Le sommet de l’arrogance


Par Claudia Wangerin – le 22 mai 2015 – Source Junge Welt

Barrières contre les pauvres et les protestataires, extension de leur sphère d’influence : les chefs des États du G-7 savent à quoi sert cette clôture autour du château d’Elmau. Michael Dalder/Reuters

Au château d’Elmau, dans les Alpes, les chefs d’État du G7 devront prendre la responsabilité du monde entier et de son avenir. Merkel défend l’exclusion de la Russie.

Selon un communiqué du gouvernement, la chancelière Angela Merkel (CDU) veut  beaucoup plus qu’une diplomatie de crise aiguë» lorsqu’elle participera, en juin prochain, au sommet du G7 avec les chefs d’État des États-Unis, du Canada, de la Grande-Bretagne, de la France, de l’Italie et du Japon, qui se tiendra à Elmau, en Haute-Bavière. Dans le même souffle, la chancelière a défendu jeudi à Berlin l’exclusion de la Fédération de Russie à la réunion des plus grands pays industriels dans ce qui se nommait alors le G8. «Tant que la Russie n’agit pas en conséquence, son retour dans le format du G8 est inconcevable pour nous», a déclaré Merkel en se référant à la crise ukrainienne et à la sécession de la Crimée, pour laquelle une grande partie des habitants majoritairement russophone de la presqu’île ont voté en 2014 lors d’un référendum populaire. Suite à cette «annexion contraire au droit international», le président russe Vladimir Poutine doit rester en dehors.

L’expression diplomatie de crise signifie cependant, en général, que les représentants des parties adverses cherchent à trouver des solutions par la négociation afin d’éviter une escalade débouchant sur une issue claire, où il n’y aurait, dans le pire des cas, que des perdants. Mais Merkel pense que les chefs d’État et de gouvernement du G7 prendront, lors de la rencontre des 7 et 8 juin, et compte tenu du grand nombre de crises comme celle de l’Ukraine ou au Moyen-Orient, «leur responsabilité sur la scène internationale», lorsqu’ils se retrouveront entre eux dans l’hôtel fortifié du château. C’est moins de la diplomatie que «de la diplomatie de crise aiguë».

Le chef du parti Die Linke Gregor Gysi a critiqué cette position, arguant que la Russie, puissance dotée du droit de véto au Conseil de sécurité de l’ONU et puissance nucléaire, ne pouvait pas être isolée. «Pourquoi n’avez-vous pas eu le cran d’inviter Poutine?, a-t-il demandé jeudi à la chancelière. Le G7 ne peut pas remplacer les Nations unies pour faire la politique mondiale, car c’est le monde financier international qui détermine ce qui se passe là-bas.»

Merkel avait en outre déclaré, que les membres du G7 devaient «prendre la responsabilité de l’avenir». A ce propos, elle a invoqué l’exemple de l’engagement pour un accord mondial sur le climat, qui doit être conclu à la fin de l’année à Paris. Déjà lors du sommet du G8 à Heiligendamm en 2007, Merkel avait fièrement annoncé la prétendue percée en matière de politique climatique : on s’était mis d’accord pour «prendre sérieusement en considération» une division par deux des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050. Reste à voir s’il y aura, cette fois-ci, des formulations plus contraignantes.

Jeudi, la chancelière a souligné que le cadre politique de l’Accord transatlantique de libre-échange TTIP, violemment critiqué par les défenseurs de l’environnement, devait être fixé d’ici à la fin de 2015. Un renforcement du libre-échange exige naturellement en même temps une meilleure application des normes sociales et écologiques dans les chaînes d’approvisionnement internationales, selon Merkel. Une attitude voulant le beurre et l’argent du beurre, que les opposants au TTIP tiennent pour des gesticulations vides de sens, car le TTIP prévoit, dans son cœur même, des droits pour les sociétés internationales d’attaquer les États en justice si leurs bénéfices légitimes sont potentiellement affectés par des décisions gouvernementales. Les intérêts des investisseurs opposés à ceux des différents États seront donc débattus devant des tribunaux d’arbitrage. Comme pilule tranquillisante, Merkel a promis de s’engager à ce que les victimes des usines textiles effondrées au Bangladesh il y a deux ans [plus de 1 000 morts, NdT] , ainsi que leurs familles, soient «enfin intégralement dédommagées».

Traduit par Diane, relu par jj pour le Saker Francophone

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