Les arrestations de militants des droits de la femme en Arabie Saoudite montre le vrai visage du prince Salman.


Le 22 mai 2018 – Sputnik News

Au moins une douzaine de militants reconnus des droits des femmes − dix femmes et deux hommes − ont été arrêtés en Arabie saoudite au cours des derniers jours, six semaines seulement avant la levée de l’interdiction de conduire pour les femmes. Les militants sont accusés d’avoir « formé une cellule qui menace la sécurité saoudienne », selon le gouvernement.

L’Arabie saoudite a des lois extrêmement restrictives qui régissent la vie des femmes et réduisent leur autonomie. « En vertu du système de tutelle masculine discriminatoire de l’Arabie saoudite, explique Human Rights Watch, chaque femme doit avoir un tuteur masculin − un père, un frère, un mari ou même un fils − qui a le pouvoir de prendre une série de décisions critiques en son nom. Les femmes doivent obtenir l’approbation d’un tuteur pour demander un passeport, voyager à l’étranger, étudier à l’étranger grâce à une bourse du gouvernement, se marier ou même sortir de prison. »

Depuis avril 2017, le prince héritier, Mohammed bin Salman, a pris plusieurs décisions pour mettre fin à de nombreux aspects de cette tutelle masculine, notamment enjoignant aux organismes gouvernementaux de ne pas interdire aux femmes d’accéder à des services qui n’exigent pas explicitement le consentement d’un tuteur masculin, dont la directive la plus célèbre est le décret royal de septembre 2017 qui permet aux femmes d’obtenir un permis de conduire sans consentement masculin et de conduire sans être accompagnées d’un tuteur masculin, décret devant être mis en œuvre le 24 juin 2018, a rapporté le Guardian.

Ali al-Ahmed, directeur de l’Institute for Gulf Affairs, s’est entretenu avec Loud & Clear de Radio Spoutnik sur ce développement et ce qu’il signifie pour l’image, si populaire en Occident, d’un Salman réformateur.

« C’est un dictateur, un despote (…) tout le monde est en prison, les seuls qui restent dehors sont les militants des droits des femmes les plus souples… Ce genre de mentalité ne permet pas la plus petite [quantité] de dissidence ou de divergence d’opinion », explique Ahmed à ses hôtes, John Kiriakou et Brian Becker. « Ceci dit  pour vous montrer le vrai visage de l’Arabie Saoudite et le vrai visage du prince héritier saoudien. »

« Ce n’est pas une surprise pour moi », remarque Ahmed. « Ce fut une surprise, peut-être, pour certaines personnes en Occident, un embarras pour les Thomas Friedman de ce monde (…) qui qualifient ce gars de révolutionnaire. C’est dégoûtant d’appeler ce type un réformateur. C’est encore plus dégoûtant de l’assimiler à des réformateurs qui ont réellement changé les choses (…) comme [l’ancien président de l’Égypte]. Gamal abd al-Nasser. »

« Des comptes twitter saoudiens ont publié les numéros de téléphone de ces militants, les traitant de traîtres, ce qui équivaut fondamentalement à une peine de mort en Arabie saoudite, nous dit Ahmed. Les journaux saoudiens les qualifient d’espions, c’est une peine de mort. »

Ahmed nous explique ensuite comment Twitter a été complice de l’agenda du gouvernement saoudien, y compris comment ils avaient fermé beaucoup de comptes de ces réformateurs, même ceux « qui n’avaient aucun follower ».

« Twitter a effacé plus de 300 hashtags créés par ces activistes − #EndofGuardianship 1,2,3, [ #Fin du gardiennage, NdT] et caetera − mais n’a pas fermé les comptes twitter saoudiens qui diffusent les informations personnelles des réformateurs… personne d’autre que Twitter ne peut effacer un hashtag. »

Le hashtag #AbolishGuardianship [#Abolir le gardiennage, NdT] a été lancé en juillet 2016 par des militantes saoudiennes, a rapporté le Guardian, une méthode d’organisation efficace, considérant que 40% des 6,3 millions d’utilisateurs Twitter du pays sont des femmes.

Kiriakou a bien perçu la situation dans ce récit sur une prétendue réforme, en attirant l’attention sur certains détails particulièrement odieux de cette répression. « La loi sur la conduite automobile féminine est censée changer dans six semaines − elle a été annoncée en Occident comme un incroyable bond en avant pour les droits civiques en Arabie Saoudite − et puis maintenant toutes les femmes les plus importantes de ce mouvement ont été arrêtées, l’une d’entre elles a même 70 ans. »

« Deux, en réalité : Aziza al-Yousef et Aicha al-Manea » précise Ahmed.

« On entend des bruits forts disant que la question de la levée de l’interdiction de conduire pour les femmes sera retardée », nous confie Ahmed. « C’est très habituel en Arabie saoudite ; ils l’ont fait pour l’autorisation de vote des femmes, ils l’ont retardé de six ou sept ans, de sorte que nous pourrions encore le voir avec l’excuse que les choses ne sont pas prêtes, les lois ; ils y trouveront des excuses. »

Becker se souvient de la visite de Salman aux États-Unis, longue de deux semaines et demie en mars dernier. « Quand Mohammad bin Salman était ici, il est venu à Harvard, il a été accueilli par le MIT, Dreamworks, Oprah, etc. C’était une déclaration d’amour pour ce ‘grand réformateur’, le même qui met tous ces gens en prison. »

Salman a travaillé dur pour vendre sa « Vision 2030 » d’une transformation économique et sociale de l’Arabie saoudite, mais il est également venu, comme l’a noté CNBC, avec une « liste d’achats de matériel de guerre », ayant déclaré, par exemple, sa volonté ouverte d’obtenir des armes nucléaires si le pays rival, l’Iran, en obtenait, et cherchant des réacteurs nucléaires à double usage auprès de l’administration Trump pour une telle éventualité. « Il n’aspire à aucune grandeur morale », remarquait CNBC.

Friedman, le chroniqueur des affaires étrangères du New York Times, a écrit un panégyrique sur Salman, en novembre 2017, dans lequel il louait le prince héritier pour ce qu’il appelle « le processus de réforme en cours le plus important au Moyen-Orient ». Friedman a apparemment été courtisé par MBS après que celui-ci a « arrêté des dizaines de princes et d’hommes d’affaires saoudiens pour corruption… jusqu’à ce qu’ils acceptent de renoncer à leurs gains mal acquis ». Après avoir décrit des réformes aussi tièdes que la numérisation des manuels scolaires et l’autorisation des concerts de Toby Keith (tous masculins, bien sûr), Salman, fait-il remarquer, est un homme « dont le plus grand péché est peut-être qu’il veut aller trop vite ».

« Il se trompe sur tout », dit Becker à propos de Friedman.

Bien sûr, Friedman met de l’eau dans son vin obséquieux en notant que « la perfection n’est pas au menu ici ».

Je pense qu’il faudrait insister sur ce point.

Sputnik News

Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.

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