Par The Saker – Le 10 mars 2021 – Source The Saker Blog
Il y a quelques semaines à peine, j’ai écrit une chronique intitulée « Les nombreuses bombes à retardement de l’Ukraine » dans laquelle j’énumérais un certain nombre de développements présentant une menace majeure pour l’Ukraine et, en fait, pour tous les pays de la région. En peu de temps, la situation s’est détériorée de façon assez spectaculaire. Je vais donc commencer par un bref rappel de ce qui se passe.
Premièrement, le gouvernement et le parlement ukrainiens ont, à toutes fins utiles, déclaré que les accords de Minsk étaient morts. À vrai dire, ces accords étaient mort-nés, mais tant que tout le monde faisait semblant qu’il y avait encore une chance de trouver une solution négociée, ils servaient à « retarder la guerre ». Maintenant que ce retardateur a été retiré, la situation est en train de devenir bien plus explosive qu’auparavant.
Aparté : La question des accords de Minsk a mis en évidence l'hypocrisie époustouflante de l'Occident : bien que la Russie n'ait jamais été partie prenante dans ces accords (elle les a signés en tant que garant, pas en tant que partie), l'Occident a choisi de reprocher à la Russie de "ne pas les appliquer", alors que tout le monde sait que c'est l'Ukraine qui, par crainte des divers mouvements néonazis, ne peut tout simplement pas appliquer ces accords. Ce genre d'hypocrisie occidentale a eu un impact énorme sur la scène politique russe intérieure, ce qui, en conséquence, a considérablement renforcé la position de ceux qui, en Russie, n'ont jamais cru qu'une solution négociée était possible. En ce sens, ces accords ont représenté une victoire majeure pour le Kremlin car ils ont forcé l'Occident à montrer toute la profondeur de sa dépravation morale.
Deuxièmement, il est assez évident que l’administration « Biden » est un who’s who de tous les pires russophobes de l’ère Obama : Nuland, Psaki et tous les autres disent ouvertement qu’ils veulent accroître la confrontation avec la Russie. Même les nouveaux venus, comme Ned Price, sont clairement des russophobes enragés. Les habitants de Kiev ont immédiatement compris que leurs anciens maîtres étaient de retour à la Maison Blanche et ils adaptent désormais leur langage à cette nouvelle (enfin, pas vraiment) réalité.
Enfin, et c’est le plus inquiétant, il y a des signes clairs que l’armée ukrainienne déplace des forces importantes vers la ligne de contact. Voici un exemple de vidéo prise dans la ville de Mariupol :
Outre les chars, de nombreux rapports font état d’autres équipements militaires lourds, notamment des MLRS et des missiles balistiques tactiques, déplacés vers l’est en direction de la ligne de contact. Inutile de dire que l’état-major russe suit très attentivement tous ces mouvements, tout comme les services de renseignement de la LDNR.
Tout cela se passe alors que la popularité de Zelenski est en chute libre. Et pas seulement la sienne. Pensez-y : Biden a volé les élections aux États-Unis et doit gérer 70 millions de « déplorables », tandis que les dirigeants de l’UE sont tous confrontés à de nombreuses crises extrêmement graves (immigration, criminalité, confinements dus du COVID, idéologie Woke, etc.) La vérité est qu’ils ont tous désespérément besoin d’une sorte de « distraction » pour empêcher leur opinion publique de se concentrer sur les véritables problèmes auxquels sont confrontées les sociétés occidentales.
A quoi pourrait ressembler une telle « distraction » ?
Première phase : le déclencheur
Il est peu probable que l’Ukraine se contente d’attaquer le Donbass. Kiev doit s’en tenir au récit « nous sommes la victime d’un pays agresseur ». Cependant, si le comportement passé est l’un des meilleurs prédicteurs du comportement futur, nous pouvons immédiatement voir ce qui risque de se produire.
Vous vous souvenez que trois navires de la marine ukrainienne ont tenté de passer en force sous le pont de Crimée ? Et que dire des groupes terroristes ukrainiens que Kiev a tenté d’infiltrer en Crimée ? Et, enfin, il y a les nombreuses attaques terroristes exécutées par les forces spéciales ukrainiennes en Novorussie. La vérité est que les services spéciaux ukrainiens (SBU et militaires) ont mené des opérations de reconnaissance et de diversion dans le Donbass, en Crimée et même en Russie.
