Bernier pulvérise le crédo du Canada post-national
Maxime Bernier s’est fait remarquer récemment pour être sorti du conformisme politique. Ça devient un rare réconfort de voir des politiciens risquer une carrière pour être en paix avec leur conscience. Somme toute, Bernier s’en est pris à tout ce qui forme le crédo du Canada post-national. Une lubie que peu prendraient au sérieux si elle n’était celle du premier ministre et si elle n’était pas à l’ordre du jour de l’agenda mondialiste.
Justin Trudeau est bien connu pour favoriser une diversité sans limite. Un bienfait en soi « qui nous renforce », soutient-il. Si, pour Trudeau, le Canada peut-être fier de former le premier pays post-national de la planète, c’est qu’il aurait dépassé le stade de la nationalité. Ce pays serait dès lors formé de la simple juxtaposition des individus qui adhèrent à des valeurs diverses, voire opposées.
Bernier voit dans « le multiculturalisme extrême et le culte de la diversité », une cause de la multiplication des ghettos ethniques.
Quelques extraits significatifs des tweets envoyés par Maxime Bernier :
Mais pourquoi promouvoir toujours plus de diversité ? Si tout et n’importe quoi est canadien, que signifie être Canadien ?
Accueillir des gens qui rejettent les valeurs fondamentales de l’Occident que sont la liberté, l’égalité, la tolérance et l’ouverture ne nous rend pas plus forts. Ceux qui refusent de s’intégrer et veulent vivre dans leur ghetto ne rendent pas notre société plus forte.
Or, comme on l’admet généralement, la condition de l’exercice d’une saine démocratie suppose un indispensable « vivre ensemble ». Ce n’est pas pour rien que la démocratie est apparue dans l’antiquité grecque, au sein d’une société passablement homogène; elle n’aurait jamais pu naître à Babel ! Le lieu par excellence de la démocratie est la nation socio-historique.
Le Parti conservateur, pas mieux
Bernier s’ouvre un boulevard pour la formation d’un Parti des Nations du Canada (PNC)
Avec le départ de Bernier du PC, les jeux sont faits. Désormais, tous les partis fédéraux, accros du clientélisme identitaire, sont à quelques différences près sur la ligne de Trudeau. Le Bloc québécois patauge péniblement dans la même purée. Il a été incapable jusqu’ici de faire sa marque en franche opposition du post-nationalisme. L’arrivée de Bernier comme agent libre de la politique fédérale pourrait-elle y changer quelque chose ?
Tout dépend. La question qui se pose est de savoir si Bernier aura l’envergure pour amener son raisonnement plus loin et le porter jusqu’au bout. En particulier, s’il se demande aujourd’hui avec raison ce qu’est l’identité canadienne, il faut espérer qu’il ne reviendra pas au nation building canadien des lendemains référendaires.
Comprendra-t-il que l’identité canadienne est multiple ? Qu’elle se rattache aux nations socio-historiques qui constituent le pays ? S’il en a l’audace, ce qui se trouve au bout de sa réflexion pourrait bien s’appeler le Parti des Nations du Canada.
Le moment lui est favorable. Aucune formation politique ne semble vouloir défendre l’identité canadienne unitaire dans la radicalité de P-E Trudeau. Et pour cause. Présentement, si la poursuite de l’utopie post-nationale nous éloigne de la reconnaissance des nations socio-historiques qui forment le Canada, elle laisse le champ libre à tout nouveau parti qui voudrait occuper le terrain opposé. Un nouveau rapport de force tout à fait inédit pourrait alors se constituer entre l’utopie post-nationale et le Canada réel des nations.
Le post-nationalisme radical a créé un besoin plus pressant pour la défense des nations constitutives du Canada. Le Bloc québécois avait pour mandat la défense d’une nation en particulier – ou en tout cas d’une province. Dans le recadrage politique évoqué, le Bloc pourrait trouver sa place en renonçant à représenter le Québec plurinational, pour représenter à la place la nation socio-historique représentée par ses membres.
Nations et immigrants
Corriger la liquidation ratée de l’héritage colonial
Comme pays plurinational, le Canada a toujours refusé ses réalités socio-historiques. Ce déni découle d’une liquidation ratée de son héritage colonial anglais. Et pourtant, la reconnaissance des nations reste la seule clé d’une correcte résolution de l’héritage inégalitaire du colonialisme anglo-saxon. C’est le seul passage, étroit mais obligé, pour atteindre un jour un équilibre social et politique au Canada.
Cette évolution ne peut se réaliser que par une nouvelle constitution qui accorderait un statut d’égalité aux nations constitutives : les Premières nations, les Québécois (foyer principal des Canadiens français et de leur diaspora), les Acadiens et leur diaspora, ainsi que les derniers venus que sont les descendants des vainqueurs de la Conquête de 1760, les Canadiens. Ces derniers représentent aujourd’hui la majorité dominante. Ce sont les plus réfractaires à tout changement. Mais la montée du post-nationalisme commence à les inquiéter. Au final, un Parti des nations pourrait vite se trouver des appuis solides. Ce serait la première fois dans l’histoire du Canada qu’un parti politique reconnaît et ferait place à toutes les nations.
Un premier pas vers une nouvelle constitution
La Fédération de Russie s’est dotée d’une constitution qui reconnaît ses dizaines de nations, un pays complexe sur ce plan. Ce n’est probablement pas le seul exemple. Pourquoi le Canada ne le pourrait-il pas ? Parce qu’il est de tradition anglo-saxonne me direz-vous ? Vous n’auriez pas tort. Mais une organisation équilibrée du monde de demain, plus peuplé et plus étroit, demande désormais que l’on mette de coté l’attrait atavique pour les régimes de suprématie. Il faut l’invoquer.
L’arnaque de la post-nationalité, un sommet dans les injustices nationales
À cet égard, la post-nationalité est une belle entourloupe. Elle donne au groupe qui a le plus de poids démographique les moyens de dominer la vie politique et les institutions. C’est effectivement ce qui se passe. Par le jeu du nombre de leurs électeurs les Canadiens-anglais occupent la majorité des sièges au Parlement fédéral, dans les législatures provinciales, au sénat, à la cour suprême et dans les centaines d’institutions et sociétés créées par le fédéral et qui en nomme les administrateurs : Radio-Canada, la Banque du Canada, le corps diplomatique, etc. Pas besoin d’aller plus loin pour comprendre qu’au sein de la nation canadienne-anglaise, il y en a eu peu pour se plaindre – jusqu’ici – du Canada post-national. En vérité il s’agit d’une imposture politique, le faux nez de la nation canadienne-anglaise pour perpétuer sa domination sur les nations non reconnues.
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