Les médias continuent de rapporter des déclarations telles que « des responsables du gouvernement des Etats Unis disent que », même lorsqu’il s’agit de mensonges évidents


Par Moon of Alabama – Le 25 octobre 2022

En avril dernier, il a été largement rapporté que le gouvernement américain mentait intentionnellement sur la guerre en Ukraine :

En rupture avec le passé, les États-Unis utilisent les renseignements pour mener une guerre d’information contre la Russie, même lorsque les renseignements ne sont pas solides comme le roc – 6 avril 2020 – NBC News

C’est une affirmation qui attire l’attention et qui a fait les gros titres dans le monde entier : Des responsables américains ont déclaré avoir des indices suggérant que la Russie pourrait se préparer à utiliser des agents chimiques en Ukraine.

Le président Joe Biden l’a ensuite déclaré publiquement. Mais trois responsables américains ont déclaré cette semaine à NBC News qu’il n’y avait aucune preuve que la Russie ait apporté des armes chimiques près de l’Ukraine. Ils ont déclaré que les États-Unis avaient publié ces informations pour dissuader la Russie d’utiliser ces munitions interdites.

C’est l’un des nombreux exemples que l’administration Biden rompt avec les récents précédents en publiant des renseignements déclassifiés dans le cadre d’une guerre de l’information contre la Russie. L’administration agit de la sorte même lorsque les renseignements ne sont pas irréprochables, afin de déstabiliser le président russe Vladimir Poutine. Coordonnés par le Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, ce genre de communiqués issus de renseignements ont été si fréquents et si volumineux que les agences de renseignement ont dû consacrer davantage de personnel au processus de déclassification, pour épurer l’information afin de ne pas trahir les sources et les méthodes.

Bien qu’ils sachent que les responsables du gouvernement américain leur mentent, les “journalistes” des principaux médias américains continuent de rapporter ces affirmations “pas très solides” comme des faits.

Le New York Times parle de la région de Kherson, dans le nord du pays, où de nouveaux déploiements de troupes russes empêchent une attaque ukrainienne prévue depuis longtemps :

Ils ne se préparent pas à sortir maintenant“, a déclaré le général Kyrylo O. Budanov, chef du service de renseignement militaire ukrainien, dans une interview avec un média ukrainien, Ukrainska Pravda, publiée lundi. “Ils se préparent à se défendre“.

Ils créent l’illusion que tout a disparu“, a déclaré le général Budanov. “En même temps, au contraire, ils y font entrer de nouvelles unités militaires et préparent les rues de la ville à la défense.”

La perte de Kherson serait un coup militaire et symbolique sévère pour Poutine, qui a rejeté les demandes de ses commandants pour qu’ils soient autorisés à se retirer de la ville.

Un coup d’œil à la carte remet immédiatement en question cette dernière affirmation.

Le nord de la région de Kherson, sur la rive droite du Dniepr, est une rampe de lancement stratégique qui permet des attaques futures dans plusieurs directions – Mykolaiv, Odessa, Kryvy Rih, Nikolaiev, Dnipro et au-delà. Aucun officier ayant appris un minimum l’art de la guerre ne voudrait renoncer à une position aussi stratégique. C’est pourquoi l’affirmation selon laquelle les commandants ont demandé une retraite de cette zone me paraît manifestement fausse.

Un clic sur le lien fourni par le New York Times pour appuyer son affirmation me convainc qu’elle est fausse :

Selon des responsables américains, le président russe Vladimir V. Poutine s’est impliqué plus directement dans la planification stratégique de la guerre en Ukraine ces dernières semaines, rejetant notamment les demandes de ses commandants qui souhaitaient être autorisés à se retirer de la ville stratégique de Kherson, dans le sud du pays.

Un retrait de Kherson permettrait à l’armée russe de se replier sur le Dnipro de manière ordonnée, en préservant son équipement et en sauvant la vie des soldats.