En ce moment, les deux parties (Kiev et la LDNR) ont officiellement déclaré qu’elles avaient donné l’autorisation à leurs forces de répondre à toute provocation ou tir entrant. Imaginez à quel point il est facile pour l’un ou l’autre camp d’organiser une sorte de provocation, puis de prétendre être attaqué et de déclarer que « nous devions nous défendre contre l’agresseur ».
Par conséquent, le scénario le plus probable est une sorte de provocation ukrainienne suivie d’une « contre-attaque défensive » par l’armée ukrainienne.
Deuxième phase : l’attaque
Au cours des années précédentes, l’armée ukrainienne a reçu une aide considérable de l’Occident, tant en termes d’équipement/argent que de formation. En outre, en termes numériques, l’armée ukrainienne est beaucoup plus importante que les forces combinées de la LDNR. Toutefois, il serait erroné de penser que les forces de la LDNR se sont reposées sur leurs lauriers et n’ont pas travaillé très dur pour améliorer la qualité de leurs capacités.
Le gouvernement ukrainien travaille à une nouvelle mobilisation (il y a eu de nombreuses vagues de mobilisation de ce type dans le passé, mais aucune n’a vraiment été couronnée de succès) et, compte tenu du chaos qui règne dans le pays, il est peu probable qu’elle se déroule mieux que les précédentes. Si l’on veut faire un peu de « calcul », on peut dire que Kiev pourrait théoriquement mobiliser environ 300 000 soldats, tandis que les forces permanentes de la LDNR comptent environ 30 000 soldats (il s’agit des forces permanentes avant mobilisation).
Cependant, nous devons tenir compte du fait que les forces ukrainiennes sont principalement constituées de conscrits, alors que les forces de la LDNR sont composées à 100% de volontaires professionnels qui se battent pour leur propre terre et pour défendre leurs familles et leurs amis. Cela fait une énorme différence !
Mais cette comparaison purement numérique passe complètement à côté de l’essentiel qui est que les forces de la LDNR sont bien mieux entraînées, équipées, commandées et motivées. De plus, les forces de la LDNR ont eu des années pour se préparer à une attaque ukronazie. En fait, les deux côtés de la ligne de contact sont maintenant lourdement fortifiés. Pourtant, et malgré tout cela, la LDNR souffre d’une énorme faiblesse : aucune profondeur stratégique (ou même opérationnelle). Pire encore, la ville de Donetsk se trouve littéralement sur la ligne de front.
Les forces ukrainiennes pourraient-elles « percer » les défenses de la LDNR ? Je dirais que ce n’est pas impossible, et « pas impossible » est suffisamment sérieux pour justifier de nombreux préparatifs de la part des forces armées russes afin d’intervenir rapidement et de stopper toute percée de ce type des forces ukrainiennes. Les forces armées russes ont-elles les moyens d’arrêter une telle attaque ?
Oui, absolument. Premièrement, toute la LDNR se trouve littéralement à la frontière russe, ce qui signifie que pratiquement tous les systèmes d’armes russes peuvent « atteindre » non seulement la LDNR, mais aussi toute la profondeur tactique, opérationnelle et même stratégique de l’Ukraine. La Russie peut également déployer une « coupole » classique de défense anti-aérienne/déni de zone (A2/AD) au-dessus de la LDNR en utilisant un mélange de systèmes de défense aérienne et de guerre électronique. Les roquettes et les systèmes d’artillerie russes peuvent être utilisés non seulement comme tirs de contre-batterie, mais aussi pour détruire les sous-unités ukrainiennes qui attaquent. Enfin, les forces russes en Crimée et la flotte de la mer Noire peuvent également être engagées si nécessaire. Quant aux systèmes de défense côtière russes (Bal et Bastion), ils peuvent « verrouiller » l’ensemble de la mer Noire.
Le plus gros problème pour la Russie est qu’elle ne peut rien faire de tout cela sans déclencher une énorme crise politique avec l’Europe ; imaginez ce que des gens comme Antony Blinken, Ned Price ou Jane Psaki auraient à dire sur une telle intervention russe ! N’oubliez pas que ce sont ces personnes qui ont immédiatement accusé la Russie d’avoir attaqué la Géorgie, et non l’inverse. Nous vivons tous dans l’ère de la « post-vérité », celle du « très probable », et non des faits.
