Le péché originel, un mythe dont le temps est écoulé


Par Julian Rose – Le 31 mars 2016 – Source WakingTimes

Adam and Eve Apple

De toutes les tromperies sorties de l’humanité au cours des âges, le péché originel est probablement le plus dévastateur. Pourtant, c’est un grand succès du point de vue des auteurs.

Presque partout où la doctrine du christianisme a forgé sa mission zélée de conversion des masses, le péché originel l’accompagnait. Imposer la raison d’être de la culpabilité sur d’incalculables millions de gens à l’esprit ouvert, leur a sans aucun doute fait penser qu’ils recevaient un message d’émancipation et de lumière.

Pas si vite mes amis, vous receviez en fait un message à peu près aussi sombre que les ténèbres peuvent l’être !

L’extraordinaire puissance d’un message, correctement formé, emballé et médiatisé, est une chose dont nous avons tous beaucoup appris durant ces dernières décennies. «Le moyen est le message» a déclaré Marshall McLuhan en 1964. Et cet édit pourrait facilement tenir lieu de vérité, quand les premiers textes bibliques ont fait savoir qu’un homme appelé Adam et une femme appelée Ève ont fait prendre à toute la race humaine un très mauvais départ… à partir duquel il semble qu’elle ne se soit jamais remise.

Cependant, la raison pour laquelle elle a pris un mauvais départ et n’a toujours pas réussi à se remettre complètement, ne peut être mise sur le dos d’Adam et Ève, comme nous le verrons, mais se trouve carrément à l’origine d’un complot magistral pour falsifier ce qui est en fait une histoire efficace de l’émancipation humaine et d’intime conviction.

Cette race humaine à laquelle se réfère le texte biblique a été mise en route par un bang de départ, tiré par quelqu’un qui ne voulait pas que quiconque participant à cette course puisse réellement gagner. Il ou elle, ou ça, voulait seulement des perdants ; et c’est à peu de choses près ce qu’ils ont obtenu.

Vous voyez ce que je veux dire par un succès ?

L’histoire est la suivante : il n’y avait que deux êtres humains sur cette planète au moment où le bang de départ a été tiré. Il y avait un beau jardin aussi, et dans ce beau jardin se trouvaient ces deux humains : un homme appelé Adam et une femme appelée Ève, et il y avait aussi un pommier (plein de fruits) et un serpent.

Dans le mythe qui suit, Dieu fait comprendre à Adam qu’il peut faire ce qu’il veut dans ce jardin sauf «manger le fruit de l’arbre de la connaissance». Mais bon, étant humain, et ayant été gratifié d’un libre arbitre par rite divin, il ne voit pas vraiment la logique dans cet ordre venu d’en haut. Le serpent semble d’accord avec lui à cet égard et, d’une manière ou d’une autre, il tente Ève avec cette grosse pomme juteuse et elle en prend une bouchée avant de l’offrir à Adam.

«Et alors il mangea. Et leurs yeux à tous deux furent ouverts, et ils surent qu’ils étaient nus; et ils ont cousu des feuilles de figuier, et s’en firent des tabliers.» Ils étaient, nous sommes, honteux et informés. Les deux ensembles, en raison d’une action interdite et de s’être révélés à eux-mêmes comme nus.

Et c’est autour de cette infâme action, avoir mangé le fruit – un acte que la plupart d’entre nous auraient probablement commis par simple curiosité – que des millénaires de honte et de culpabilité chrétienne ont eu leur origine.

Voici où une souffrance irrationnelle omniprésente, au sujet de notre condition physique naturelle, trouve ses origines. Là où nos parties privées se sont privatisées, où les plaisirs naturels de l’intimité physique ont été inversés par la culpabilité : à moins, bien sûr, que ce qu’on appelle l’Église de Dieu n’autorise de tels actes, via le mariage formel dans un lieu de culte chrétien.

Une pléthore de «tu ne feras point» fut bientôt mise sur le dos de ce qui était essentiellement un acte original de désobéissance civile courageux de la part d’Adam et Ève : le refus de se laisser intimider par une autorité apparemment plus élevée.

Oui, en regardant plus profondément dans cette infâme histoire, nous voyons qu’Adam et sa complice Ève ont fait quelque chose de très spécial, dans ce jardin d’Éden. Leur action, lorsqu’elle est vue d’une manière libérée de la réponse conditionnée typique, ressemble beaucoup à un pas de géant pour l’humanité. Quelque chose que Neil Armstrong a été sommé de dire, en sortant d’une capsule lunaire en papier mâché, construite et filmée dans les studios Pinewood, à Londres en 1969.

