Les attentats de Paris : qui est le commanditaire ?

ParAhmed Rajiv – Le 15 novembre 2015 – Source South Front

South Front : notre contributeur en matière d’analyse et de renseignement, Ahmed Rajiv, nous propose un point de vue de gauche sur les attentats de Paris.

Des gens déposent des gerbes de fleurs devant l’ambassade de France à Londres. Crédit photo : Chris Ratcliffe / Getty Images

De nombreux commentateurs politiques ont affirmé que l’Occident mène une politique de Gribouille au Moyen-Orient. Mais ce n’est pas tout à fait vrai. Cette politique apparamment brouillonne vise à créer une situation où il apparaît justifié de mener une guerre de grande ampleur au Moyen-Orient pour s’emparer des richesses naturelles et renforcer son rayon d’action géopolitique, pour que personne à l’avenir ne puisse oser réclamer sa part. L’Occident a déjà provoqué des destructions en ce sens au Moyen-Orient et maintenant il fait de même sur son propre sol, là où ses dirigeants et ses multinationales sont en sécurité, mais pas ses citoyens.

Le terrorisme, que l’on prend à tort pour du terrorisme islamique, a été créé et soutenu par les agences de renseignement occidentales dans leur lutte contre l’Union Soviétique, durant les années 80. Les services occidentaux avaient compris que cette forme particulière de terrorisme pouvait se répandre, beaucoup plus qu’une autre idéologie dans le monde, parce qu’il trouvait une forte résonance dans des sociétés musulmanes en forte expansion démographique. Aussi, après avoir recueilli les fruits de la guerre soviéto-afghane, l’Occident a commencé à utiliser ce soi-disant terrorisme islamique pour atteindre ses propres buts géopolitiques dans les régions du monde qui l’intéressaient.

Nous avons vu comment l’Occident s’est servi de la terreur signée Oussama Ben Laden et al-Qaëda pour s’emparer de l’Afghanistan, y créer des divisions et ainsi, s’ouvrir des marchés et s’assurer des gains géopolitiques et pétroliers. La guerre directe contre l’Irak, puis par bandes interposées en Syrie, les révolutions de couleur et l’assassinat de dirigeants nationaux dans plusieurs pays du Moyen-Orient ont eu comme conséquence la multiplication d’extrémistes contre les valeurs occidentales et les idéologies. C’est une politique mondiale parfaitement pensée, qui leurre gens, et permet de mener une guerre d’occupation en évitant l’accusation de fascisme.

Cette année, plus d’un million de Syriens et d’autres Arabes ont fui vers l’Europe, en particulier vers l’Allemagne et l’Autriche, avec l’aide de l’Occident. La Chancelière allemande et d’autres décideurs politiques ont approuvé cette immigration massive pour s’établir en Europe, qui répond aux besoins des multinationales occidentales et des classes dirigeantes. On a dit que, parmi ces migrants, se dissimulaient des milliers de terroristes entraînés. Alors, l’Occident a créé l’arme des migrants déjà arrivés en Europe pour commencer des attaques terroristes sur les civils, ceux-là même, ironie du sort, qui paient leurs impôts au gouvernement pour leur sécurité et leur bien-être. En d’autres termes les Européens paient des impôts pour mettre leurs vies en danger. Ce qui est inévitable, quand les multinationales voient les gens comme des consommateurs, et non comme des êtres humains.

Ce système bien rodé au Moyen-Orient a parfaitement servi les intérêts occidentaux, jusqu’à ce que la Russie entre à son tour dans la guerre. L’Occident a vu alors une menace redoutable, qui risquait de faire capoter sa stratégie de domination totale du Moyen-Orient. Le gouvernement syrien était le seul obstacle, et le Président Assad avait réussi à se maintenir, malgré de nombreuses tentatives de renversement de la part de l’Ouest et de ses alliés locaux. Du coup, les hommes de main de l’Occident, ceux que l’on appelle terroristes et éventuellement rebelles modérés en Syrie et en Irak perdirent du terrain dès le premier mois de l’intervention aérienne russe opérant avec les forces militaires syriennes et leurs alliés. C’était une avancée contre les positions tenues par les vassaux de l’Ouest au cœur du Moyen-Orient. Notez bien que, dès que les Occidentaux ont compris la défaite de leurs vassaux, ils se sont empressés de mener des actions diplomatiques pour aboutir à la paix dans le dossier syrien [ils ont plutôt répondu favorablement à une proposition russe d’actions diplomatiques, qu’ils avaient toujours refusée auparavant, NdT].

