Qui occupe qui en Israël-Palestine? Ne le demandez pas à un Américain


Par Eric Schuler – Le 2 avril 2016 – Source Antiwar.com

Un nouveau sondage publié par l’Institut de recherche sur la politique au Moyen-Orient montre qu’un grand nombre d’Américains méconnaissent un fait fondamental à propos du Moyen-Orient. En particulier, on a posé une question simple sur Israël et la Palestine à un échantillon statistiquement représentatif des Américains et de trois autres nationalités. Le libellé de la question et les résultats sont visibles ci-dessous :

Fig. 1: IRmep, sondage Google auprès des consommateurs

(Notez que les répondants étaient autorisés à donner également une réponse personnalisée ; ceux qui l’ont fait sont inclus dans la catégorie autre.)

Comme vous pouvez le voir, les réponses américaines diffèrent significativement de celles des autres pays. L’Amérique est malheureusement la seule à avoir un grand nombre de ressortissants, 49.2%, qui ont mal répondu à la question en croyant que ce sont les Palestiniens qui occupent la terre d’Israël.

En réalité, les Israéliens occupent des territoires palestiniens en Cisjordanie et imposent actuellement un blocus sur l’autre parcelle de terre palestinienne connue comme la Bande de Gaza. L’occupation a été continue depuis que les Israéliens ont gagné la Guerre des Six Jours de 1967 contre leurs voisins arabes. Au cours des quelque cinq décennies qui ont suivi, les Israéliens se sont progressivement installés sur une partie du territoire occupé, déplaçant formellement les propriétaires d’origine et déclarant ces parcelles de terrain comme les leurs. En d’autres termes, c’est un peu comme ce qu’ont infligé les États-Unis aux Amérindiens au XIXe siècle, dans le cadre de ce qui a été appelé, par euphémisme, leur Destin manifeste. La différence est que la plupart des Américains comprennent que notre conquête et le déplacement des Amérindiens constituent, comme l’esclavage, des taches dans le dossier de notre pays. En attendant, l’idée du Grand Israël est ouvertement acceptée et promue, de nos jours, en l’an 2016.

Le fait que de nombreux Américains ne comprennent pas cet aspect très basique à propos du Moyen-Orient, explique probablement pourquoi ils ont une vision beaucoup plus favorable d’Israël que la plus grande partie du monde. Dans un sondage récent sur l’opinion mondiale, Israël était vu comme l’un des trois pays suscitant les vues les plus négatives, avec l’Iran et la Corée du Nord. Dans ce même sondage, les Américains avaient le deuxième point de vue le plus positif sur Israël (derrière le Nigeria). L’incompréhension des Américains sur la situation israélo-palestinienne actuelle explique aussi probablement pourquoi pratiquement tous les politiciens américains importants peuvent s’en sortir en soutenant de manière inconditionnelle les actions d’Israël.

Ce sondage sur Israël m’en a rappelé un autre, qui portait sur le coup d’État en Ukraine en 2014. Dans ce cas-là, on a d’abord présenté aux gens une carte du monde non légendée (montrant les frontières politiques) et on leur a demandé de pointer le pays qu’ils pensaient être l’Ukraine. Après avoir franchi cette étape, on leur a posé des questions sur le genre d’actions qu’ils souhaiteraient voir les États-Unis donner en réponse. En fin de compte, les gens qui étaient les moins capables d’identifier correctement l’Ukraine sur la carte étaient aussi les plus susceptibles de soutenir une intervention militaire. Heureusement, ce n’était qu’une minorité, mais à la fois révélatrice et prévisible. Apparemment, moins quelqu’un en sait, plus il est probable qu’il soutienne a) l’intervention étasunienne et b) qu’il choisisse le mauvais camp quand il le fait. (Nous laisserons une discussion approfondie sur l’épisode ukrainien pour un autre jour.)

Je me rends compte que cela peut paraître au premier abord une affirmation audacieuse, mais elle a en fait beaucoup de sens. D’abord, nous devrions noter qu’effectivement, chaque guerre récente a été vendue avec une sorte de mensonge ou de demi-vérité. Par exemple :

  • Vietnam – L’incident du Golfe du Tonkin
  • Kosovo – Un prétendu génocide tuant 100 000 personnes ou plus s’est passé à l’époque, mais lorsque les enquêteurs ont tenté de trouver des preuves de cette allégation après la guerre, ils en ont trouvé très peu. En effet, il a été suggéré que l’intervention de l’Otan aurait pu littéralement avoir tué plus de gens que la calamité qu’elle était en train d’empêcher.
  • Afghanistan – En fait, les Talibans étaient prêts à négocier avec les États-Unis et à abandonner Oussama Ben Laden. Les États-Unis n’ont pas aimé les termes de la négociation et ont décidé de procéder à un changement de régime.
  • Irak – Les fausses armes de destruction massive.
  • Libye – Les États-Unis ont affirmé que Kadhafi était sur le point de commettre un génocide et qu’il fallait soutenir les rebelles. Malheureusement, les rebelles étaient dominés par des djihadistes sympathisants à l’égard d’al-Qaïda.
  • (Presque la) Syrie – Les États-Unis ont presque lancé une intervention militaire importante sous le prétexte qu’Assad avait utilisé des armes chimiques dans un massacre qui avait été filmé en vidéo. Des rapports ultérieurs, cependant, ont révélé que c’était une attaque des rebelles sous fausse bannière, réalisée pour tenter de provoquer l’intervention des États-Unis.

Bien que dans certains de ces cas, la preuve du mensonge n’ait pu être vérifiée qu’après les faits, il est cependant vrai que des journalistes et des militants anti-guerre, au moins depuis le Kosovo et ensuite, ont démystifié ces mensonges en temps réel. Désormais, les gens qui lisent et en savent plus sur les affaires mondiales tendront aussi à s’opposer à la guerre et à d’autres interventions nuisibles.

Cet état de fait explique pourquoi le récent sondage sur la compréhension d’Israël par les Américains est à la fois important et déprimant. Les faits façonnent nos opinions. Lorsque les faits sont faux, les opinions tendent à l’être aussi.

Eric Schuler.

Eric Schuler est l’auteur de The Daily Face Palm blog, qui se concentre principalement sur la politique étrangère et la mauvaise économie.

Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Diane pour le saker Francophone.

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