Mais le mythique Adam ne simulait pas, alors qu’Armstrong travaillait au nom de ceux qui adorent un dieu appelé technologie. Lui et sa mythique Ève ont conspiré pour lancer un grand bal à travers les âges, qui permettrait un jour à l’homme d’acquérir une connaissance réelle, une indépendance réelle et une vraie conscience de soi. Sauf, bien sûr, que ce fut la dernière chose que les manipulateurs de cette histoire voulaient.

En examinant davantage le symbolisme de cette histoire, on peut reconnaître que manger la pomme de l’arbre de la connaissance a ouvert les yeux de cet homme et de cette femme sur le fait qu’ils étaient bien équipés pour prendre leur destin en main et forger leur propre chemin dans la vie. Un chemin qui leur révélerait qu’ils ne sont pas seulement des sujets bons à être commandés selon la volonté de leur maître, mais qu’ils ont été bénis par ce cadeau unique : la capacité de penser et d’agir de façon créative et rationnelle. Et même de réfléchir sur leur propre condition et sur leur existence. Et, tout aussi contraire à l’interprétation classique, c’était en effet leur Créateur lui-même qui avait voulu qu’il en soit ainsi.

Parce que ce Créateur a ressenti la douleur de la solitude, et désirait avoir de la compagnie pour la grande quête de la vie. Mais pour avoir cette compagnie, ses Adam et Ève ont dû passer la première grande épreuve : celle de défier la fausse autorité et d’avoir l’audace de manger le fruit de l’arbre de la connaissance. Seulement alors, pourraient-ils commencer à devenir bâtisseurs avec Dieu et compagnons du Suprême, enflammant ce chemin inexploré, dont la direction n’est connue qu’en embrassant l’insécurité du processus de création. En saisissant ce mémorable saut dans l’inconnu, qui est la mère de toutes les grandes quêtes. Toutes les grandes aventures.

Cependant, le texte biblique, avec lequel nous avons tous été élevés, nous dit quelque chose de très différent. Il nous dit qu’Adam et Ève ont été chassés de ce jardin d’Éden, en raison de leur acte impardonnable et pécheur, et de leur désobéissance. Désobéissance à Dieu lui-même, pas moins. Ce qui eu pour conséquence leur honte : à la fois de leur nudité et de leur désobéissance.

L’Église, qui se considère comme le porte-parole de cette histoire biblique, nous dit que grâce à Adam et Ève, nous portons tous la honte à ce jour. Que nous devons payer le prix de ce péché originel et être humiliés par l’ampleur de cette erreur humaine. Une erreur d’une telle gravité supposée, qu’elle est connue depuis lors sous le nom de la Chute.

Dans cette traduction des histoires entourant certains événements clés de la préhistoire, l’homme tombe, avant même qu’il ait pu commencer à marcher – et tout ce qui suit est entaché par cette erreur prétendument tragique du jugement humain.

Qu’est-ce que cette Nudité symbolise vraiment?

C’est le moment où nous nous rendons compte que tout ce que nous pensions être une chose se révèle en fait être une autre. Beaucoup de choses nous échappent à cet instant. Nous devenons nus, parce que les vieux vêtements ne nous vont plus et les nouveaux doivent être tissés à partir de laine fraîche. C’est l’aube de la vraie connaissance. La connaissance qui nous rend conscients qu’il existe un état divin – et aussi une corruption de cet état. Et que les deux existent, à tout moment. Et que nous devons choisir notre chemin dans la vie sur la base de cette connaissance.

Le Jardin d’Éden est représentatif d’un potentiel essentiellement passif. Un potentiel encore non déclenché et immobile. Il fallait une étincelle pour mettre le tout hors tension. Et cette étincelle est venue quand Ève, qui était en communication subconsciente avec le serpent, cueillit cette pomme rouge et ronde et la croqua. Ce fut elle qui rompit le tabou de l’obéissance à l’autorité.

Qu’en est-il du rôle du serpent dans cette scène?

Le serpent est l’anima d’une énergie croissante. Le serpent Kundalini, enlacé autour de la colonne vertébrale (tronc) de l’arbre de la connaissance. Vous saisissez ? Lorsque le serpent a parlé à Ève, il était le mot. «Au commencement était le Verbe.» Cependant, ce mot n’était pas un mot réel, mais une vibration. Une impulsion. Une énergie dirigée de l’intérieur. Et cette énergie dit à Ève : «Fais-le». Et elle le fait. Son geste porte la marque des premiers frémissements d’une mission divine : l’agitation en mouvement de ce qui est fécond – mais encore incapable d’agir.

