Loukachenko demande à Poutine d’accepter que le Bélarus fasse partie de la Russie


Vidéo traduite et sous-titrée par Scott Humor


Par Rouslan Ostachenko – Le 25 juin 2018 – Source The Saker

Le voyage de Vladimir Poutine à Minsk et les discussions derrière les portes closes, qui ont duré un temps inhabituellement long, ont attiré l’attention de nombreux experts politiques.

Le président de la Russie s’est envolé pour le Bélarus le 19 juin. Le 22 juin, après seulement quelques jours, Alexandre Loukachenko a admis publiquement que la république pourrait devenir une partie d’« un État ».

Alors, devrions-nous souhaiter la bienvenue au district fédéral bélarusse ?

Regardez le visage tendu de Loukachenko.

Le voici, s’adressant à des agriculteurs du district Chklovsky de la région de Moguilev, prononçant les mots qui ont été rapidement diffusés par les réseaux sociaux : « Nous sommes en première ligne. Nous ne survivrons pas à ces années si nous échouons. Il deviendra inévitable pour nous de devenir la partie d’un autre pays. Soit cela, soit nous serons utilisés comme paillasson. Ou, que Dieu nous en garde, ils pourraient commencer une guerre, comme en Ukraine. »

Ce qu’on ne peut dénier au président bélarusse, c’est son sens aigu de l’autoconservation. Il a aidé Loukachenko à survivre à toutes les tentatives de le renverser de son trône présidentiel. Lorsque « Batka » (papa) chantait la « politique multivectorielle », il le faisait parce que ces chansons n’étaient pour lui, personnellement, pas vraiment menaçantes.

Lors de ses récentes discussions avec le Commissaire européen Johannes Hahn, Loukachenko a déclaré : « Construire nos relations avec l’Union européenne, c’est-à-dire notre plus proche voisin – et avec ses voisins, parce que les voisins viennent de Dieu, nous devons être amis… Nous ne sommes pas dans l’urgence. Nous ne vous avons jamais promis ce que nous ne pouvions pas faire… Vous nous regardiez, nous avons examiné l’Union européenne. Grâce aux transformations en cours dans l’UE et au Bélarus, nous avons décidé que ce n’est pas bon pour nous de nous regarder les uns les autres ‘par dessus la clôture’, de regarder de travers… »

Voila ce qu’il disait à propos de l’Union européenne qui avait imposé des sanctions contre lui et l’avait baptisé « le dernier dictateur d’Europe ». Loukachenko a répondu aux insultes des Européens par des tirades sur l’orientation sexuelle non traditionnelle des diplomates européens. Et ainsi de suite, etc.

Et c’était l’UE que Loukachenko « examinait » ?

Il « vérifiait » l’UE tout en utilisant le gaz russe bon marché, un énorme marché russe et d’autres gâteaux de ce genre. Et tout en ayant accès à tout cela, il chantait des airs sur la politique multi-vectorielle. (Compris, venant de lui, comme être avec l’UE tout en utilisant la Russie, NdA).

Et puis soudain, il a commencé à utiliser un autre langage.

Qu’est-ce qui a changé ? Il semble que Moscou ait finalement attrapé notre Loukachenko multivectoriel par ses cheveux courts. Comme vous, je n’ai aucune idée de la façon dont cela a été fait, mais Poutine le sait.

Aujourd’hui, la victoire d’Erdogan aux élections présidentielles en Turquie vient d’être annoncée. Serait-il en train d’agiter la main sur le podium en ce moment s’il n’y avait pas eu les données du renseignement russe et l’avertissement du coup d’État contre le gouvernement ?

Non, il ne l’agiterait pas.

La Turquie est plus grande que le Bélarus et plus éloignée de nous. Mais nous sommes reliés et il y a des gens qui travaillent là-bas pour s’assurer que le président russe est informé. Qu’y a-t-il à dire ici sur le Bélarus ?

Peut-être qu’à Minsk, Poutine à montré à Loukachenko des données selon lesquelles il est prévu de répéter le sort d’un autre admirateur du « multi-vectoriel » qui vit aujourd’hui à Rostov. Peut-être est-ce quelque chose d’autre. Mais le fait reste, Loukachenko a reconnu publiquement que le Bélarus pourrait devenir une partie d’« un pays ».

Je crois que nous savons tous quel pays.

La guerre de l’Occident contre la Russie n’est pas près de prendre fin. Les troupes de l’OTAN grondent en Lituanie, très près de la frontière avec le Bélarus. Il serait stupide de penser que Moscou permettra à l’ennemi de mettre en scène le même tour à Minsk qu’il l’avait fait en 2014 à Kiev. La distance de Minsk à Moscou est beaucoup plus courte que de Kiev.

Les raisons pour lesquelles Loukachenko a résisté jusqu’à présent à une intégration réelle, et non déclarative, au sein de l’État de l’union, sont évidentes. Il a gouverné de manière autocratique et, pour lui, partager le pouvoir est une mesure extrême. Il agit même comme un tsar. C’est lui, et non Poutine, qui a cette étiquette. Avez-vous jamais vu Poutine se tenir à côté de ses filles sur le podium pendant la parade du Jour de la victoire ? Personne ne l’a vu faire ça. Cependant, les fils de Loukachenko se tiennent à côté de lui. Les garçons sont là plutôt que des vétérans, notez-le. Ils se tiennent devant les ministres. Que leur arriverait-il si « Dieu nous en garde, ils déclenchent une guerre, comme en Ukraine » ?

