Les prémices de la guerre en Ukraine. Le 22 février 2022


Par Moon of Alabama – Le 22 février 2023

Pour fournir un cadre juridique au soutien militaire russe à Donetsk et Louhansk, le président russe Vladimir Poutine avait signé des décrets visant à reconnaître la République populaire de Donetsk et la République populaire de Louhansk comme des pays indépendants :

À cet égard, je considère qu’il est nécessaire de prendre une décision attendue depuis longtemps et de reconnaître immédiatement l’indépendance et la souveraineté de la République populaire de Donetsk et de la République populaire de Lougansk.

Je voudrais demander à l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie de soutenir cette décision, puis de ratifier le traité d’amitié et d’assistance mutuelle avec les deux républiques. Ces deux documents seront préparés et signés prochainement.

Le mardi 22 février 2022, l’Assemblée fédérale tenait une session extraordinaire et faisait ce que Poutine avait demandé :

Lors d’une session tenue le mardi, la Douma, la chambre basse du parlement russe, a soutenu les accords à l’unanimité, 400 députés ayant voté en faveur. Plus tôt le même jour, les parlements des deux régions ont simultanément ratifié le « traité d’amitié et de coopération avec la Fédération de Russie« .

Ce fut une raison suffisante pour que les États-Unis et l’Union européenne mettent en œuvre leur feu d’artifice de sanctions,prévu depuis longtemps, contre la Russie,  :

L’Union européenne a adopté de nouvelles sanctions à l’encontre de la Russie qui mettront sur liste noire davantage de politiciens, de législateurs et de fonctionnaires, interdiront aux investisseurs de l’UE de négocier des obligations d’État russes et cibleront les importations et les exportations avec les entités séparatistes.

La reconnaissance officielle par la Russie de deux régions séparatistes dans l’est de l’Ukraine constitue une violation inacceptable de la souveraineté de l’Ukraine, a déclaré M. Borrell.

« Ce train de sanctions, qui a été approuvé à l’unanimité par les États membres, fera mal à la Russie, et très mal« , a déclaré M. Borrell lors d’une conférence de presse aux côtés du ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, lors d’une réunion à Paris.

Par ailleurs, le Premier ministre estonien Kaja Kallas a déclaré à Reuters qu’une nouvelle agression russe en Ukraine entraînerait de nouvelles sanctions, en coordination avec les États-Unis.

Le train de sanctions touche tous les membres de la chambre basse du parlement russe qui ont voté en faveur de la reconnaissance des régions séparatistes, le gel de leurs avoirs dans l’UE et l’interdiction de se rendre dans l’Union.

Les sanctions américaines contre la Russie ont été imposées de manière coordonnée.

L’Allemagne a interrompu l’approbation du projet de gazoduc Nord Stream 2.

Plus tard dans la journée, Poutine a signé la loi fédérale sur la ratification du traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle entre la Fédération de Russie et la République populaire de Lougansk, ainsi qu’un traité similaire avec la République populaire de Donetsk :

La loi fédérale a été adoptée par la Douma d’État et approuvée par le Conseil de la Fédération le 22 février 2022.

Le traité prévoit une large coopération dans les domaines politique, économique, social, militaire et humanitaire.

Après avoir reconnu l’indépendance de la LPR/DNR, la Russie et les trois pays pourraient revendiquer un droit d’autodéfense collective, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations unies.

S’en tenant aux formalités juridiques nécessaires, Poutine a ensuite demandé au Conseil fédéral d’autoriser l’utilisation des forces armées russes à l’étranger :

Sur la base de l’article 102, paragraphe « d », première partie, de la Constitution de la Fédération de Russie, et en vertu du Traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle entre la Fédération de Russie et la République populaire de Donetsk, et du Traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle entre la Fédération de Russie et la République populaire de Lougansk, je soumets une proposition visant à ce que le Conseil de la Fédération de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie approuve une résolution autorisant l’utilisation des forces armées de la Fédération de Russie à l’étranger sur la base des principes et des normes généralement acceptés du droit international.

Poutine a ensuite répondu aux questions des médias. Il a fait quelques remarques intéressantes.

  • La Russie reconnaît les républiques dans leurs frontières constitutionnelles, c’est-à-dire leurs frontières d’origine en Ukraine avant le début du conflit dans ce pays.
  • Il compare la Crimée, où un référendum a été organisé et où la population a voté pour faire partie de la Russie, au Kosovo, où seul un vote du parlement a été organisé et considéré suffisant pour se déclarer indépendant.
  • Il expose les conditions de la paix qui existaient auparavant : Reconnaissance de la Crimée comme faisant partie de la Russie, pas d’adhésion à l’OTAN pour l’Ukraine, respect des accords de Minsk et une certaine démilitarisation de l’Ukraine.
  • Interrogé sur l’intention de l’Ukraine de construire et de déployer des armes nucléaires (comme annoncé par Zelenski le 19 février à Munich), Poutine a répondu que l’Ukraine avait les moyens de le faire. Cela constituait une menace stratégique pour la Russie.

