Si Trump est une si terrible menace pour la démocratie, pourquoi soutenir à nouveau Biden/Harris ?
Par Bill Astore – Le 6 décembre 2023
Je ne compte plus le nombre d’articles disant que la réélection de Donald Trump en 2024 représenterait la fin de la démocratie en Amérique. Que Trump instaurerait le fascisme, qu’il persécuterait et poursuivrait ses ennemis politiques, qu’il rassemblerait dix millions d’immigrés sans papiers et les expulserait, qu’il mettrait fin à l’Obamacare et détruirait le peu de progrès réalisés par les Démocrates en matière de protection de l’environnement. Et il annoncerait alors qu’il devient dictateur à vie.
Pourtant, si la réélection de Trump représentait vraiment un coup mortel pour l’Amérique, pourquoi le Comité Démocrate insiste-t-il tant sur le fait que le ticket impopulaire Biden/Harris est le meilleur et le seul moyen d’empêcher Trump de gagner ?
Prenons l’exemple de Joe Biden. S’il est réélu en 2024, il aura 82 ans et devra siéger jusqu’à l’âge de 86 ans. Joe Biden n’est pas un homme dans la fleur de l’âge, ni physiquement ni mentalement. Il n’inspire pas le vote des jeunes et n’est pas très attrayant pour les indépendants. Son soutien indéfectible à Israël, les chèques en blanc qu’il a émis, quel que soit le nombre d’innocents assassinés par Israël, ont contribué à faire chuter sa cote dans les sondages. Les Arabes-Américains, les Afro-Américains et d’autres groupes de votants s’intéressent davantage à Trump ou à des candidats tiers comme RFK Jr.
Biden est-il vraiment le meilleur candidat pour empêcher Trump de gagner en 2024 ?
Prenons l’exemple de sa vice-présidente, Kamala Harris. C’est une candidate qui polarise l’opinion et qui a un taux d’approbation fortement négatif. Elle n’est pas très compétente sur le plan politique. Elle n’inspire pas confiance en tant que successeur de Biden, la femme qui est à deux doigts de devenir présidente. Mme Harris est-elle vraiment la meilleure candidate à la vice-présidence pour empêcher Trump de gagner en 2024 ?
Le paradoxe est évident : Trump, me dit-on, représente le fascisme. La corruption. Le nihilisme. La fin de tout ce qui est noble et sacré. Pourtant, le ticket de rêve des Démocrates pour éviter un désastre total est, une fois de plus, Biden/Harris.
Si les responsables du Parti démocrate craignaient vraiment que Trump soit sur le point de les enfermer en prison dès le premier jour de son investiture, je suppose qu’ils feraient un peu plus d’efforts pour trouver des candidats plus vigoureux et plus convaincants que le couple Biden/Harris. Étant donné que le Comité Démocrate décourage activement des rivaux de se présenter contre Biden lors des primaires Démocrates, malgré l’impopularité croissante de Biden et son déclin mental et physique continu, je dois conclure que les Démocrates ne craignent pas tant une victoire de Trump.
La priorité numéro un du Comité Démocrate est de s’assurer qu’aucun challenger progressiste de renom ne soit autorisé à se présenter en 2024. Il semble que cette mission ait été accomplie. La deuxième priorité est de s’assurer que “rien ne changera fondamentalement” pour les élites du parti et les propriétaires et donateurs américains. Cet objectif est assuré, que Biden gagne ou perde. Si Biden gagne, le statu quo prévaudra. S’il perd et que Trump gagne, les Démocrates se présenteront une fois de plus comme les sauveurs de la démocratie contre le dictateur Trump, en récoltant les fonds nécessaires pour contrecarrer les excès habituels de la rhétorique de Trump et des Républicains de la droite dure qui ont leurs propres comptes à régler.
Le paradoxe consistant à présenter des candidats faibles (Biden/Harris) contre la prétendue menace existentielle de Trump 2.0 est ainsi résolu. Les Démocrates puissants ne craignent pas Trump ; ils ne s’inquiètent pas d’être rassemblés et envoyés au goulag. Ce qu’ils craignent vraiment, ce sont les progressistes au sein de leur propre parti et la possibilité qu’un candidat tiers convaincant comme RFK Jr. érode leur pouvoir.
Encore une fois, si les polémistes Démocrates croyaient vraiment que la réélection de Trump serait une catastrophe d’ampleur historique – la chute de l’Amérique et de la liberté et son remplacement par l’Amerika et la tyrannie – ne devraient-ils pas mettre en avant les meilleurs, les plus dynamiques, les plus populaires, les plus vigoureux et les plus charismatiques, pour défier Trump en 2024 ?
Il me semble que oui. Et dans ce cas, ce ne serait surement pas le couple Biden/Harris.
Bill Astore
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.