Líz Truss continue d’être le mauvais Premier ministre que tout le monde attendait qu’elle soit


Par Moon of Alabama – Le 14 octobre 2022

Fin septembre, je déclarais que Liz Truss était le mauvais premier ministre que tout le monde attendait. Le chaos provoqué par le mini budget de son chancelier continue de mettre en danger les fonds de pension. Récapitulons :

Dès que la défunte reine a été enterrée, Truss s’est mise au travail. Le chancelier Kwarteng a alors annoncé un “mini-budget” qui réduirait les impôts pour les personnes à hauts revenus tout en augmentant le déficit pour couvrir les subventions promises pour compenser le coût de l’énergie :

[…]

Dès l’annonce de ce “mini-budget“, la livre sterling s’est effondrée. Et ce, non seulement par rapport à un dollar américain surévalué, mais aussi par rapport à un euro plutôt faible.

Les taux d’intérêt sur les obligations d’État britanniques (Gilts) ont fortement augmenté.

Après deux jours, la banque centrale britannique, la Banque d’Angleterre, a dû intervenir pour éviter une crise semblable à celle de Lehman, qui aurait tué de nombreux fonds de pension britanniques. La banque, qui venait d’augmenter son taux d’intérêt pour resserrer la masse monétaire, est revenue à l’assouplissement quantitatif en achetant des gilts sur le marché libre. Cela va encore faire augmenter une inflation déjà galopante.

Le 3 octobre, Mme Truss a dû renoncer à son projet de réduire les impôts des riches :

Dans un revirement majeur, le Premier ministre Liz Truss a déclaré lundi que la proposition de supprimer le taux de 45 % pour les personnes gagnant plus de 150 000 livres (168 000 dollars) était devenue une “distraction“.

Réagissant à la nouvelle de ce revirement, la livre a rebondi lundi matin par rapport au dollar américain, revenant au niveau où elle se trouvait avant que le plan d’imposition et d’emprunt du gouvernement ne la fasse plonger.

Mais la Grande-Bretagne aura toujours un déficit budgétaire important et les gilts ont rapidement recommencé à baisser. Il y a trois jours, la Banque d’Angleterre est à nouveau intervenue pour sauver les fonds de pension en faillite.

Certains membres plus sains du parti conservateur se préparent enfin à l’évincer :

Jeudi, le gouvernement britannique a dû faire face à des appels de plus en plus insistants pour qu’il renonce à ses projets de réduction d’impôts qui ont alarmé les marchés financiers, alors que les questions continuent de se poser sur l’avenir de la nouvelle première ministre, Liz Truss, et de son chancelier de l’Échiquier, Kwasi Kwarteng.

En ce jour d’agitation politique, le ministre des Affaires étrangères, James Cleverly, a mis en garde ses collègues contre toute tentative d’éviction de Mme Truss. Et M. Kwarteng a rejeté les suggestions selon lesquelles le contrecoup de son “mini-budget“, qui comprenait des réductions d’impôts non financées et un paquet coûteux pour aider les consommateurs à payer leurs factures d’énergie, pourrait lui coûter son poste, en insistant : Je ne vais pas m’en aller.

Jeudi, Downing Street a déclaré que sa politique n’avait pas changé, mais cela n’a rien fait pour calmer les spéculations disant que le gouvernement devrait changer de cap et augmenter les impôts sur les sociétés, ce qu’il avait précédemment décidé de ne pas faire.

S’exprimant depuis Washington, où il participe à une réunion du Fonds monétaire international, M. Kwarteng a reconnu qu’il y avait eu “quelques turbulences” après son annonce le mois dernier, mais il a déclaré à la BBC qu’il restait concentré sur la mise en œuvre des plans de réduction des impôts.

À la question de savoir si lui et Mme Truss seraient toujours à leur poste le mois prochain, M. Kwarteng a répondu : “Absolument, à 100 %.”

Mais il y a un scepticisme quant au fait qu’elle ait le soutien pour de telles mesures parmi ses propres députés. Une majorité d’entre eux préféraient Rishi Sunak, un ancien chancelier de l’Échiquier, pour succéder au dernier Premier ministre, Boris Johnson, qui a été contraint de partir après une série de scandales. Mais la décision finale est revenue aux membres de la base du parti, qui ont choisi Mme Truss.