Enfin et surtout, il est interrogé sur la durée et l’étendue du déploiement militaire potentiel :

Andrei Kolesnikov, journal Kommersant :

le Président, pensez-vous qu’il est possible dans le monde d’aujourd’hui de résoudre les problèmes par la force et de rester du côté du bien ? C’est ma première question.

La seconde est plus technique, si vous voulez. Selon vous, jusqu’où les troupes peuvent-elles avancer : jusqu’à la ligne de contact, jusqu’aux frontières administratives de la DPR et de la LPR, ou ailleurs ?

Merci.

Vladimir Poutine : Premièrement, je n’ai pas dit que nos troupes pénètreraient immédiatement, après notre réunion ici. C’est la première chose. Deuxièmement, il est absolument impossible de prédire la trajectoire détaillée des actions possibles. Cela dépend de la situation concrète qui se déroule sur le terrain, comme on dit.

Concernant la question de savoir si tous les problèmes peuvent et doivent être résolus par la force ou s’il est possible de rester du côté du bien. Pourquoi pensez-vous que le bien devrait toujours être fragile et impuissant ? Je ne pense pas que ce soit le cas. Je pense que le bien signifie être capable de se défendre. Nous allons partir de ce point de vue.

La mission spéciale d’observation de l’OSCE à la ligne de cessez-le-feu dans le sud-est de l’Ukraine rapportait, le mardi 22 février 2022.

Dans la région de Donetsk, la SMM a enregistré 528 violations du cessez-le-feu, dont 345 explosions. Au cours de la période précédente, il avait enregistré 703 violations du cessez-le-feu dans la région.

Dans la région de Louhansk, la Mission a enregistré 1 182 violations du cessez-le-feu, dont 1 075 explosions. Au cours de la période précédente, elle avait enregistré 1 224 violations du cessez-le-feu dans la région.

L’OSCE a signalé un peu moins d’incidents que la veille.

Les deux parties ont déplacé de nouveaux équipements vers la ligne de cessez-le-feu :

En violation des lignes de retrait, dans les zones contrôlées par le gouvernement des régions de Donetsk et de Louhansk, la SMM a vu 13 chars près d’une zone résidentielle de Karlivka (25 km au nord-ouest de Donetsk), huit obusiers remorqués, dont quatre dans une zone résidentielle de Novotroitske (36 km au sud-ouest de Donetsk), ainsi que quatre systèmes de missiles sol-air et deux canons antichars remorqués. Dans les zones non contrôlées par le gouvernement de la région de Donetsk, le SMM a vu deux systèmes de missiles sol-air et huit obusiers tractés, dont quatre se déplaçaient vers le sud sur la route T-0508 près de Bessarabka (85km au sud de Donetsk), dans une zone à l’intérieur de laquelle le déploiement d’armements lourds et d’équipements militaires est en outre proscrit selon le point 5 du Mémorandum du 19 septembre 2014.

La SMM a vu cinq véhicules de combat blindés dans les zones contrôlées par le gouvernement de la région de Donetsk, dont un dans une zone résidentielle, et un système antiaérien automoteur près d’une zone résidentielle, ainsi que huit véhicules de combat blindés dans les zones non contrôlées par le gouvernement des régions de Donetsk et de Louhansk, dont deux près de Novomykhailivka (52 km au sud de Donetsk), dans une zone à l’intérieur de laquelle le déploiement d’armements et d’équipements militaires lourds est proscrit conformément au point 5 du Mémorandum du 19 septembre 2014.

La carte montre les violations du cessez-le-feu en couleurs jaune, orange à rouge. Les plus nombreuses apparaissent du côté des républiques de Donbass. La source de la plupart des violations du cessez-le-feu, comme les bruits de tirs ou d’explosions enregistrés par les caméras, les drones ou entendus par les observateurs, est répertoriée comme « indéterminée« .

La carte montre des explosions, sous forme de petits points noirs, des deux côtés de la ligne de cessez-le-feu. Si seule une partie des centaines d’explosions ont été localisées et marquées sur la carte, le décompte des points noirs montre que la grande majorité d’entre elles se sont produites du côté des républiques du Donbass. Je compte 68 impacts marqués du côté de Donbass et 34 du côté de la ligne de cessez-le-feu contrôlée par le gouvernement.

Il ne s’agissait plus d’un duel d’artillerie ou d’un tir de harcèlement. D’un point de vue militaire, cela ressemble à des préparatifs d’artillerie pour une attaque le long de routes qui pourraient ensuite être utilisées comme futures lignes d’attaque par une force mécanisée.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

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