Je doute que les enfants de Loukachenko soient très aimés, tant par l’élite bélarusse que par la population. Je crois que les déclarations faites dans la région de Moguilev témoignent que Loukachenko a accepté qu’un district fédéral bélarusse puisse voir le jour. Il recevra probablement des garanties personnelles pour cela. Lui et ses fils. Il est probable qu’il dirigera ce district de la Fédération de Russie en tant que gouverneur. Peut-être même jusqu’à la fin de ses jours.

Ce qui se passe maintenant derrière les portes closes, dans un cercle étroit, c’est la négociation. La déclaration de Loukachenko est un écho de cette négociation en cours. C’est une personne capricieuse. Il lui est difficile de garder un tel drame pour lui. Après tout, l’État bélarusse est l’œuvre de sa vie. Évidemment, il est difficile de le placer sous le contrôle de quelqu’un d’autre.

Mais soyons honnête, dans sa forme actuelle, il ne peut plus exister. Selon les données des médias bélarusses sur la dette étrangère du pays, la dette extérieure brute du Bélarus dans tous les secteurs de l’économie pour 2017 a augmenté de 2 milliards de dollars (6.4%), et au 1er janvier elle s’élevait à 39.9 milliards de dollars. Ces chiffres sont publiés dans le rapport statistique de la Banque nationale. Oui, la dette du Bélarus s’accroît. Pas aussi rapidement que dans les « pays développés », mais elle croît néanmoins. L’an dernier, le Bélarus a affecté 5.9 milliards de dollars au service de sa dette extérieure totale (à l’exception des emprunts commerciaux et des engagements bancaires à court terme). Cela a représenté 16.4% des exportations de biens et de services, ou 11% du PIB. Les paiements pour rembourser le principal se sont élevés à 4.6 milliards, les intérêts et autres paiements à 1.4 milliards de dollars. Selon la Banque nationale, la dette extérieure par habitant au Bélarus continue à augmenter. Au 1er janvier 2018, la dette extérieure brute par habitant était de 4.207 dollars. Au 1er janvier de l’année dernière, la dette était de 3.947 dollars.

Alexandre Loukachenko a récemment demandé au gouvernement de réduire la dette extérieure. « Aujourd’hui, nous devons nous débarrasser d’autant de dette extérieure que possible. Elle limite nos possibilités, surtout sociales. Dépenser environ 10% du PIB uniquement pour le service de la dette publique est un luxe inacceptable », a déclaré le chef de l’État bélarusse le 2 mars dernier, lors de sa rencontre avec les membres du gouvernement et la Banque nationale.

Il se fait des demandes à lui-même.

C’est une personne, comme le dit une plaisanterie, sans qui on ne peut même pas toucher une pomme de terre, une personne responsable de tout, et maintenant elle demande la réduction de la dette extérieure. Peut-être que cette dette extérieure est-elle seulement la preuve de l’échec de son approche « multivectorielle » ? Est-ce peut-être la preuve que les Bélarusses ordinaires ne peuvent pas se permettre d’entretenir une petite armée de responsables gouvernementaux et de bureaucrates ? Pourquoi paieraient-ils pour le bureau du président, le ministère des Affaires étrangères, tout leurs voyages à l’étranger, les palaces et ainsi de suite ? Les tarifs des services ont été augmentés depuis le 1er janvier, et maintenant les citoyens bélarusses paient davantage.

En général, il y a matière à penser pour Loukachenko, il y a quelque chose à quoi réfléchir.

Et pas seulement pour lui, d’ailleurs.

Vladimir Makeï, le ministre des Affaires étrangères du Bélarus, lui aussi un chantre des politiques « multivectorielles », a récemment mentionné que Minsk est disposée à accueillir une base militaire russe si la Pologne accueille une base américaine. « Rien n’est impossible… Aujourd’hui, nous n’allons pas installer de nouvelles bases militaires étrangères sur le territoire du Bélarus, parce que nous voulons la stabilité dans notre région et ne voulons pas devenir un fauteur de trouble… Mais si nous regardons l’avenir, nous devons considérer les mesures que nos voisins prendront. »

Vous pouvez voir à quel point la situation internationale difficile a un effet bénéfique sur les dirigeants bélarusses. Ils commencent à se rétracter sur certains points et, sous l’influence de ces contractions convulsives, ils deviennent moins égoïstes et plus agréables.

La Russie est heureuse de retrouver 10 millions de Russes en termes de langue, de culture et d’esprit. Et pour ces gens, la vie sera plus facile, parce qu’une dette étrangère brute de 4 207 dollars par habitant tombera de leurs épaules collectives, y compris les nourrissons et les vieux.

Attendons les résultats de cet accord. Peut-être que Loukachenko senior ne veut veut plus gouverner. Peut-être qu’il est fatigué et qu’il veut se reposer quelque part sur le lac Baïkal, pêcher, et ne pas se soucier de savoir si les Bélarusses ont trié toutes leurs pommes de terre ? Peut-être qu’il veut que l’un de ses fils devienne gouverneur pour acquérir de l’expérience pour sa future carrière dans le gouvernement fédéral ?

Quoi qu’il en soit, il est préférable d’avoir une vie stable et active en tant que chef du district fédéral bélarusse que de reposer dans un cercueil après une révolution de palais ou un « coup d’État de couleur », fixant le plafond avec les yeux morts d’un président d’une république multivectorielle qui n’a pas été capable de reconnaître que le monde a changé et que le schéma « obtenir par ci tout en prenant par là » ne marche plus.

Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker

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