Par Moon of Alabama − Le 20 novembre 2023
La guerre en Ukraine est actuellement dans une phase plutôt calme, principalement à cause du mauvais temps avec de fortes pluies et de la neige.
Le rapport quotidien (en russe) du ministère russe de la Défense ne fait état que de 340 victimes ukrainiennes, c’est-à-dire des morts et des blessés. Il s’agit du deuxième chiffre le plus bas depuis le début du mois de mars, lorsque j’ai commencé à résumer les chiffres quotidiens.
Le mauvais temps se poursuivra au cours des prochaines semaines. Il empêche les drones de voler et de se déplacer dans les champs désormais marécageux. Le niveau des combats sera donc faible.
Néanmoins, la guerre continue. Récemment, plusieurs articles importants, presque tous pessimistes pour l’Ukraine, ont été publiés dans les médias traditionnels.
Simplicius en donne un long aperçu :
New Raft of Articles Tighten the Screws on Zelensky, Plead for Course Correction (Une nouvelle série d’articles mettent la pression sur Zelensky, plaident pour une correction de trajectoire)
Plusieurs analystes alternatifs se sont également penchés sur la question :
Sergei Witte, alias BigSerge, a publié un long compte rendu de la guerre :
Russo-Ukrainian War: The Reckoning (La guerre russo-ukrainienne : un bilan)
Gordon Hahn, spécialiste de la Russie, examine l’influence que l’opération militaire spéciale (OMS) en Ukraine aura sur la société russe :
Tout en comparant l’OMS à la guerre totalement dévastatrice contre Gaza, il écrit :
La stratégie et les tactiques de guerre de la Russie sont précisément conçues pour éviter les pratiques qui feraient un grand nombre de victimes civiles ukrainiennes et militaires russes. La stratégie consiste à détruire les forces militaires ukrainiennes et leur potentiel. Pour l’instant, la Russie cherche à remporter la victoire dans son OMS non pas pour conquérir un territoire, contrairement aux illusions occidentales, mais pour vaincre l’armée ukrainienne et le régime du Maïdan, afin de forcer Kiev à acquiescer à ses objectifs politiques :
(1) accepter les annexions par la Russie de territoires menacés par la discrimination, la répression et la violence ukrainiennes ;
(2) renoncer à l’adhésion et aux liens étroits avec l’OTAN ;
(3) et adopter des mesures pour protéger la langue russe et les Russes ethniques dans tout ce qui restera de l’Ukraine.
Cela équivaut aux objectifs déclarés de Poutine de « démilitarisation » et de « dénazification » de l’Ukraine du Maïdan.
Yves Smith, du site Naked Capitalism, examine ce qu’il pourrait rester ou pas d’un futur État ukrainien :
Ukraine End Game : Putin and Medvedev Discuss Maps, Putting Kiev on the Menu (Fin de partie en Ukraine: Poutine et Medvedev parlent de cartes, avec Kiev au menu)
Il note avec justesse :
Militairement, l’Ukraine s’approche d’une situation catastrophique. Cela ne signifie pas que l’effondrement est imminent ; les variables clés sont de savoir si les dirigeants militaires ukrainiens se révolteront contre Zelensky et avec quelle intensité la Russie s’enfoncera dans la faiblesse croissante de l’Ukraine. La Russie peut préférer y aller lentement (attention, elle fait un effort concerté pour percer à Avdiivka, ville bien fortifiée), non seulement pour réduire les pertes de ses troupes, mais aussi pour saigner encore plus l’Ukraine et donner à l’Occident le temps de s’adapter psychologiquement à la prostration de l’Ukraine.
Je suis en grande partie d’accord avec tous les articles ci-dessus. Ensemble, ils présentent une image excellente et réaliste de l’état de la guerre et de ses conséquences plus larges.
Il convient également de noter un article récent d‘El Pais dans lequel des membres de la 47e brigade ukrainienne, formés et équipés d’armes occidentales, décrivent leurs pertes, les défaillances de leurs armes et leur manque de munitions :
Sur le siège d’Avdiivka en Ukraine : « Les Russes sont plus préparés à la guerre et à la mort » (en espagnol) (archivé)
Le site web de l’armée bulgare propose des extraits en anglais de ce qui précède :
Ukrainian officer : Mon M109 Paladin SPH a une erreur de précision de 70 mètres.
Je ne peux pas ajouter grand-chose à tous ces écrits. Je me contenterai d’un petit extrait d’un nouvel article du New York Times sur la guerre :
Dans la guerre ralentie de l’Ukraine, la mort arrive aussi vite qu’avant
Frederick B. Hodges, lieutenant-général à la retraite et ancien commandant en chef de l’armée américaine en Europe, a souligné qu’il était trompeur d’évaluer le succès de l’Ukraine simplement en fonction du territoire gagné par ses forces. Il s’est dit continuellement frappé par le fait que certains observateurs de la guerre restent linéaires et centrés sur le territoire.
En effet, la guerre n’est pas une question de territoire. Il s’agit de vaincre l’ennemi. Comme l’a écrit Gordon Hahn ci-dessus :
Cela équivaut aux objectifs déclarés de Poutine de « démilitarisation » et de « dénazification » de l’Ukraine du Maïdan.
Tant que l’armée ukrainienne attaque, il n’est pas nécessaire que l’armée russe prenne davantage de territoire. Elle se contente de démilitariser tout ce qui se présente à elle.
L’article du NYT ne dit pas où Hodges veut en venir. Les articles précédents du NYT indiquaient qu’il travaillait comme lobbyiste :
… Frederick B. Hodges, l’ancien commandant en chef de l’armée américaine en Europe, qui travaille aujourd’hui pour le Center for European Policy Analysis (Centre d’analyse de la politique européenne).
Le Center for European Policy Analysis, ou CEPA, est un groupe de pression anti-russe situé à Washington DC et financé par des techno-milliardaires, des fabricants d’armes, le département d’État américain et l’OTAN.
Mais qu’en est-il de la citation de M. Hodges et pourquoi l’ai-je relevée ?
La voici dans son intégralité :
Frederick B. Hodges, lieutenant général à la retraite et ancien commandant en chef de l’armée américaine en Europe, a averti qu’il était trompeur d’évaluer le succès de l’Ukraine simplement en fonction du territoire gagné par ses forces. Il s’est dit continuellement frappé par « la linéarité et l’orientation terrestre de certains observateurs » de la guerre.
« Il est révélateur qu’après neuf ans de conflit, deux ans après l’invasion russe, avec tous les avantages dont dispose le Kremlin, il ne puisse contrôler qu’environ 18 % du territoire ukrainien. »
Quel est le sens de cette déclaration ?
Phrase 1+2 : comptabiliser les succès de l’Ukraine dans la guerre en regardant la quantité de territoire qu’elle a repris n’a pas de sens.
Phrase 3 : Nous devrions mesurer le succès de la Russie dans la guerre en regardant la quantité de territoires qu’elle a pris.
Où est la logique dans tout cela ?
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.