Je dis depuis des années que le véritable objectif d’une attaque ukrainienne sur le Donbass ne serait pas de reconquérir la région, mais de forcer la Russie à intervenir ouvertement et, par conséquent, indéniablement. C’est le rêve humide des néocons depuis 2014 et c’est toujours leur objectif ultime en Ukraine. Alors, à quoi ressemblerait une contre-attaque russe ?
Phase trois : l’intervention russe
Tout d’abord, laissez-moi vous demander ceci : saviez-vous qu’environ 400 000 résidents de la LDNR ont déjà un passeport russe ? Est-ce beaucoup ? Eh bien, la population totale de la LDNR est d’environ 3,7 millions de personnes, soit plus de 10% de la population. C’est crucial pour deux raisons : premièrement, vous pouvez considérer ces citoyens russes comme une sorte de fil-piège : si un nombre suffisant d’entre eux se font tuer, Poutine n’aura pas d’autre choix que d’intervenir pour les protéger et, en fait, Poutine a clairement indiqué à de nombreuses reprises que la Russie ne permettra jamais à l’Ukraine de s’emparer de la Novorussie par la force ou de massacrer sa population. Deuxièmement, il existe de nombreux précédents de pays (occidentaux pour la plupart) ayant eu recours à la force militaire pour protéger leurs citoyens. Citons par exemple les États-Unis à la Grenade et au Panama, les Turcs à Chypre et en Syrie ou les Français dans de nombreux pays africains.
Ensuite, en termes purement militaires, la Russie dispose de nombreuses armes à distance qui pourraient être utilisées pour perturber et arrêter toute attaque ukrainienne, même sans envoyer de force terrestre. En outre, la réponse russe ne doit pas nécessairement se limiter à la ligne de front : la Russie pourrait facilement frapper l’Ukraine, même dans sa profondeur stratégique, et les Ukrainiens ne pourraient vraiment rien faire pour l’empêcher. Pourtant, je ne crois pas que la contre-attaque russe se limiterait aux armes à distance, principalement en raison de la nécessité de soulager les forces de la LDNR sur la ligne de front, qui seront épuisées par des opérations défensives difficiles. En d’autres termes, cette fois-ci, la Russie ne prendra même pas la peine de nier son implication ; à ce stade, ce serait futile et contre-productif.
L’Occident aime des concepts tels que la « responsabilité de protéger » (R2P) ? Tant mieux ! Alors la Russie peut l’utiliser aussi.
Bien sûr, je ne suis pas naïf au point de croire que quiconque en Occident se laissera convaincre par des notions telles que l’équité ou la jurisprudence. Mais le Kremlin utilisera cet argument pour sensibiliser davantage le peuple russe aux véritables intentions de l’Occident. C’est particulièrement utile pour Poutine pendant une année électorale (ce que 2121 est pour la Russie), et cela ne fera qu’affaiblir davantage l’opposition pro-occidentale (pour des raisons évidentes) et même l’opposition « patriotique » anti-occidentale qui n’aura d’autre choix que de soutenir pleinement une intervention militaire pour sauver le Donbass.
Quatrième phase : la réponse de l’Empire
Je ne crois pas une seconde que quiconque en Occident se portera volontaire pour un suicide et plaidera pour une intervention militaire en Ukraine ou contre la Russie. L’OTAN est une « prétendue » alliance militaire. En réalité, c’est un instrument des États-Unis pour contrôler l’Europe. Oui, historiquement, le prétexte de l’OTAN était la menace supposée de l’Union soviétique et, maintenant, de la Russie, mais la véritable raison de l’OTAN a toujours été de contrôler le continent européen. Personne à l’Ouest ne pense qu’il vaut la peine de risquer une guerre totale contre la Russie pour une simple intervention militaire russe (relativement mineure) dans l’est de l’Ukraine. Cependant, une fois qu’il sera indéniable que la Russie est intervenue (le Kremlin ne prendra même pas la peine de le nier !), la Nomenklatura impériale transnationale qui dirige l’Empire y verra une occasion véritablement historique de créer une crise majeure qui affaiblira les positions russes en Europe et renforcera immensément le contrôle des États-Unis sur le continent.