Le mois dernier, il y a eu une grande conférence à Vienne où 19 participants ont discuté de la question syrienne. Et deux jours après, nous avons vu cette catastrophe aérienne en Égypte, où 224 citoyens russes sont morts. Quelques jours plus tard, plusieurs services de renseignement ont affirmé que l’avion avait une bombe à bord. Et donc, en apparence, l’accord de Vienne n’a pas marché. Si l’accord avait été conclu, personne n’aurait déposé de bombe dans un avion. Comme M. Poutine le dit du double jeu de l’Occident : vous voyez ici la duplicité de l’Occident, qui signe un accord et provoque les destructions par des agents infiltrés. En abattant cet avion, l’Ouest envoie le message à la Russie que seul lui décidera de l’avenir du Moyen-Orient, et que les Russes doivent abandonner.

Venons-en maintenant aux massacres perpétrés à Paris. Pour ceux qui se rappellent des attaques commises à Bombay [en Inde, Ndt] en 2008, il y a un point commun entre ces deux attaques. Ils étaient huit à Bombay , armés de AK-47 , mais ne portaient pas de vestes bourrées d’explosifs. Les assaillants à Paris avaient en plus ces vestes-suicide pour une stratégie du tuez-en le plus possible, et donc l’effet de terreur et de panique a joué à plein. Donc ces attaques présentent des similitudes, mais aussi peu de liaisons politiques. D’un autre côté, après cet tuerie horrible de plus de 150 personnes, les grandes puissances ont toutes surenchéri dans les déclarations. Le Président américain a dit que « c’est une attaque contre toute l’humanité et les valeurs universelles que nous partageons, et nous nous tenons prêts à fournir toute assistance dont le peuple français aurait besoin ». Le Président français a dit, lui, que c’était un acte de guerre de État islamique et il a appelé à organiser la riposte. Le Premier ministre israélien, M. Netanyahou, a déclaré : « Israël se tient épaule contre épaule avec le Président français M. François Hollande et avec le peuple de France dans notre combat commun contre le terrorisme ». Le Premier ministre britannique, M. David Cameron a conclu « nous sommes avec vous ».

On peut facilement prédire, d’après les remarques précédentes, que l’Occident va relancer la guerre à outrance contre le soi-disant État islamique, en intervenant en Iraq, en Syrie et partout ailleurs au Moyen-Orient, sous le drapeau de l’Otan. Et à nouveau, l’Occident se passera de l’approbation du Conseil de Sécurité de l’ONU. Ainsi, les attentats de Paris ont donné à l’Ouest la justification morale et l’idée d’un consensus général pour une intervention de grande ampleur en Irak et en Syrie. La prochaine campagne de l’OTAN sera similaire à la campagne «Shock and Awe» [frapper et terroriser, NdT] à laquelle nous avions assisté lors de l’invasion américaine de l’Afghanistan. Comme il n’y a pas de place en géopolitique pour l’émotion et les valeurs morales, ces plans occidentaux de « mettre le chaos et occuper le terrain » ne vont pas faire douter les élites ni les atlantistes, mais ils vont créer une crise existentielle pour la population dans certains pays, qui suivent des valeurs culturelles et religieuses différentes.

La guerre à venir, que les forces de l’Otan vont mener contre la terreur, va changer la situation géopolitique actuelle du Moyen-Orient. Cette guerre aura pour objectif de faire étalage d’encore plus de puissance militaire que la Russie pour ré-établir un solide contrôle militaire sur certains points-clés, et pour qu’ainsi les pouvoirs régionaux acceptent la suprématie militaire occidentale. La prochaine guerre de l’Otan contre la terreur devra aussi repousser l’Iran par tous les moyens, pour que l’Occident puisse installer son propre fantoche qui lui bradera tous les intérêts nationaux, sans en référer au peuple. D’un autre côté, l’évolution des BRICS et des autres blocs économiques et politiques indépendants sera indéfiniment entravée. Les puissances qui ont une certaine influence, et celles qui voudraient l’avoir (la Turquie et l’Inde), dans les différentes régions du monde, paieront leur allégeance à l’Occident en envoyant des troupes et des armes au Moyen-Orient. Et donc, les attaques de Paris vont aider l’Occident à atteindre ses ambitions géopolitiques au Moyen-Orient, bien mieux qu’auparavant. Malheureusement, il y aura plus de morts dans le désert du Moyen-Orient et dans les rues des villes européennes, mais les élites mondiales, elles, demeureront à l’abri.

Ahmed Rajiv

Traduit par Ludovic, édité par jj, relu par Literato pour le Saker Francophone

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