Le rapport de la mi-septembre cité ci-dessus ne fournit aucune preuve que l’affirmation de ces “responsables américains” repose sur autre chose que de la fantaisie. Il s’agit simplement d’une affirmation, probablement fausse, de responsables américains.

Dans un article actuel du Washington Post, des responsables américains font une affirmation similaire mais différente qui, là encore, est probablement fausse :

L’homme de confiance qui s’est récemment épanché auprès du président russe Vladimir Poutine sur la façon dont son armée gère la guerre en Ukraine était Yevgeniy Prigozhin, le fondateur d’un groupe de mercenaires russes qui joue un rôle essentiel pour Moscou sur le champ de bataille en Ukraine, selon deux responsables américains familiers de la question.

Les critiques de Prigozhin font écho à ce qu’il dit publiquement depuis des semaines, ont déclaré les responsables, sous couvert de l’anonymat pour discuter de renseignements sensibles. Mais le fait qu’il se soit senti à l’aise pour partager une critique aussi sévère de l’effort militaire russe avec Poutine dans un cadre privé montre à quel point son influence augmente alors que la guerre de Moscou s’essouffle.

Le Washington Post a précédemment rapporté qu’un initié russe avait personnellement confronté Poutine pour souligner la mauvaise gestion de l’effort de guerre, mais n’a pas nommé cette personne. Le Post a indiqué que l’échange avait été jugé suffisamment important pour être inclus dans le briefing quotidien des services de renseignement fourni au président Biden.

La frustration de Prigozhin à l’égard du ministère russe de la Défense et sa tension croissante avec le ministre russe de la Défense, Sergei Shoigu, font également l’objet d’un rapport distinct des services de renseignement américains qui a circulé parmi les responsables à Washington, selon des personnes qui ont lu le dossier.

Les services de renseignement américains affirment donc que Prigozhin et Poutine ont récemment eu une réunion au cours de laquelle Prigozhin a exprimé sa colère. Comment les USA peuvent-ils savoir ça ? Ont-ils des micros à l’intérieur du Kremlin ? Y a-t-il une taupe au sein de l’administration de Poutine qui lui sert son thé ? Je ne le pense pas.

Dans le 11ème paragraphe, le Post dit enfin que Prigozhin lui-même nie fermement toute rencontre récente avec Poutine ainsi que toute “mise à l’écart” :

Prigozhin a nié tout contact personnel récent avec Poutine dans des commentaires faits au Washington Post tard lundi par son service de presse.

Premièrement, je n’ai pas communiqué personnellement avec Vladimir Vladimirovitch Poutine, que ce soit récemment ou dans un avenir prévisible. Je n’ai pas critiqué la gestion des forces armées de la Fédération de Russie pendant le conflit en Ukraine. Par conséquent, je ne peux rien commenter“, a-t-il déclaré, ajoutant qu’il n’avait pas le droit de critiquer ou de louer le travail des forces armées russes puisqu’il n’était pas un expert militaire.

Cette déclaration me semble plus vraisemblable que toutes les affirmations de ces responsables américains anonymes.

Alors pourquoi les responsables américains inventent-ils de telles absurdités ?

NBC News et d’autres médias nous disent pourquoi :

L’administration a agi de la sorte même lorsque les renseignements n’étaient pas irréprochables, selon les responsables, afin de déstabiliser le président russe Vladimir Poutine.

Bien entendu, ce n’est pas la vraie raison. Poutine est un professionnel. Il sait quelles demandes ses commandants ont fait ou n’ont pas fait. Il sait qu’il n’a pas rencontré Prigozhin.

La véritable fonction de ces fausses affirmations est de projeter l’image d’une Russie faible, de tromper le public américain afin de maintenir le soutien à la guerre par procuration des États-Unis contre la Russie. Cela peut fonctionner ou pas. Mais tant que les “journalistes” sont disposés à écrire de telles inepties, cela ne coûte rien aux “responsables américains” qui les produisent.

Ils n’arrêteront d’inventer de la merde que lorsqu’on leur en fera la remarque.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone

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