Par Moon of Alabama – Le 29 septembre 2022
Lorsque Liz Truss a été ” élue ” Premier ministre par 0,6 % de l’ensemble des électeurs britanniques, j’avais exprimé une certaine tristesse pour l’ancienne grandeur de la Grande-Bretagne :
Liz Truss est moins compétente que Boris Johnson mais au même niveau lorsqu’il s’agit de mentir. Elle n’a pas non plus d’empathie. En fin de compte, elle aura l’air pire en fonction que Johnson.
Les dégâts du Brexit continuent de s’aggraver. La pénurie d’énergie, causée par la guerre économique menée contre la Russie, déchire le pays. […] Le National Health Service refuse des patients par manque de ressources.
Truss va aggraver tout cela.
Mais les milliardaires et les banquiers de la City de Londres l’applaudiront quand même pour avoir baissé leurs impôts.
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Avec le processus électoral truqué en faveur des Tories et la direction du Labour détenue par l’infortuné et vindicatif Keir Starmer, il y a peu de chance de changement de régime en Grande-Bretagne. Lorsque Truss tombera, le poste de premier ministre pourrait même revenir à Boris Johnson.
Trois semaines plus tard, nous en sommes peut-être déjà là.
Liz Truss et son chancelier, Kwasi Kwarteng, sont des libertariens[C’est assez osé comme assertion même selon wikipédia, NdT] qui pensent que la fonction de l’État doit être aussi réduite que possible.
Le 5 août, avant que Truss ne soit “élue“, le Service officiel des institutions monétaires et financières, un groupe de réflexion, avait prédit ce qui allait bientôt se produire :
Si elle gagne, et met en œuvre sa promesse de réductions d’impôts immédiates, la seule prédiction sûre est que la livre sterling va s’effondrer. La chute de la livre le 4 août – après que la Banque d’Angleterre a relevé son taux directeur à 1,75 % et mis en garde contre une inflation de 13 % et une récession prolongée – donne un avant-goût de ce qui nous attend.
La combinaison du ralentissement économique et de l’inflation en Grande-Bretagne risque d’être aussi grave et peut-être aussi longue que dans les années 1970. Les politiques de Mme Truss risquent d’aggraver la situation. L’idée d’une manne au milieu de la stagflation n’est pas seulement audacieuse, elle est téméraire.
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Le bilan de Thatcher montre qu’elle était déterminée à infliger des souffrances avant de récompenser les parieurs par des réductions d’impôts. Dès son arrivée au pouvoir en 1979, le gouvernement de Thatcher avait doublé le taux de la taxe sur la valeur ajoutée, le faisant passer de 8 % à 15 %. Elle pensait, à juste titre, que les électeurs devaient accepter les difficultés comme prélude à la confrontation avec la réalité économique.
Si Truss devient leader, elle suivra la voie opposée, avec un chancelier docile (peut-être Kwasi Kwarteng, l’actuel secrétaire d’État aux affaires) qui exécutera ses ordres. La politique de Truss en matière de réductions d’impôts prolongerait la nature souvent bizarre du règne de trois ans de Johnson.
Dès que la reine défunte fut enterrée, Truss se mit au travail. Le chancelier Kwarteng annonce un “mini-budget” qui réduira les impôts pour les personnes à hauts revenus tout en augmentant le déficit pour couvrir les subventions promises pour le coût de l’énergie :
C’est un euphémisme de qualifier les initiatives budgétaires de Mme Truss d’audacieuses. La semaine dernière, elle a annoncé la plus importante réduction d’impôts au Royaume-Uni en 50 ans, y compris une réduction des charges sociales et l’annulation d’une augmentation prévue de l’impôt sur les sociétés. Le coût est estimé à 50 milliards de dollars. Cette réduction d’impôts intervient immédiatement après des subventions énergétiques extraordinairement généreuses accordées aux ménages et aux entreprises, pour un coût estimé à 150 milliards de dollars.
Selon le National Institute of Economic and Social Research, les nouvelles initiatives budgétaires feront grimper le déficit budgétaire du Royaume-Uni à 8 % du produit intérieur brut l’année prochaine. Dans le même temps, la dette publique dépassera bientôt 90 % du PIB.
Dès l’annonce du “mini budget“, la livre sterling s’est effondrée. Et ce, non seulement par rapport au dollar américain surévalué, mais aussi par rapport à l’euro, plutôt faible.
Les taux d’intérêt sur les obligations d’État britanniques (Gilts) ont fortement augmenté.
Au bout de deux jours, la banque centrale britannique, la Banque d’Angleterre, a dû intervenir pour éviter une crise semblable à celle de Lehman, qui aurait tué de nombreux fonds de pension britanniques. La banque, qui venait d’augmenter son taux d’intérêt pour resserrer la masse monétaire, est revenue à l’assouplissement quantitatif en achetant des gilts sur le marché libre. Cela va encore augmenter l’inflation déjà galopante.
La baisse de la livre sterling entraînera une nouvelle augmentation des coûts énergétiques. De nombreux propriétaires britanniques ont des prêts hypothécaires avec des taux d’intérêt variables. Ils vont être dévastés par tout cela.
Aujourd’hui, Liz Truss a donné une série d’interviews à la radio.
Another Angry Voice @Angry_Voice – 11:49 UTC – Sep 29, 2022
Liz Truss se fait totalement démonter à la radio locale ce matin.
Un fil de discussion, avec des crédits …
Truss n’a pas pu répondre aux questions les plus basiques sur son budget et ses conséquences.
Le gouvernement britannique a reçu beaucoup de critiques sur son geste. Non pas parce que le FMI ou d’autres commentateurs pensent que ce que Truss et Kwarteng essaient de faire est mauvais en général, mais parce que cela a créé de l’incertitude et des problèmes sur les marchés.
Adam Tooze écrit que Truss et Kwarteng avaient probablement l’intention de créer une agitation sur les marchés parce que cela les aiderait à atteindre leurs véritables objectifs :
Je ne suis pas sûr que Kwarteng et son équipe aient eu l’intention de provoquer une crise qui leur permettrait de renforcer leur volonté de réduire les dépenses publiques. Mais la réduction des dépenses publiques est clairement leur plan. Ils l’ont effectivement dit. Et nous devons nous attendre à ce qu’ils exploitent la situation pour poursuivre cet objectif et nous préparer à cela.
Le 6 octobre, les conservateurs tiendront leur conférence annuelle du parti. Celle-ci pourrait bien se transformer en défi pour Truss et il n’est pas exclu que le parti la renvoie tout simplement pour le chaos qu’elle a créé.
Boris Johnson pourrait redevenir Premier ministre plus tôt que prévu.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
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