Par Tom Luongo − Le 22 décembre 2020 − Source Gold Goats ‘n Guns
Je me souviens des années 1970, en conduisant dans New York avec ma famille pendant les vacances, comme si c’était hier. À l’époque, la discussion sur le siège avant de la voiture, entre mes parents, portait sur la faillite de New-York. Mon père, policier au sein du NYPD à l’époque, était concerné autant que les autres puisque le fonds de pension de la police aidait à renflouer le gouvernement de la ville à l’époque.
L’autoroute du West Side s’est effondrée et c’est pour cette raison que j’ai grandi avec la peur des hauteurs et, surtout, des ponts. Je détestais vraiment prendre la route de derrière (New-Jersey) pour aller à Staten Island. La seule mention du passage de l’Outer Bridge m’aurait presque fait paniquer.
Je me souviens avoir pensé à l’époque : “Si ces gens ne peuvent pas payer les factures maintenant, qu’est-ce que ce sera dans dix ou vingt ans ?” Bien sûr, j’étais un petit garçon naïf de dix ou onze ans à l’époque et je n’avais aucune idée de la fuite des capitaux, mais le sentiment était sain.
Même à l’époque, l’empereur était nu aux yeux de cet enfant. C’était Rome vers la fin et l’épée de Damoclès était suspendue au-dessus des têtes de ma génération d’une manière que nous pouvions à peine articuler.
Ainsi, pour moi, l’idée de la dislocation des États-Unis en ses différents éléments a été un compagnon constant pendant la majeure partie de ma vie adulte. Et, en tant que libertarien, je pense toujours en termes de sécession d’abord, plutôt que de révolution. Cette idée est assise sur mon épaule et me chuchote à l’oreille la vérité de ce qui est devant nous.
Nous sommes arrivés à un moment très important de l’histoire du monde. C’est ce moment où les promesses du libéralisme classique échouent face à un cauchemar totalitaire rampant.
L’Amérique, en tant que mythologie, a toujours été la “maison qui brille sur la colline” pour cette idée éclairée selon laquelle les souhaits de l’individu qui poursuit sa béatitude créent la communauté et la culture qui sort le monde d’un état de nature hobbesien.
La guerre de tous contre tous, (bellum omnium contra omnes).
Mais l’Amérique en tant que mythologie et l’Amérique en tant que réalité sont deux bêtes rudes très différentes. Et c’est cette différence entre elles qui est aujourd’hui exploitée par la foule de Davos pour mettre en route le processus de leur prochaine victoire.
Dans son récent article, Brandon Smith, de Alt-Market, a évoqué le piège dans lequel les conservateurs sont entraînés aujourd’hui. Il soutient, de manière très convaincante, que la “droite” se radicalise et envisage une guerre civile armée pour combattre les idiots utiles de la gauche corporatiste dans une orgie de violence.
Pour être clair, je pense que ce qui se passe, c’est que les conservateurs sont poussés et provoqués, non pas pour séparer et organiser, mais pour centraliser. Je pense qu’ils veulent que nous soutenions des actions comme la loi martiale qui serait considérée comme totalitaire. Les conservateurs, les seuls défenseurs acharnés des libertés civiles, utilisent la répression militaire et abandonnent la Déclaration des droits pour maintenir le pouvoir politique ? C’est un rêve devenu réalité pour les globalistes sur le long terme. Et malgré la foi des gens en Trump, il y a beaucoup trop d’élites bancaires et de globalistes au sein de son cabinet pour garantir que ce pouvoir ne sera pas abusé ou utilisé contre nous plus tard.
Rien ne ferait plus plaisir à Klaus Schwab et à la mafia de Davos que de nous transformer en eux – prêts à utiliser une violence aveugle pour pousser des personnes par ailleurs humbles et décentes à devenir des tueurs fous et à répudier leur douceur inhérente, leur désir inhérent de poursuivre leur béatitude, en accordant à tous les autres cette même courtoisie.
Mais le gauchisme, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, est agressif. Il est rapace et repose sur l’idée que personne ne peut exister en dehors du résultat qu’il préfère, de peur que quelqu’un ne voie leur monde tel qu’il est vraiment, cauchemardesque.
Non seulement la sécession n’est pas une option, mais elle est expressément verboten. [Interdit en allemand, NdT]
J’ai fait valoir que la violence, et non la sécession, est l’une des conséquences très possibles de la direction que prend la division politique actuelle. Brandon utilise la situation en Allemagne dans les années 1920/30 comme guide historique. En bref, le fascisme s’est élevé pour faire face à la violence des communistes, la vieille élite au sommet de la pyramide financière fournissant les moyens du conflit.
