Quel avenir pour Joe Biden ?


Par Jean-Luc Baslé − Le 6 Octobre 2023

Biden Is Failing, But Not Because He Isn't 'Left' Enough

La guerre en Ukraine est perdue. Pourquoi s’acharner à la poursuite au prix de vies humaines inutilement sacrifiées ? Cette question taraude certains observateurs de la scène internationale. Patrick Lawrence, journaliste indépendant, ancien correspondant de l’International Herald Tribune à Paris (aujourd’hui le New York Times International) pose une question intéressante : se pourrait-il que Joe Biden soit victime d’un chantage de la part du président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky ? Selon certaines sources, Joe Biden aurait exigé alors qu’il était vice-président pendant la mandature de Barack Obama qu’un procureur un peu trop curieux soit dessaisi de l’affaire Burisma – première société gazière en Ukraine – dans laquelle était mêlée son fils, Hunter qui aurait reçu plusieurs millions de dollars de paiements illicites. Si cela est vrai, le président ukrainien en est informé et pourrait utiliser cette information dans ses négociations avec les États-Unis sur la guerre.

La manœuvre est habile. Joe Biden est vulnérable. L’élection présidentielle de novembre 2024 est désormais au cœur de ses préoccupations. Il est candidat à sa succession, et sa réélection devrait être une formalité. Son opposant républicain, Donald Trump, bénéfice du soutien du « petit peuple », mais pas des dirigeants du parti. Aucun Démocrate ne s’est déclaré candidat, hormis Robert F. Kennedy Jr. dont les chances d’accéder à la Maison Blanche sont quasi-nulles. Donc tout devrait être pour le mieux dans le meilleur des mondes pour Joe Biden, sauf que sa popularité est en chute libre. Seul 41% des Américains lui donne quitus de sa gestion. C’est le second plus mauvais taux de tous les présidents après Jimmy Carter (40%), loin derrière John Kennedy (66%). Comment s’explique ce résultat ?

Selon le New York Times, les causes de ce désamour sont multiples. En premier lieu, l’inflation qui heurte les revenus modestes : le prix des œufs a augmenté de 38% depuis janvier 2022, celui du pain de 25% et celui du poulet de 18%. Le prix de l’essence a doublé depuis avril 2020 – une chose inconcevable dans un pays qui considère l’automobile comme le moyen de déplacement par excellence. Il y a aussi la pauvreté, l’inégalité des revenus, l’insécurité, l’humiliant retrait d’Afghanistan, et la guerre en Ukraine de plus en plus difficile à comprendre1 et lourde à supporter fiscalement. Enfin, il y a son âge (82 ans en 2024) et ses moments d’absence que certains n’hésitent pas à qualifier de sénilité. Alors la question se pose : peut-il diriger la plus puissante nation au monde pendant quatre années ? Au final, le bilan est lourd à supporter, et cela transparait dans les sondages. Zelensky le sait. Pourquoi n’en tirerait-il pas avantage ? Le président est d’autant plus vulnérable que Kevin McCarthy, membre républicain de la Chambre des représentants, a lancé une procédure de destitution à son égard en lien avec les affaires de son fils, Hunter.

Ainsi, le sort de Biden serait-il lié à celui de Zelensky. Le premier aurait besoin du silence du second, et le second du soutien du premier. Que leur réserve l’avenir ? Nul ne le sait. Mais l’élection de 2024 pourrait amener son lot de surprises ce qui dans un pays comme les États-Unis ne surprendra personne.

Jean-Luc Baslé

Jean-Luc Baslé est ancien directeur de Citigroup (New York). Il est l’auteur de « L’euro survivra-t-il ? » (2016) et de « The International Monetary Système : Challenges and Perspectives » (1983).

Notes

  1. Cette guerre est d’autant plus difficile à comprendre que le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a commis une énorme bourde le 7 septembre en déclarant devant le Comité des Affaires étrangères du Parlement européen que Vladimir Poutine « est entré en guerre pour prévenir une extension de l’Otan proche de ses frontières. » Rappelons que selon la thèse officielle, c’est la Russie qui est l’agresseur, et non l’Otan, comme le laisse entendre Jens Stoltenberg.

    Cette extension de l’Otan est un reniement de la parole donnée par James Baker, alors secrétaire d’état de George Bush père, à Mikhail Gorbatchev qu’il n’y aurait pas d’extension de l’Otan à l’est en échange de son accord pour la réunification de l’Allemagne. Cette extension commença par l’intégration de la Hongrie, de la Pologne et de la Tchéquie à l’Otan en 1999. Il fut suivi par l’adhésion de douze nations auxquelles il faut désormais ajouter la Suède et la Finlande. Cet élargissement fut opposé par de nombreuses personnalités dont le regretté George Kennan, auteur du « Long télégramme » de février 1946 qui constitua la base conceptuelle de la politique d’endiguement des États-Unis pendant la Guerre froide.

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