Par Ugo Bardi – Le 6 novembre 2016 – Source Cassandra Legacy
Comparer Donald Trump à l’empereur Hadrien (76-138) peut sembler ridicule après que Marguerite Yourcenar nous l’a présenté comme un empereur sage et éclairé dans son livre Mémoires d’Hadrien. Pourtant, Hadrien se trouvait confronté à des problèmes semblables à ceux auxquels tous les présidents américains sont confrontés de nos jours. Et certaines solutions d’Hadrien n’étaient pas si différentes de celles que Donald Trump nous propose aujourd’hui. Par exemple, construire un mur pour garder les barbares dehors.
Tous les empires de l’Histoire ont suivi des trajectoires similaires : expansion rapide au début, puis stase, puis déclin et effondrement. Telle était la trajectoire de l’Empire romain, il n’y a aucune raison pour que l’empire moderne que nous appelons la «mondialisation» en suive un autre. Et il semble clair que l’Empire mondial a atteint ses limites et il est en équilibre, prêt à décliner dans un proche avenir.
Ainsi, nous nous trouvons dans les conditions que l’Empire romain a rencontrées au cours des Ier et IIe siècles de notre ère. Le tournant peut avoir été la bataille de Teutoburg, en l’an 7, où trois légions romaines ont été anéanties par une bande de barbares allemands. C’était un signal que quelque chose ne fonctionnait plus aussi bien avec l’Empire. Le coût des guerres était tout simplement trop élevé pour un Empire qui n’avait plus assez de ressources et qui avait atteint ses limites pratiques d’expansion. Ensuite, les empereurs ont fait face à un dilemme : garder une attitude agressive et tenter de poursuivre l’expansion ou se retrancher et défendre ce que l’Empire avait déjà?
Différents empereurs ont donné des réponses différentes à la question. La plupart étaient circonspects, ne s’engageant que dans des conquêtes prudentes et limitées. Mais certains étaient ambitieux. Le meilleur exemple étant l’empereur Trajan (53 – 117) qui a entrepris une campagne difficile contre la Dacie dans le but de prendre le contrôle des mines d’or dans la région. La campagne a été un succès militaire, mais elle a été extrêmement coûteuse et elle a mis à mal les finances de l’Empire. Le successeur de Trajan, Hadrien, s’empressa d’arrêter toutes les tentatives d’expansion, de se retirer de zones qui n’étaient pas défendables et de signer des traités de paix avec les ennemis traditionnels de l’Empire romain. Son héritage inclut le mur d’Hadrien, une ligne fortifiée qui a défendu les territoires romains des peuples du nord, en Britannia. Il a également construit et renforcé d’autres lignes défensives qui deviendront l’élément de défense standard pour l’Empire romain. Hadrien peut avoir été un empereur sage, mais il est douteux que les murs aient été une bonne idée, et leurs coûts peuvent bien avoir ruiné l’Empire sur le long terme.
Maintenant, passage rapide à notre époque : le prochain empereur mondial peut être Donald Trump ou Hillary Clinton. Les deux feront face au même problème : défendre le vaste Empire mondial devenu terriblement coûteux dans une phase de diminution des ressources et avec la menace imminente du changement climatique. Trump semble avoir compris, au moins en partie, que certaines limites ont été atteintes. Sa politique étrangère est non interventionniste. Il comprend également une réduction du financement de l’OTAN et négocierait avec la Russie. Ce n’est pas différent de la politique d’Hadrien de réduction des coûts et, comme Hadrien, Trump planifie un mur défensif aux frontières. Tout comme pour les fortifications d’Hadrien, la sagesse de cette idée est au moins douteuse.
À l’inverse, l’adversaire de Trump, Hillary Clinton, a été beaucoup plus agressive dans le passé en tant que secrétaire d’État et elle va probablement maintenir cette position en tant que présidente. Si Clinton était un empereur romain, elle ressemblerait plus à Trajan dans ses attitudes, ou peut-être à Germanicus, un général romain et candidat empereur qui a mené les légions dans une aventure militaire dangereuse en Germania en 15-16, jusqu’à ce qu’un empereur plus prudent (Tibère) le rappelle et se débarrasse probablement de lui par empoisonnement. Où la présidente Clinton dirigera-t-elle les Légions mondiales? Comme l’ont appris les Romains, la victoire n’est jamais garantie, mais elle est toujours coûteuse. Et les dépenses militaires excessives sont normalement ce qui amène les empires à leur trépas.
Quoi qu’il arrive aux prochaines élections aux États-Unis, gaspiller nos ressources restantes dans de nouvelles guerres ou dans des murs défensifs ne sera pas une bonne idée. En plus de l’épuisement des ressources, nous sommes confrontés à un problème que l’Empire romain n’a pas rencontré : celui du changement climatique rapide qui peut faire beaucoup plus de dégâts que n’importe quelle armée barbare en a faits aux Romains. Ni Trump ni Clinton ne semblent avoir compris ce point.
Trouverons-nous jamais un empereur sage qui nous conduira à lutter contre la menace réelle, celle du changement climatique? L’avenir le dira.
Ugo Bardi
Note du Saker Francophone Le mot de la fin avant l'élection pour Ugo qui n'en démord pas et nous gratifie de sombres pressentiments sur les horreurs climatiques. Il ne devrait donc pas du tout apprécier l'une des mesures phares de Trump s'il est élu. 13. Annuler les versements de plusieurs milliards aux programmes de changement climatique de l’ONU et utiliser cet argent pour réparer les infrastructures environnementales et le réseau d’eau. Mais pour le reste, son analogie avec l'Empire romain se justifie chaque jour un peu plus. Alors alea jacta est ?
Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Diane pour le Saker Francophone