Nous avons tous vu comment les politiciens et les journalistes occidentaux ont inventé une (totalement fausse) intervention russe dans le Donbass et comment ils ont dit qu’ils allaient « punir » la Russie pour « ne pas avoir appliqué les accords de Minsk ». Nous ne pouvons qu’imaginer à quel point ces cris de haine envers la Russie deviendront stridents et hystériques une fois que la Russie interviendra réellement, de manière tout à fait ouverte. Encore une fois, si le comportement passé est le meilleur prédicteur du comportement futur, alors nous pouvons être assurés que les politiciens occidentaux feront ce qu’ils font toujours : exacerber et prolonger le conflit aussi longtemps que possible, mais sans attaquer directement la Russie. C’est le but de l’armée ukrainienne, fournir de la chair à canon aux anglicano-sionistes.
Phase quatre bis : les réponses possibles des Ukronazis
Voyez-cela clairement : « Ze » et le reste des clowns de la Rada ne sont pas des chefs militaires. Même les commandants militaires ukrainiens sont vraiment du type 3e classe (tous les bons sont partis ou ont été licenciés). La première préoccupation des gens de Kiev sera d’évacuer en toute sécurité les « conseillers » occidentaux de la zone d’opérations, puis de se cacher avec leur argent. En dépit de tous les efforts déployés pour se fatiguer au combat et de tous les discours sur les super-armes, l’armée ukrainienne ne durera pas plus de 48 heures en tant que force de combat organisée. Comme je l’ai mentionné plus haut, la Russie peut facilement imposer une zone d’exclusion aérienne, non seulement sur la LDNR, mais aussi sur toute l’Ukraine orientale. La Russie peut également couper l’électricité dans l’ensemble du pays. Ce n’est pas pour rien que Poutine a déclaré en 2018 que toute attaque ou provocation sérieuse de l’Ukraine « aura des conséquences très graves pour l’État ukrainien dans son ensemble ».
Pourtant, il serait extrêmement dangereux de simplement oublier la possibilité qu’ont les ukronazis de créer de véritables maux de tête à Moscou. Comment ?
Par exemple, les Ukrainiens pourraient menacer d’attaquer le Groupe opérationnel des forces russes (OGRF) en Transnistrie. Il s’agit d’une petite force, éloignée de la Russie, entourée de voisins hostiles. N’oubliez pas que Tiraspol est à environ 600 km à l’ouest de Donetsk ! De plus, si la Moldavie n’est pas membre de l’OTAN, la Roumanie l’est. Quant à l’actuelle présidente de la Moldavie, Maia Sandu, elle est à la fois roumaine et profondément antirusse. Mais si tout cela est vrai, je pense qu’il est également important de garder un autre fait à l’esprit : Chisinau, la capitale de la Moldavie, n’est qu’à environ 300 km de la péninsule de Crimée. Cela place toute la Moldavie à portée des armes russes à distance et des forces mobiles de réaction rapide. Pour les Moldaves, toute idée d’attaquer l’OGRF en Transnistrie serait vraiment folle, mais pour un régime ukronazi désespéré à Kiev, cela pourrait être préférable à une défaite contre la Russie.
Bien sûr, le régime ukrainien de Kiev n’a pas vraiment de pouvoir, depuis la « révolution de la dignité ». Toutes les décisions concernant l’Ukraine sont prises par l’oncle Shmuel et ses sous-fifres à Kiev. La question que nous devrions nous poser est donc la suivante : qui pourrait croire que les fous néoconservateurs de la Maison Blanche ne pousseraient pas le régime ukrainien de Kiev à élargir encore le conflit et à forcer la Russie à intervenir également en Transnistrie ?
Certains commentateurs en Occident, et d’autres en Russie, ont suggéré que le plan « Biden » (en supposant qu’il existe) consisterait à déclencher des crises simultanées en différents endroits tout autour de la Russie : le Donbass, mais aussi la mer Noire et/ou la mer d’Azov, la Géorgie, la Biélorussie, la Transnistrie, l’Arménie, etc. L’Empire pourrait également décider de revenir sur le projet d’Hillary Clinton de placer une zone d’exclusion aérienne au-dessus des forces russes en Syrie. Je ne suis pas sûr que ce soit la principale menace pour la Russie à l’heure actuelle. Par exemple, il y a une bonne raison pour laquelle la Russie est divisée en districts militaires : en cas de guerre, chaque district militaire devient un front indépendant qui peut se battre de manière autonome, soutenir d’autres fronts et être soutenu par les capacités stratégiques de l’armée russe. En d’autres termes, l’armée russe peut gérer plusieurs crises majeures et simultanées, voire des conflits dans ses États voisins. Quant à la zone d’exclusion aérienne d’Hillary au-dessus de la Syrie, étant donné la réalité indéniable que toutes les bases du CENTCOM sont sous une double ligne de mire (celle de l’Iran et celle de la Russie), il est peu probable que les États-Unis tentent une manœuvre aussi dangereuse.