C’était la force du féminin sacré – qui a permis à Adam et Ève de devenir éveillés et de constater qu’ils n’étaient plus seulement des hippies innocents gambadant dans le jardin douillet de l’inconscient, ignorants et n’ayant pas fait face à la plus grande réalité de l’existence. C’est une prérogative que d’atteindre la connaissance du bien et du mal, pour ensuite démarrer sur cette voie d’une plus grande connaissance, quoiqu’il arrive !

Et qu’en est-il de l’Arbre ?

L’arbre lui-même est un symbole puissant de la croissance. Car il exprime extérieurement la manifestation d’une condition essentielle pour la propre évolution de l’homme : l’établissement des racines et le déploiement du tronc et des branches en un acte simultané. Un acte transmutable à nous, les humains, presque littéralement : qui commence au niveau du nombril, où le cordon ombilical nous a nourris dans le ventre, en se déployant simultanément vers le haut et le bas à partir de là.

Il a la grande qualité de pouvoir annuler l’option ou bien / ou bien qui marque une grande partie du côté sombre de notre éducation formelle. Le véritable développement humain, de l’esprit et du corps, est à la fois une racine pivotante dans les profondeurs et une couronne atteignant l’au-delà. Dans la même mesure. Toujours les deux à la fois, jamais seulement l’un ou l’autre.

Ainsi, l’arbre de la connaissance dans le jardin d’Éden n’est en effet que ça : un arbre de la connaissance. Il n’est pas l’arbre interdit, comme il est communément enseigné dans l’église chrétienne.

Alors pourquoi l’Église a-t-elle choisi de promouvoir ce facteur interdit ?

Parce que cette connaissance est capable d’exposer la tyrannie qui se trouve au cœur de l’esclavage humain. Une connaissance qui ne doit pas être autorisée à sortir, par peur de ses répercussions sur le système de contrôle qui était déjà en place, et duquel l’Église était – et reste à ce jour –  complice. L’ordre de ne pas goûter au fruit de l’arbre de la connaissance ne vient pas de Dieu, mais d’une autre force implacablement organisée contre tout ce qui est divin.

Comme l’histoire nous le dit : «Autour de son tronc est un serpent enlacé.» Depuis les temps anciens, ce serpent a été reconnu comme une source d’énergie particulière. En particulier, comme dit plus haut, dans les descriptions de la pratique Kundalini du Tantra Yoga. Il est l’énergie montante qui illumine, un par un, les sept chakras du corps humain, en se déplaçant le long de la colonne vertébrale – tout comme le serpent se déplace le long du tronc de l’arbre de la connaissance – réveillant (dans ce cas) la gloire succulente de la célèbre pomme. Une bouchée qui a mené Adam et Ève à un certain état de conscience.

Le serpent et l’arbre sont donc de puissants symboles – et les outils de l’illumination humaine.

Et le Jardin ?

J’ai déjà fait allusion à l’idée que le jardin est un lieu – ou une condition – qui reste intacte. En cela, il est un symbole de notre enfance. Un temps où nous n’étions pas encore conscients du karma historique et donc en mesure d’explorer librement tout ce qui se manifeste, à l’intérieur et en dehors.

C’est un endroit où l’on reste, comme dans le cas des règnes végétal et animal, dans un état de réponse instinctive aux énergies divines, avec encore peu ou pas de participation de la volonté individuelle.

Mais ce n’est pas le sort de l’homme et de la femme dans la vie. Ce n’est pas non plus la raison pour laquelle notre créateur a rendu manifeste un état de conscience, un état associé à l’utilisation du mental supérieur.

Pour activer ce mental supérieur, Adam et Ève ne pouvaient pas rester éternellement dans leur jardin d’enfance, mais avaient besoin de manger de l’arbre de la connaissance, reconnaissant ainsi le véritable défi qui les attendait. Le défi de passer de la sous-conscience inconsciente à la pleine conscience consciente. De l’enfance à l’âge adulte. Une route longue et sinueuse en effet ! Mais une route dans laquelle chaque étape porte avec elle une compréhension plus complète de notre plus grand rôle dans le plan divin.

C’est cette route du génie, que le poète anglais du XVIIIe siècle, William Blake, désignait quand il a écrit: «La route droite est une route de progrès, mais la route sinueuse est la route du génie.»

Et le Plan divin lui-même ?

Ah ! Nous ne sommes pas vraiment au courant de l’architecture complète du plan divin. Car il est un état d’être et en tant que tel, ne peut pas vraiment être décrit, seulement atteint, par l’application durable de l’intention véritable.

