Par Emmanuel Leroy − Juillet 2022
Même si les opérations militaires dans le Donbass sont d’une importance cruciale dans le conflit en cours, il faut bien garder présent à l’esprit qu’il ne s’agit pas fondamentalement d’une guerre entre la Russie et l’Ukraine mais bien d’une guerre entre la Russie et l’Occident anglo-saxon. Et si sur le terrain militaire, le formidable soutien de l’OTAN au régime de Kiev a permis à ce dernier de se maintenir jusqu’à présent malgré des pertes énormes en hommes et en matériel, il ne faut pas perdre de vue que la lutte principale se déroule ailleurs, essentiellement dans la sphère économique et financière et que sur ce plan-là, la réussite de la Russie est totale.
S’il est possible d’imaginer que dans les premiers jours de l’opération, l’État-major russe ait fait preuve d’un excès d’optimisme en pensant que l’armée ukrainienne allait s’effondrer en quelques semaines, symétriquement les crânes d’œuf de l’OTAN et la plupart des politiciens occidentaux étaient convaincus que le régime de sanctions totales qui serait appliqué allait mettre rapidement l’économie russe à genoux et provoquer la chute de Poutine.
Or, non seulement la Russie a montré qu’elle était parfaitement prête à affronter une nouvelle vague de sanctions « ultimes », mais à la grande surprise de la plupart des observateurs internationaux, l’économie russe a non seulement absorbé le choc, apparemment sans grands dommages, mais le rouble est même devenu aujourd’hui la seule monnaie s’étant appréciée par rapport au dollar, toutes les autres ayant dévissé dans des proportions jamais vues depuis des décennies.
Cette résistance inattendue de l’ours russe, en montrant les faiblesses de l’Occident a accentué la fracture existant au sein des élites occidentales et séparant ceux que l’on pourrait appeler les capitalistes réalistes des adeptes transhumanistes de la secte de Davos. L’épisode trumpien aux États-Unis de 2016 à 2020 avait déjà montré l’antagonisme entre cet État profond états-unien agissant en parfaite adéquation avec les GAFAM et les sectateurs de Davos et les partisans d’un retour au real-capitalisme défendu par les soutiens de Donald Trump.
Cette fracture au sein de l’establishment occidental était surtout visible ces dernières années à Washington ou à New-York car la classe politico-médiatico-économique européenne avait pris fait et cause depuis longtemps pour le clan Obama-Clinton-Biden. L’élection sauvage de ce dernier en 2020 ayant été accueillie à Bruxelles avec un soupir de soulagement après 4 années de trumpisme déstabilisant.
Mais cette unanimité de façade au sein des « élites » européennes n’aura pas résisté longtemps à deux facteurs-clés qui résultent du conflit en Ukraine :
- L’OTAN après les échecs afghan et syrien, démontre une fois de plus son incapacité à protéger ses alliés.
- La Russie – avec son PIB espagnol comme disent les « experts » – est capable d’asphyxier économiquement l’Europe en restreignant ses exportations d’énergie et de matériaux rares.
La démonstration de faiblesse de la part de l’OTAN, au-delà des rodomontades de son secrétaire général et de son extension programmée (sine die) à la Suède et à la Finlande, apporte la preuve qu’un pays « station-service » comme la Russie peut la défier en l’empêchant de mettre la main sur un territoire qu’elle peut légitimement considérer comme son berceau historique. Il s’agit-là d’un basculement véritablement historique car sur le territoire européen, c’est la première fois depuis 1945 qu’un État ose s’attaquer de front à la toute-puissance anglo-saxonne en remettant en cause son hégémonie. Et cet affront n’est pas passé inaperçu en Asie, en Afrique ou en Amérique latine, ce qui a été démontré par le nombre important de pays ayant refusé de voter en faveur des sanctions contre la Russie. Le conflit en Ukraine a révélé au monde que la prétendue « communauté internationale » se résumait à l’anglosphère, à l’Europe, au Japon, à la Corée du sud et à Israël, c’est-à-dire moins de 15% de la population mondiale.