Aparté : Je suis parfaitement conscient du fait que les propagandistes anti-Poutine tentent de nous convaincre que la Russie et Israël sont de mèche ou que Poutine est le meilleur ami de Netanyahu. J'ai déjà abordé cette absurdité à plusieurs reprises (voir ici, ici, ici et ici), je ne vais donc pas tout répéter. Je dirai simplement que a) les défenses aériennes russes en Syrie ont pour mission de défendre la force opérationnelle russe en Syrie, et non l'espace aérien syrien b) les défenses aériennes syriennes font un superbe travail en abattant les missiles israéliens. Ces défenses aériennes syriennes obligent les Israéliens à attaquer des cibles moins bien défendues et, par conséquent, moins précieuses (par exemple, un poste frontière entre la Syrie et l'Iran). c) De nombreux cas ont été signalés où les forces aérospatiales russes ont chassé les avions israéliens de l'espace aérien syrien. d) Les frappes israéliennes sont indéniablement bénéfiques pour le moral et la propagande des Israéliens (les FDI "invincibles" !), mais le fait est qu'elles ne font absolument aucune différence sur le terrain. Dans un avenir proche, j'espère écrire une analyse montrant que ces rumeurs sur la Russie vendue à Israël font partie d'une campagne PSYOP américaine pour affaiblir Poutine chez lui. Restez à l'écoute
Pour ces raisons, je pense que l’Empire poussera l’Ukraine vers une confrontation ouverte avec la Russie, tout en s’assurant que les forces américaines/OTAN restent loin de l’action. En fait, du point de vue des États-Unis et de l’OTAN, une fois que la Russie aura officiellement admis que les forces russes sont intervenues pour arrêter l’assaut ukrainien, l’objectif principal de l’attaque aura été atteint : Toute l’Europe accusera unanimement la Russie et Poutine de tout. Cela entraînera à son tour une détérioration dramatique de la situation sécuritaire en Ukraine et dans le reste de l’Europe de l’Est. Une nouvelle « guerre froide » (aux accents chauds) deviendra le facteur déterminant des relations est-ouest. Quant à l’OTAN, elle réchauffera le vieux principe consistant à « maintenir les Russes à l’extérieur, les Américains à l’intérieur et les Allemands à terre ».
Cinquième phase : la situation après la fin de la guerre
Encore une fois, si le comportement passé est le meilleur prédicteur du comportement futur, nous pouvons nous attendre à ce que les Russes fassent beaucoup de choses comme ils l’ont fait lors de la guerre de 5 jours (en réalité 3 jours seulement) contre la Géorgie soutenue par l’OTAN, le 08.08.08. Par exemple, quel que soit l’endroit exact où l’armée russe décide de s’arrêter (cela pourrait être le long de la ligne de contact actuelle, ou cela pourrait inclure une libération complète du Donbass des forces d’occupation ukrainiennes), ce sera une guerre courte (les guerres longues appartiennent de toute façon au passé). L’armée ukrainienne sera entièrement détruite, mais les forces russes n’occuperont pas les principales villes ukrainiennes (tout comme elles n’ont pas voulu prendre Tbilissi en 2008). Comme l’a déclaré un officier de la LDNR dans une interview de 2015 « plus nous allons vers l’ouest, moins nous sommes perçus comme des libérateurs et plus nous sommes perçus comme des occupants ». Il a raison, mais il y a quelque chose de beaucoup plus important ici aussi : La Russie n’a tout simplement pas les moyens de reconstruire l’Ukraine quasi totalement désindustrialisée. En dépit de la propagande de ses maitres, l’Ukraine est déjà un État en faillite, et ce depuis des années déjà. Et il n’y a exactement rien dont la Russie a besoin de la part de cet État en faillite. Absolument rien. La DERNIÈRE chose dont la Russie a besoin aujourd’hui est de s’enliser dans un effort simultané pour restaurer l’État et l’économie ukrainiens tout en combattant toutes sortes d’insurrections nationalistes néonazies.
