Les soldats ukrainiens parlent de lourdes pertes pour peu de gains


Par Moon of Alabama – Le 31 juillet 2023

Hier, j’ai mis en lien un nouvel article du NY Times sur les horreurs de la guerre en Ukraine.

Le titre est un peu réjouissant et les premiers paragraphes décrivent un « succès » ukrainien.

Au milieu de la lenteur meurtrière de la contre-attaque, une lueur de succès pour l’Ukraine

La reprise du village de Staromaiorske était une nouvelle si réjouissante pour le pays que le président Volodymyr Zelensky l’a lui-même annoncée. Mais les redoutables défenses russes ont entravé les progrès dans d’autres secteurs.

L’article est accompagné de cette photo mise en scène qui montre un uniforme en ruine sur un chemin de terre avec deux bottes posées à côté.

La ligne sous la photo, que je crois fermement être fausse, dit :

Le corps d’un soldat russe à l’extérieur d’un village de la région de Zaporizhzhia, dans le sud de l’Ukraine, ce mois-ci.

Crédit… Tyler Hicks/The New York Times

Je me demande à quoi pensaient les rédacteurs en chef lorsqu’ils ont eu cette idée.

Passons maintenant aux premiers paragraphes du rapport :

Pendant dix jours, les marines ukrainiens se sont battus rue par rue et maison par maison pour reprendre le village de Staromaiorske, dans le sud-est du pays, en affrontant les tirs d’artillerie, les frappes aériennes et des centaines de soldats russes.

Les Russes ont mis en place une défense féroce, mais celle-ci a pris fin jeudi lorsqu’ils se sont repliés et que les Ukrainiens ont revendiqué la victoire. « Certains se sont enfuis, d’autres sont restés derrière« , a déclaré un commandant d’assaut de la 35e brigade de marines ukrainienne, qui utilise l’indicatif Dikyi, qui signifie « sauvage« . « Nous avons fait des prisonniers« , a-t-il ajouté.

La reprise de Staromaiorske, un petit village qui est néanmoins essentiel à la stratégie méridionale de l’Ukraine, est un développement tellement bienvenu pour l’Ukraine que le président Volodymyr Zelensky l’a annoncé lui-même.

J’ai de mauvaises nouvelles pour les lecteurs du NY Times. Le village de Staromaiorske (Staromayorskoye en russe) n’est plus aux mains des Ukrainiens mais dans la zone grise :

Tony @Cyberspec1 – 22:00 UTC – Jul 30, 2023

❗️En dépit du fait que [le leader de Donetsk] Pushilin ait annoncé la reprise de Staromayorsk, nos troupes sont absentes du village lui-même. L’ennemi est mis hors d’état de nuire, mais il n’y a nulle part où prendre pied en toute sécurité.

Les troupes russes entrent périodiquement dans le village pour organiser des embuscades. Hier, plusieurs soldats des FAU ont ainsi été faits prisonniers.

Une vidéo montre également l’artillerie russe bombardant le village.

Staromajorske (en bas de la carte) le 04 juin 2023

 Staromajorske le 31 juillet 2023

 Photo satellite de Staromajorske

Après deux mois de « contre-offensive« , la ligne de front au sud de Velyka Novosilka ne s’est déplacée que de six kilomètres au sud de la ligne de front initiale. Staromajorske compte environ 200 maisons. Comme les quatre autres petits villages situés le long de la ligne de front, il a été en grande partie détruit.

Il ne s’agit pas d’une « contre-offensive« , mais d’un combat sanglant aux résultats médiocres.

L’article du NY Times a été rédigé par Charlotta Gall, qui rédige parfois des rapports de terrain réalistes en Ukraine.

Après le début encourageant de son article, le reportage devient plus sinistre :

Alors que les officiels célébraient les progrès de l’Ukraine à Staromaiorske, les troupes qui se trouvaient ailleurs sur le terrain affirmaient que les défenses et la puissance de feu russes restaient redoutables et, par endroits, infranchissables.

Un soldat en attente d’évacuation pour une commotion cérébrale dans un poste médical a récemment décrit comment son bataillon avait été décimé par les tirs d’artillerie et de chars russes. Sa brigade, la 23e, était l’une des neuf unités nouvellement formées et entraînées par l’Occident, préparées et équipées pour la contre-offensive. Mais la brigade, dit-il, a été jetée dans la bataille sans soutien d’artillerie suffisant et a été incapable de se défendre contre la puissance de feu russe.