De ce point de vue, Poutine a réussi un coup de maître en révélant la nudité du roi ou comme diraient les Chinois, en montrant que les USA ne sont qu’un tigre de papier. A Taïwan aussi ce constat a dû être fait avec quelque inquiétude.
Une des conséquences les plus spectaculaires à laquelle nous sommes en train d’assister est sans doute la réorientation géopolitique de l’Arabie Saoudite qui est train de basculer dans le camp eurasiatique et donc qui s’apprête à remettre en cause le Pacte du Quincy ce qui entraînera inéluctablement la fin des pétrodollars qui ont assuré l’hégémonie financière des USA sur le reste du monde.
Concernant la politique de contre-sanctions russes à l’égard de l’Occident, celle-ci impacte principalement l’Union européenne et au premier chef l’Allemagne qui avec sa politique suicidaire de décarbonation et de dénucléarisation mise en place depuis 15 ans est aujourd’hui incapable de faire fonctionner ses usines sans l’appoint vital du gaz russe.
Mais les « experts » atlantistes découvrent aussi avec stupeur que la Russie ne vend pas seulement du gaz et du pétrole, mais qu’elle est également un acteur-clé dans le monde pour le titane (utilisé entre autres dans l’industrie aéronautique), pour les gaz rares comme l’hélium, le néon ou le radon qui sont indispensables dans de nombreux secteurs industriels ou médicaux. Sans parler de la production de céréales où elle est redevenue un acteur majeur.
La fracture au sein des « élites » globalistes observable jusqu’à présent surtout outre-Atlantique, touche à présent les vassaux européens confrontés à la realpolitik de l’énergie et au retour de bâton des sanctions imbéciles qu’ils ont unanimement votées dans un réflexe pavlovien de russophobes primaires. La chute de Boris Johnson est peut-être la première illustration de cette lutte interne au sein du Système entre real-capitalistes et finance hors-sol. En tout cas, l’homme qui avait demandé la tête de Bachar el-Assad et qui se vantait il y a quelques semaines encore de faire « tomber Poutine » vient de sombrer dans les poubelles de l’Histoire.
Mais compte tenu du piège suicidaire dans lequel se sont enfermés les Occidentaux, il est à parier que Johnson ne sera probablement pas le dernier à tomber dans la longue cohorte des politiciens vendus au Système. Il ne serait pas étonnant que le prochain sur la liste soit le Chancelier Olaf Scholtz, confronté aux adeptes du real-capitalisme rhénan qui ne sont pas prêts à se suicider sur l’autel de la guerre à outrance contre Poutine. Dans le même esprit, on imagine mal Macron résister à une nouvelle vague de Gilets jaunes puissance 10. Des émeutes sont déjà en cours aux Pays-Bas pour protester contre la disparition programmée d’un tiers des exploitations agricoles en application du plan mortifère des fous de Davos qui veulent mettre en place à toute force leur programme de dépopulation mondiale. L’Italie dirigée par le banquier Draghi est aussi en ébullition et pourrait également basculer dans l’anarchie. On sent que le Système est à bout de souffle et que son « narratif » s’épuise alors que le mur des mensonges de la pseudo-crise sanitaire commence à se fissurer.
L’été sera sans doute chaud, mais je vous prédis un automne bouillant avec au bout, peut-être, la disparition du G7 mais aussi d’un certain nombre d’organisations internationales comme l’OMS, l’OMC, l’AIEA et bien d’autres qui ne sont devenues au fil du temps que des courroies de transmission du « monde ouvert » cher à Monsieur Soros et qui semblent bien mal adaptées au nouveau monde multipolaire qui s’ouvre devant nous.
Emmanuel Leroy
Président de l’Institut 1717 – Pour une nouvelle alliance franco-russe
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