Paroxysme


Par James Howard Kunstler – Le 10 août 2018 – Source kunstler.com

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Ceux qui, aux États-Unis, n’ont pas été rendus complètement fous par le président Donald Trump sont probablement en train de se gratter la tête jusqu’à la cavité sous-durale cette semaine avec l’imposition de sanctions plus sévères contre la Russie seulement un mois après qu’il s’est rendu à Helsinki pour réparer les relations en lambeaux avec le président russe, M. Poutine. La raison officielle : le solde pour l’empoisonnement à Wiltshire, Royaume-Uni, de Serguei Skripal, agent double russo-anglais à la retraite et de sa fille Ioulia.

Vraiment ? Pour ça ? Pour un assassinat raté avec l’un des agents neurotoxiques militaires les plus puissants du monde qui, soit dit en passant, n’a pas réussi à tuer ses victimes. (Quelqu’un doit aller informer l’armée russe qu’ils doivent avoir des problèmes de lots dans leur laboratoire d’agents neurotoxiques.) Oh, en passant, il y a moins de preuves que ce qui se trouvait sur la poignée de porte de Skripal, ou dans les Bubble and squeak qu’ils avaient commandés dans ce restaurant, venait de Russie que du laboratoire de poisons militaires du Royaume-Uni à Porton Down, non loin de là.

Ce nouveau chapitre mystifiant des relations étrangères américaines soulève des questions séduisantes. Par exemple : pourquoi exactement nous soucions nous d’un espion russe qui s’est vendu au Royaume-Uni au moment même de l’Histoire où nous (c’est-à-dire le public américain et ses médias) avons à peine poussé un soupir à propos du bombardement conjoint saoudo-étasunien d’un bus scolaire au Yémen qui a tué 43 personnes, principalement des enfants, cette semaine ?

Vous voulez voir la malhonnêteté du New York Times en action ? Lisez cette histoire tirée du journal de ce jeudi (9 août) au sujet de ce bombardement d’un autobus scolaire. Le papier commence : « Une attaque aérienne de la coalition menée par les saoudiens a frappé un bus scolaire dans le nord du Yémen jeudi et a tué des dizaines de personnes, dont beaucoup d’enfants… » T’as compris ça ? Une « coalition ». Devinez quoi ? Le Times n’explique nulle part dans l’article que les États-Unis font partie de cette coalition. « Les frappes ont été menées conformément au droit international humanitaire… », conclut Le Times parlant de cette l’histoire. Bien sûr…

Notre président, que j’aime appeler le Golem d’or de la grandeur pour son rôle dans la restauration de cette nation boiteuse à quelque chose d’un film de Jimmy Stewart de 1947 – Mr. Krueger’s Christmas – qui pourrait être accusé d’avoir trop joué le jeu des sanctions, et donc joue le blâme [de la Russie, NdT] afin de démontrer à notre propre État profond combien il n’aime pas la Russie et son chef, M. Poutine, un suppôt de Satan certifié. La prochaine chose que vous devez savoir, M. Trump revêtira un peignoir d’évangéliste et lancera des bibles sur une photo de Vladimir dans l’émission de Don Lemon sur CNN. Ça lui fera oublier Mueller, face de cheval, n’est-ce pas ? Et ces sales Démocrates progressistes qui bavent pour avoir leur mise en accusation.

Hélas, ce stratagème de sanctions peut avoir de graves conséquences – un résultat presque impensable dans notre culture du Tout-arrive-et-rien-ne-compte. M. Poutine a répondu au dernier discours sur les sanctions en disant qu’il pourrait rappeler l’ambassadeur de Russie à Washington. (Je ne suis même pas sûr de ce qu’il y fait encore, puisque l’incident de Michael Flynn a établi cette nouvelle notion à Washington que parler à des ambassadeurs de pays étrangers est en quelque sorte contraire à la loi.) Si vous lisez un peu d’Histoire, vous remarquerez peut-être que le retrait des diplomates est habituellement l’un des derniers actes politiques avant la guerre.

Nous avons besoin d’une guerre avec la Russie, n’est-ce pas ? Eh bien, il est possible que les factotums de l’État Profond en veulent une – puisqu’ils hurlent sur la méchanceté de la Russie d’un ton assourdissant depuis deux ans maintenant. Je me demande quel est leur fantasme autour de cette guerre? Une autre grande victoire comme sur la Grenade en 1983, notre campagne militaire la plus réussie depuis la capitulation du Japon en 1945. L’opération Urgent Fury, cette campagne contre l’une des nations les plus dangereuses des Caraïbes, n’a pris que quatre jours pour être bouclée, et nous n’avons pas eu de problèmes avec ces salauds de Grenadiens depuis.

James Howard Kunstler

Too much magic : L'Amérique désenchantéePour lui, les choses sont claires, le monde actuel se termine et un nouveau arrive. Il ne dépend que de nous de le construire ou de le subir mais il faut d’abord faire notre deuil de ces pensées magiques qui font monter les statistiques jusqu’au ciel.

Traduit par Hervé, relu par Diane pour le Saker Francophone

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