si les Syriens ne gardent pas leurs S-300 assez proches les uns des autres pour se protéger mutuellement, les Israéliens pourraient être en mesure de les détruire. C’est un plan plutôt risqué car, en cas de succès, il ne ferait que multiplier les livraisons de systèmes de défense aérienne en provenance de la Russie. C’est une chose à laquelle les États-Unis pourraient s’opposer vigoureusement puisque, chaque fois que les Russes livrent du matériel militaire aux Syriens pour les protéger contre les Israéliens, ils renforcent également la capacité de la Syrie à se défendre contre les attaques américaines, l’OTAN et le CENTCOM, la livraison de S-300 aux Syriens est autant un désastre pour les États-Unis que pour Israël, alors j’imagine que les commandants américains sont plutôt furieux contre les Israéliens pour avoir créé cette situation.

Il est important de garder à l’esprit que, même si les S-300 sont certainement des systèmes de défense aérienne redoutables, ils ne sont pas une Wunderwaffe [Arme miracle] qui pourrait, à elle seule, empêcher les Israéliens d’attaquer la Syrie. La récente livraison de matériel militaire en provenance de Russie marquera certainement une forte augmentation des capacités de défense syriennes (et russes), mais si les Israéliens sont déterminés à continuer de frapper la Syrie, les Russes devront fournir encore plus de systèmes.

Au sujet des Israéliens, leur importante délégation qui s’est rendue à Moscou n’a apparemment réussi qu’à énerver davantage les Russes. J’avais supposé qu’ils pourraient présenter une sorte de preuve disculpatoire, mais j’avais tort : ​​apparemment, ils n’avaient rien à dire à part « l’Iran est méchant » et « la Syrie est responsable ». C’est ce qui a poussé les Russes à dévoiler les données radar du S-400 russe en Syrie pour prouver que tous les propos des Israéliens étaient des mensonges, des mensonges et encore des mensonges.

Je vois cela comme une preuve supplémentaire de la combinaison absolument incroyable d’incompétence flagrante et d’arrogance à couper le souffle des Israéliens. La façon dont ils ont mené leur attaque dans son ensemble témoigne déjà de leur manque flagrant de professionnalisme. Et, pour couronner le tout, lorsqu’ils se sont présentés à Moscou, ils ont regardé les Russes dans les yeux en mentant à propos de tout – bien qu’ils aient dû savoir que ces derniers avaient tout enregistré seconde par seconde. Quand Poutine a parlé d’une « chaîne de circonstances tragiques », il a essayé très poliment de leur donner une sortie honorable pour peu qu’ils s’excusent et indemnisent les victimes. Mais cela aurait été totalement inacceptable pour le Herrenvolk [peuple des seigneurs] israélien. Ils ont fait ce qu’ils ont toujours fait : ils ont renchéri et accusé tous leurs détracteurs d’antisémitisme.

En conclusion, je dirai que même si je me trompe peut-être, je ne crois toujours pas que les Israéliens avaient un plan sophistiqué pour atteindre un objectif encore indéterminé. Au cours de l’année écoulée, les Israéliens n’ont informé les Russes de leurs plans de frappes aériennes en Syrie que dans 10% des cas. Pour les 90% restants, ils ne se sont même pas donné la peine, bien qu’ils aient promis de le faire dans leur accord avec la Russie. Par un contraste saisissant, les Russes ont toujours informé les Israéliens de leurs opérations, comme les Américains le font avec les Russes. Mais les Israéliens pensent simplement qu’ils ne sont pas tenus de respecter quelque norme de comportement que ce soit. Ce genre de mépris pour les accords – et pour les non-juifs en général – est typique de la mentalité israélienne et finira par entraîner la chute du dernier régime ouvertement raciste de la planète.

The Saker

Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone

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