Les parallèles avec la situation actuelle sont frappants. Dans le numéro de novembre de Gold Goats’n Guns, j’ai comparé la frustration croissante du droit américain à celle du Fremen Jihad du classique Dune de Frank Herbert.
Lorsque vous marginalisez les dizaines de millions de personnes qui produisent les biens qui alimentent leur fausse réalité, lorsque vous leur enlevez la possibilité de s’exprimer et de faire entendre leur voix, lorsque vous les insultez, les réprimandez, les harcelez et les battez, vous en subirez les conséquences lorsque le dormeur se réveillera, selon les termes de Herbert.
Il ne s’agit pas d’une menace ou d’une lettre ouverte de défi. C’est une observation de ce qui vient toujours après. Ces personnes savent qu’on leur a menti, que leurs enfants ont été spirituellement séparés d’elles. L’élection a été une blague cruelle destinée à nous mettre sous le nez leur pouvoir total sur nous. Vous pouvez le voir tous les jours sur Twitter.
La prochaine étape ne sera pas sans rappeler le djihad freménesque des plus de 70 millions de personnes qui ont voté pour Donald Trump. Si ses alliés prouvent le vol systématique de l’élection, cela alimentera une colère frémissante qui se transformera en une frénésie quasi religieuse.
Parce que ce sont des gens qui croient encore à la mythologie de l’Amérique, ils sont très sensibles à cette programmation. Cette mythologie mérite qu’on se batte pour elle dans leur esprit.
Brandon Smith, cependant, fait une remarque plus fine avec laquelle j’ai tendance à être d’accord. C’est la sécession, et non la révolution, qui est toujours la meilleure option plutôt que la violente option toute faite que les oligarques semblent toujours nous préparer.
Pour élargir le point de vue de Brandon, je veux contester les préceptes de cette mythologie américaine dans l’espoir que nous puissions éviter le genre de guerre religieuse qui se prépare.
Il y a deux guerres qui portent la plus grande partie du poids de cette mythologie – la révolution américaine et la guerre civile américaine.
La première est la bonne guerre. Elle est le fondement de la mythologie. Nous connaissons le récit : de braves colons ont mené une guerre d’indépendance, une guerre de sécession, contre les méchants Anglais. Elle a fait naître les Pères Fondateurs, la Déclaration d’indépendance et toute la symbolique de notre identité américaine commune.
Cette mythologie, bien que simpliste, contenait une vérité fondamentale, à savoir qu’il y a des choses pour lesquelles cela vaut la peine de se battre, lorsqu’on la pousse à l’extrême.
Cependant, l’Amérique des années 1770 était-elle si extrême ? La guerre était-elle la seule issue pratique ? Ou était-ce le rêve de ces hommes dont la tolérance à l’égard de la tyrannie était plus faible que la norme. En d’autres termes, l’Amérique aurait-elle pu faire sécession plus pacifiquement dix ou vingt ans plus tard ?
Vu sous cet angle, c’était une guerre de sécession que les Anglais et les Colonies n’avaient pas à mener. Il y aurait peut-être eu une issue équitable au conflit. Mais les colonies ont choisi la guerre tout autant que la Couronne si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes.
La guerre civile, en revanche, est censée être la plus honteuse. Et du point de vue de la mythologie, elle l’est vraiment. La guerre de Lincoln ne peut être caractérisée que comme une guerre visant à empêcher la sécession, de la même manière que la Couronne a combattu pour empêcher les colonies de faire sécession.
La mythologie affirme que c’est la guerre que nous avons dû mener pour empêcher la survie de l’esclavage au XXe siècle. Mais, était-ce cela ? L’esclavage a peut-être été une ligne de démarcation pour attiser les passions, mais ce n’est pas le grand facteur qui a poussé les États à se séparer, c’est plutôt les Droits de douane de l’Abomination.
Encore une fois, si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, n’était-ce pas la guerre de Lincoln où les idéaux de la Révolution américaine – un pacte entre les États souverains – ont finalement été trahis ?
Ne sommes-nous pas en train de récolter le tourbillon de cette guerre aujourd’hui avec une Cour suprême qui croit avoir le pouvoir d’ignorer les griefs inter-étatiques parce qu’aucun des juges, même Thomas et Alito, ne croit au pacte d’égalité aujourd’hui ?