En vertu des règles du Parti conservateur, Mme Truss ne peut pas faire face à une contestation de la direction avant septembre 2023, mais l’humeur est si mauvaise au sein du parti qu’il est déjà question de changer les règles.

Jeudi, M. Cleverly, le ministre des affaires étrangères, a reconnu la menace qui pèse sur la position de Mme Truss, tout en défendant sa stratégie. “Changer la direction serait une idée désastreuse“, a-t-il déclaré à la BBC.

Kwarteng n’est pas doué pour faire des prédictions. Aujourd’hui, Truss a sacrifié son pion pour survivre politiquement un peu plus longtemps :

Kwasi Kwarteng a été limogé de son poste de chancelier, laissant cours à d’intenses spéculations sur le fait que la première ministre Liz Truss est sur le point de mettre à la poubelle des éléments clés de leur plan économique.

Mr Kwarteng a rencontré Mme Truss pour des entretiens cruciaux à Downing Street après avoir écourté un voyage aux États-Unis.

Dans une lettre adressée au Premier ministre, M. Kwarteng a déclaré que la vision de la croissance économique de Mme Truss était “la bonne” et qu’il la soutenait toujours.

Mme Truss devrait annoncer un revirement sur les réductions d’impôts pour les entreprises lors d’une conférence de presse à Downing Street à 14h30.

Le Premier ministre a nommé l’ancien ministre de la Santé Jeremy Hunt – qui a soutenu Rishi Sunak dans la course à la direction du parti Tory – comme nouveau chancelier.

La promesse de Mme Truss de réduire les impôts était au cœur du programme économique qui lui a valu d’être élue à la tête du parti Tory au début du mois de septembre.

Truss était responsable du “mini-budget” et de ses réductions d’impôts pour les riches et les grandes entreprises. C’étaient ses idées. Elle s’est battue pour elles. Dans sa conférence de presse d’aujourd’hui, elle a encore retiré ces plans :

La volte-face du Premier ministre Liz Truss sur l’impôt sur les sociétés signifie que celui-ci passera de 19 % à 25 % en avril prochain – une mesure qui devrait faire entrer environ 18 milliards de livres sterling par an de recettes fiscales dans les coffres du gouvernement.

L’impôt sur les sociétés est payé sur les bénéfices des sociétés britanniques et des sociétés étrangères ayant des bureaux au Royaume-Uni.

Avant l’arrivée au pouvoir des conservateurs en 2010, il s’élevait à 28 %, mais a ensuite été réduit à plusieurs reprises avant d’être ramené à 19 % en 2017.

Dans son budget de mars, l’ancien chancelier Rishi Sunak a annoncé que la taxe passerait de 19 % à 25 % en avril 2023. Il a déclaré qu’il était juste de demander aux entreprises de contribuer davantage après que le gouvernement ait dépensé des milliards de livres pour les soutenir pendant la pandémie de Covid.

Cependant, Liz Truss s’était engagée à revenir sur cette décision avant que sa volte-face ne soit confirmée aujourd’hui.

Il est certainement juste de critiquer son changement d’avis :

Réagissant à la volte-face de Liz Truss sur l’impôt sur les sociétés, le secrétaire d’État parallèle au Travail et aux Retraites, Jon Ashworth, a déclaré “c’est un gouvernement en pleine déconfiture“.

Soyons clairs sur ce qui vient de se passer. Liz Truss a limogé son chancelier pour avoir appliqué les politiques de Liz Truss – un ensemble de politiques qui ont conduit à des turbulences sur les marchés, à une ruée sur les fonds de pension et à une flambée des taux d’emprunt pour les propriétaires dans tout le pays“, a-t-il déclaré à la BBC.

Après seulement 38 jours, Kwarteng n’est plus chancelier. C’est une bonne chose. Mais Liz Truss a toujours les mêmes idées et, dans son zèle libertarien, elle continuera à mener des politiques épouvantables.

Combien d’entre elles les députés conservateurs, qui avaient justement prévu de l’évincer, laisseront-ils passer ?

En d’autres termes, je ne m’attends pas à ce que ce soit le dernier épisode du mauvais film auquel nous assistons. De nombreuses crises se développent encore en Grande-Bretagne et en Europe et atteindront des points critiques au cours des prochains mois. Des décisions erronées peuvent aggraver chacune d’entre elles.

La Banque d’Angleterre ne sera pas en mesure de tout sauver.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

   Envoyer l'article en PDF