Par Chris Hamilton – Le 18 novembre 2018 – Source Econimica
J’aime lire des articles qui vont à l’encontre de mon point de vue et qui remettent en question ma pensée. Ainsi, quand j’ai vu l’article, « PIB du Japon – Pas mal, mais pas de place pour l’autosatisfaction », mon intérêt a été piqué. Compte tenu de l’accélération du dépeuplement en cours au Japon, l’auteur (WisdomTree’s Head of Japan) a fait des déclarations surprenantes sur lesquelles j’ai tiqué.
En particulier…
Bonnes nouvelles sur le front de la construction résidentielle. L’adoption par la Banque du Japon de taux d’intérêts négatifs a déclenché une flambée d’activité, les taux hypothécaires ayant chuté à des records à la baisse au printemps 2016. Ce mini-boom s’est transformé en mini-crack au milieu de l’année 2017, l’activité immobilière se contractant pendant cinq trimestres consécutifs. Nous assistons maintenant au premier trimestre à la hausse, ce qui, nous l’espérons, confirme notre opinion fondamentale selon laquelle le logement résidentiel est dans une tendance structurelle à la hausse sur plusieurs années, sous l’impulsion de la demande croissante de maisons privées et de copropriétés de la nouvelle classe moyenne en augmentation au Japon. La formation de ménages continue d’augmenter, avec des taux de mariage et des taux de natalité en hausse, lentement mais sûrement, également en reprise. Au cours des deux prochains trimestres, les investissements dans le logement devraient continuer d’être positifs, ce qui nous aidera à vérifier notre opinion structurellement positive.
Faisons une simple vérification des faits
- Le nombre de ménages au Japon devrait culminer en 2018 et diminuer indéfiniment par la suite (selon le Manuel statistique du Japon, créé par le ministère japonais des Affaires).
- Le nombre de mariages en 2017 a chuté à 607 000, le plus bas de l’après-guerre et en baisse de 14 000 par rapport à l’année précédente… Le taux pour 1000 et le nombre total de mariages s’effondrent depuis le sommet atteint au début des années 1970, dépassant alors le million de mariages annuels.
- Le Japon a produit 941 000 bébés en 2017, soit le nombre le plus bas depuis le début des enquêtes en 1899 et environ 36 000 de moins que l’année précédente.
- La seule partie de sa déclaration que je pourrais corroborer est que le taux de fécondité est devenu légèrement moins négatif à 1,44 au lieu du plus bas historique d’environ 1,26… mais toujours bien en dessous du niveau de remplacement de 2,1.
- Bien sûr, la population de la région métropolitaine de Tokyo continue d’augmenter, mais seulement en raison de l’accélération de l’exode rural et du dépeuplement rapide de la population rurale en âge de faire des enfants.
Voici un bref rappel des changements qui ont déjà eu lieu au Japon :
- Les naissances au Japon ont chuté de 65% par rapport au pic de 1949 de 2,7 millions à 941 000 en 2017 (colonnes bleues, ci-dessous).
- La population des Japonais de 0 à 5 ans a chuté de 55 % depuis le pic de 1950.
- La population en âge de procréer (15 à 44 ans) a chuté de 22 % depuis le sommet de 1989, soit une baisse de 12 millions (ligne rouge, ci-dessous)… selon les données démographiques de l’ONU.
Voici enfin ce qui est certain d’arriver :
La population japonaise en âge de procréer (ligne rouge ci-dessus) diminuera de 7 millions de personnes supplémentaires et de 35 % d’ici 2030. Ce n’est pas une estimation, il suffit de faire avancer la population actuelle des jeunes. D’ici 2030, la population japonaise en âge de procréer retrouvera la même taille qu’en 1949, soit 36 millions, et si les taux de fécondité demeurent relativement constants, sur une base annuelle, ils n’auront que 30% des naissances décomptées il y a plus de 80 ans.
Mais pour en revenir à l’article original, je suppose que la demande de « logements résidentiels… dans une tendance à la hausse structurelle pluriannuelle, tirée par la demande croissante de maisons privées et de copropriétés de la nouvelle classe moyenne en hausse au Japon… » viendrait de la population en âge de travailler. Mon problème est que l’effondrement de la population potentielle en âge de travailler (ligne verte, ci-dessous) signifie un effondrement du potentiel d’avoir un plus grand nombre de travailleurs. D’ici 2030, il y en aura plus de 6,5 millions de moins qu’aujourd’hui et d’ici 2040, une nouvelle baisse de 8 millions. En comparaison, l’augmentation du nombre de personnes de 60 ans et plus est indiquée (ligne grise).
Et pour montrer le changement annuel vers la « nouvelle classe moyenne en hausse au Japon », le graphique ci-dessous montre la diminution annuelle de la population potentielle en âge de travailler (colonnes vertes) par rapport à l’augmentation des personnes âgées (colonnes grises… CQFD, les augmentations les plus importantes sont chez les personnes de 75 ans et plus).
Il est peut-être temps de regarder plus loin que dire que le logement résidentiel japonais « est dans une tendance structurelle à la hausse sur plusieurs années ». Aussi connecté et connaissant le succès que l’auteur semble avoir, il est difficile de croire qu’il ne sait pas de quoi il parle. Je ne vais certainement pas outrepasser mon rôle et demander au gouvernement japonais de commencer quelque chose comme acheter et démolir le parc de logements existants ou à la BOJ d’aller plus avant dans sa politique de taux bas afin de créer une demande croissante !??! C’est juste qu’une grande partie de ce que l’auteur a déclaré comme base factuelle pour cette vision optimiste n’était pas factuelle. On peut avoir ses propres opinions, mais pas ses propres « faits »).
Pour les curieux, voici un regard similaire sur la situation du logement aux États-Unis, basé sur la croissance de la population et la démographie. Ceux qui sont curieux peuvent voir le voisin beaucoup plus grand du Japon à l’Ouest. Enfin, pour brosser un tableau d’ensemble de l’effondrement des populations et de la démographie des pays consommateurs par rapport à la croissance démographique dans les pays pauvres et non consommateurs du monde… , c’est par ici.
Chris Hamilton
Traduit par Hervé pour le Saker Francophone
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