Si elles tentent de se joindre au combat, la flotte ukrainienne de la mer Noire et l’armée de l’air ukrainienne disparaîtront tout simplement, mais la Russie ne lancera aucun assaut amphibie sur le littoral ukrainien.
Il y a ceux qui, pour des raisons morales et historiques, veulent que la Russie libère au moins l’est et le sud de l’Ukraine (la zone allant de Mariupol à Odessa). Je ne suis absolument pas d’accord. C’est très bien de dire « Poutine, viens et rétablis l’ordre », mais les Ukrainiens doivent se libérer eux-mêmes et ne pas attendre de la Russie qu’elle les libère. Les sondages d’opinion en Russie montrent que la plupart des Russes sont catégoriquement opposés à une guerre (ou à une occupation prolongée) et je ne vois aucun signe indiquant que la population du sud de l’Ukraine souhaite désespérément être libérée par l’armée russe. Toute cette notion de la Russie désinfectant l’Ukraine de la pourriture nazie est une construction idéologique sans aucune base dans la réalité. Ceux qui rêvent encore de voir des chars russes à Kiev ou à Dniepropetrovsk seront cruellement déçus : cela n’arrivera pas.
Je m’attends donc à ce que l’État ukrainien existe toujours à la fin de cette guerre, mais qu’il soit beaucoup plus faible. En outre, il est quasiment certain que si l’armée ukrainienne attaquait la Novorussie, la Russie répéterait ce qu’elle a fait en 2008 et reconnaîtrait les républiques de la LDNR avec une sorte de programme d’intégration à long terme. Des troubles civils et même des soulèvements sont probables, non seulement dans l’est, mais aussi dans le sud et l’ouest de l’Ukraine. Inutile de dire que l’UE et l’OTAN deviendront complètement folles et qu’un autre « rideau » divisera à nouveau le continent européen, pour le plus grand plaisir de toute l’anglosphère. À la fin de ce processus, l’Ukraine, semblable à Banderastan, se divisera simplement en morceaux plus faciles à gérer, qui passeront tous sous l’influence de leurs voisins plus puissants et mieux organisés.
Quant à la Russie, elle se détournera de l’Occident, par dégoût total, et continuera à développer le monde multipolaire avec la Chine et les autres pays de la zone B.
Conclusion : Encore au bord du gouffre ?
En vérité, tout ce qui précède ne sont que mes spéculations personnelles, personne ne sait vraiment si cette guerre aura vraiment lieu et, si elle a lieu, comment elle se déroulera. Les guerres sont parmi les événements les plus imprévisibles, d’où le nombre de guerres perdues par la partie qui les a initiées.
Ce que j’ai présenté ci-dessus est un scénario possible parmi beaucoup d’autres. La dernière fois qu’une attaque ukrainienne a semblé imminente, il a suffi que Poutine parle de « conséquences très graves pour l’État ukrainien dans son ensemble » pour arrêter l’escalade et convaincre Kiev de ne pas attaquer. Cette fois-ci, les Russes ne profèrent pas de telles menaces, mais c’est uniquement parce que les Russes ne croient pas à la répétition des menaces.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, de sérieux affrontements opposent les forces ukrainiennes (VSU) aux défenseurs de la LDNR. Les deux parties utilisent des armes légères, des lance-grenades et des systèmes d’artillerie. Selon un blogueur bien informé, ses sources à Kiev lui disent que :
Il y a quelque temps, un ordre est venu du bureau du vieux sénile Biden de préparer une offensive dans le Donbass, mais d’attendre le feu vert final de la Maison Blanche. Dans le même temps, cette source a également déclaré que des opérations militaires similaires seront menées dans d’autres pays où il existe des intérêts russes, afin de détourner l’attention du public du Donbass et d’affaiblir tout soutien au Donbass.
Il y a beaucoup d’autres messages de ce type sur Telegram, y compris des commentateurs pro-ukrainiens qui répandent des rumeurs sur des mercenaires russes vus près de la ligne de front à l’est de Mariupol. On peut déjà dire que la bataille informationnelle a commencé. Seul le temps nous dira si cette bataille deviendra cinétique ou non. Mais pour l’instant, il semble que tout le monde soit « sur le pied de guerre ».
The Saker
Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone
Ping : L’Ukraine est-elle (à nouveau) au bord de la guerre ? – Saint Avold / The Sentinel