Souvenez-vous, le Sud était plus que disposé à partir en paix. Et toutes les raisons que Lincoln avait de faire la guerre pour la saisie des biens fédéraux, c’est-à-dire la cause immédiate des événements de Fort Sumter, auraient pu être réglées, encore une fois, équitablement entre gentlemen, plutôt que par le massacre de 600 000 Américains en quatre ans.
D’après la mythologie, Lincoln est le grand rassembleur et Buchanan, son prédécesseur, le pire président de l’histoire simplement parce qu’il a refusé de renflouer les banques des chemins de fer en 1857 ou d’empêcher la sécession du Sud en 1860.
Et si la mythologie de l’Amérique d’aujourd’hui regardait ces deux guerres à contresens ? Et si tous les conservateurs qui pleurent aujourd’hui la Constitution grâce à une Cour suprême défaillante et un Congrès traître avaient tout faux ? Et si l’Amérique dont ils pleurent la mort aujourd’hui était morte en 1865 et non en 2020 ?
Cette Amérique vaudrait-elle encore la peine qu’on mène enfin pour elle une guerre civile sanglante ? Parce que c’est ce que la mafia de Davos met Donald Trump au défi de faire.
Et si la meilleure réponse était de faire ce que le Sud a essayé de faire en échouant.
Il suffit de s’éloigner et de dire : “C’est fini”.
Parce que faire la guerre sanglante de tous contre tous, devenir des fascistes délirants qui se soulèvent pour arrêter les communistes rapace (et économiquement arriérés) dans le processus est toujours la mauvaise option.
La sécession est toujours une option. Se retirer des impulsions hyper-collectivistes des préjugés intra/intergroupes est toujours le bon choix. Ils veulent que nous donnions le premier coup de poing, que nous lancions des coups de fouet, que nous tirions en premier par peur, comme à Fort Sumter, pour justifier leur brutalité par la suite.
Mais, comme je l’ai dit dans la citation ci-dessus, les États qui ont des griefs aujourd’hui sont ceux qui produisent la richesse de cette fiction connue sous le nom d’États-Unis. C’est là que la nourriture est cultivée, que l’électricité est produite, que les biens sont fabriqués et que les gens ne chient pas dans les rues.
Les files d’attente sont peut-être longues au Texas, mais il y a encore de la nourriture à distribuer.
Le rapport de force aux États-Unis aujourd’hui, en termes réels, est inverse de celui qui existait en 1860. L’Amérique de l’après-Lincoln est très différente de celle d’avant Lincoln.
En raison de cela et du fait que les personnes qui ont organisé ce grand coup d’État contre la raison sont parmi les dirigeants les moins impressionnants de l’histoire, le potentiel de réussite d’une sécession est bien plus élevé qu’il ne l’était pour la Confédération.
Brandon Smith a raison de dire qu’ils invoquent la Confédération pour faire honte aux conservateurs en les qualifiant de racistes, en mettant en conflit des questions séparées par plus de 150 ans d’histoire. C’est la raison de cet assaut total contre l’histoire de la guerre, la blanchissant de toute nuance.
C’est un virus de l’esprit qui se développe au-delà de la capacité de contrôle de l’oligarchie. Et il est vraiment préférable de ne pas se contenter de marcher mais de fuir ces personnes. Il vaut mieux les laisser s’enfoncer dans leur propre fosse à lapin idéologique tout en gardant les lignes de commerce ouvertes, s’ils ont quelque chose qui vaut la peine d’être vendu, bien sûr.
Ils se retourneront contre eux-mêmes bien assez tôt.
Ayant grandi comme Yankee et mûri comme Sudiste, j’ai vu cette descente de la mythologie américaine sous les deux angles. Le moi de onze ans savait que ce jour viendrait.
La mythologie de l’Amérique est justement cela, la mythologie, qu’il vaut la peine d’utiliser comme base de la nouvelle histoire plutôt qu’une manille nous maintenant enchaînés, fixant l’abîme et désespérant de ce qui a été perdu.
New-York était un rêve, pas un lieu fixe dans le ciel nocturne. Dieu n’a pas mis le doigt sur l’Empire State Building pour faire tourner le monde sur cet axe, parce que le Texas était trop grand pour qu’il puisse jamais rester en équilibre, même s’il le voulait, et que la Californie est à un mauvais jour de plus du grand tremblement de terre, l’effaçant de notre mémoire.
Note du Saker Francophone Cet article est référencé et commenté par le site dedefensa. A noter que l'auteur aurait pu parler d'une autre sécession, celle des élites, décrite par Christopher Lasch dans son fameux livre.
Traduit par Hervé, relu par Wayan pour le Saker Francophone