Lors d’une bataille à laquelle son unité a participé, les soldats ukrainiens ont attaqué à bord de dix véhicules blindés MaxxPro de fabrication américaine, mais un seul est revenu, a-t-il déclaré. Il a montré des photos des véhicules endommagés, éventrés et brûlés, qui, selon lui, ont été ramenés à une base de réparation. Le soldat a refusé de donner son nom de peur d’avoir des problèmes avec ses supérieurs.

Le soldat a perdu un ami de 22 ans, Stas, dans le bombardement de la veille, a-t-il dit, ajoutant qu’en un peu plus d’un mois, son bataillon avait eu tellement de morts et de blessés qu’il ne restait plus que 10 hommes sur la ligne de front.

Auparavant, ce bataillon comptait entre 400 et 500 hommes.

Gall s’entretient ensuite avec un soldat d’une autre unité :

Un autre soldat, qui s’est engagé l’année dernière et qui a demandé à n’être identifié que par son prénom, Oleksiy, a déclaré que son unité avait subi de lourdes pertes lorsque les troupes russes ont lancé des tirs d’artillerie et des bombes aériennes sur leurs positions.

« On nous a tiré dessus comme sur un champ de tir« , a-t-il déclaré. « Un drone volait au-dessus de nous et corrigeait les tirs d’artillerie. Leurs positions se trouvaient dans d’anciennes positions russes, encerclées par des champs de mines, et les forces russes ont pu les maintenir bloquées et sous la surveillance constante de drones. »

Les soldats manquaient de munitions et d’eau, mais ils ne pouvaient se faufiler dans leurs positions que par un ou deux, à pied, lorsque la lumière était faible, juste avant l’aube et au crépuscule.

Et un troisième cas :

Des entretiens avec des soldats ukrainiens et l’examen des images de surveillance militaire d’une attaque récente indiquent que de nombreuses unités ukrainiennes subissent de lourdes pertes.

Un groupe formé aux opérations spéciales, déployé le mois dernier pour prendre d’assaut les positions russes dans un village de la partie occidentale du front, a subi de si lourdes pertes en quatre jours d’assaut qu’il a dû se retirer sans succès.

Après que leurs véhicules blindés aient été en grande partie détruits par des tirs d’artillerie le premier jour, ils ont revu leur plan pour s’approcher du village à pied en passant par une ligne d’arbres qui avait été minée. Les Ukrainiens ont dégagé un chemin étroit à l’aide d’explosifs de déminage et les premiers soldats ont atteint les positions russes et se sont laissés tomber dans une tranchée.

Des images de drone ont montré ce qui s’est passé ensuite. Des explosions ont soudainement retenti à l’intérieur des tranchées et d’autres frappes ont touché des soldats à la lisière des arbres. La vidéo a été vérifiée par le New York Times.

« Les tranchées étaient minées« , explique le commandant d’assaut, qui utilise l’indicatif Voskres, abréviation de Résurrection. « Nos hommes ont commencé à sauter dans les tranchées et à les faire exploser« , a-t-il ajouté. Les forces russes observaient la situation et ont fait exploser les mines à distance.

Ceux qui ont réussi à éviter les mines ont été attaqués par de nombreux drones kamikazes russes. « On aurait dit qu’ils avaient un drone pour chaque personne« , a-t-il déclaré. « La quantité d’équipement dont disposent les Russes, si nous l’avions su, c’était comme une mission impossible. »

Plusieurs semaines plus tard, le village est toujours aux mains des Russes.

Depuis le lancement de la « contre-offensive » ukrainienne, le ministère russe de la défense fait état d’une moyenne de 710 victimes ukrainiennes par jour.

Les États-Unis et leur mandataire ukrainien ont envoyé ces soldats au combat en sachant pertinemment que la « contre-offensive » n’aurait aucune chance de remporter quoi que ce soit.

Comme l’a écrit le Wall Street Journal il y a une semaine :

Lorsque l’Ukraine a lancé sa grande contre-offensive ce printemps, les responsables militaires occidentaux savaient que Kiev ne disposait pas de l’entraînement ou des armes – des obus aux avions de guerre – dont elle avait besoin pour déloger les forces russes. Ils espéraient toutefois que le courage et l’ingéniosité des Ukrainiens l’emporteraient.

Ce n’est pas le cas. …

Des recrues peu entraînées, dotées d’un équipement médiocre et ne disposant pas d’une artillerie et d’un soutien aérien suffisants, ont été délibérément poussées dans un combat qu’elles n’avaient aucune chance de remporter, ni même d’y survivre.

Cette politique était cruelle. Ceux qui les ont poussés, et en fait toute personne ayant une formation militaire et une connaissance de l’histoire militaire, le savaient depuis le début.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

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