Cependant, je crois que nous pouvons reconnaître que, dit très simplement, notre Créateur se souvint de sa propre entrée en mouvement, grâce à ce qui manquait de mouvement ; et il voulait fêter cela, son anniversaire. Le jour où le mouvement est né.

Mais on ne peut pas célébrer un anniversaire sans la présence d’autres êtres empathiques avec qui partager l’occasion joyeuse. Donc, au commencement ce créateur était le plus heureux en ayant reçu la visite d’une énergie complémentaire, bien qu’opposée et profondément réceptive. Ce grand rassemblement d’énergies opposées mais profondément complémentaires fut d’une importance énorme : parce que de lui a émergé un état que nous appelons l’équilibre, le mouvement. Quelque chose qui va quelque part – avec une raison d’être. Non plus seulement un état encalminé de la fécondité.

Ce mouvement doit ses origines à une énergie féminine. Dans la mythologie indienne, cette force féminine est appelée Shakti, le principe féminin de Dieu. Dieu, dont l’omnipotence exprime le mariage consommé des principes créatifs et réceptifs, est donc double par nature. Mâle et femelle; femelle et mâle. Et tout, dans cet univers, est une expression de cette dualité. Tout ce qui vient à la vie vient à la vie grâce à la friction qui se manifeste par cette histoire d’amour extrêmement puissante et divine. Une histoire d’amour entre les deux composantes énergétiques d’une dualité primordiale et primitive. Le toujours présent Yin et Yang de l’existence.

Et ce que nous appelons la sexualité est en réalité sexe-dualité – l’acte consommé de l’union divine qui a donné naissance et rend manifeste ce que nous appelons la vie. Et peut-être le plus merveilleux et mystérieux de tout cela, est qu’une force omniprésente et omnipotente appelée amour a infusé et nourri ce grand acte primordial d’union dont nous sommes, nous-mêmes, l’expression. On pourrait même dire que cet amour a précédé celui que nous appelons le Créateur… mais ceci est une autre histoire dans notre passé profond et insondable !

Pour l’instant, il suffit de reconnaître qu’Adam et Ève, le jardin, l’arbre et le serpent, étaient tous des éléments essentiels pour relancer l’évolution de l’humanité – et en fait toutes les formes de vie sensibles. Nous pouvons maintenant affirmer plus clairement que le péché originel était précisément le contraire d’un péché. Ce fut la naissance de l’homme comme agent libre dans la poursuite du message intuitif divin qui nous conduit (ramène) à notre Créateur. Mais cette fois, comme êtres réalisés responsables – comme des dieux microcosmiques dans notre propre droit.

Puis le Créateur s’est grandement réjoui des résultats de cette union divine et nous accueillera à la Grande fête, qui ne peut arriver qu’au moment de notre participation, d’égal à égal, à sa divinité. Un événement vivement attendu par les semeurs de vérité – et très redouté par les épandeurs du mensonge.

Toutes les confusions entre la sexualité et les relations sexuelles découlent de cette distorsion appelée le péché originel. Notre sexualité, loin d’être quelque chose dont nous devrions avoir honte, est ce qui nous relie directement au Divin. C’est grâce – je le répète encore une fois – à cette glorieuse union entre deux pôles d’attraction mutuelle irrésistible – hommes et femmes – que cet univers est venu à la vie. Cette vie qui constitue le lieu de naissance de notre propre essence cosmique.

Il n’y a qu’une chose, exprimant une position extrême d’aliénation à cette vérité joyeuse, qui pourrait mettre en place un tel piège, sinistre et séparateur, pour l’humanité. Un piège qui, en proclamant la célébration de notre sexualité comme un péché, résumerait l’état de vérité inversée qui reste au cœur des rouages de nos sociétés occidentales étranglées.

Savoir quel est cette force, si habile à tordre la vérité en son contraire, est une autre histoire pour un autre article.

Pour l’instant, nous prenons plaisir à avoir remis le plan divin sur la bonne voie. Après nous être reconnectés aux racines de notre vraie nature et avoir trouvé que, loin d’avoir honte, nous sommes fiers d’aller de l’avant en toute connaissance de notre divinité innée.

Réjouissons-nous dans le fait que cette débâcle inoffensive, connue sous le nom de péché originel, a été correctement mise à jour comme étant un mythe de profonde division dont le temps est bel et bien terminé. Qu’il tombe en poussière, sous les rayons du soleil levant de l’ère du Verseau!

Julian Rose est l’un des pionniers de l’agriculture biologique au Royaume-Uni, activiste international et auteur. Contacter Julian à www.julianrose.info pour en savoir plus.

Traduit par Poolan Devi, vérifié par Wayan, relu par Diane pour le Saker Francophone

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