Par James Howard Kunstler – Le 27 mars 2017 – Source kunstler.com
Supposons qu’il y ait vraiment une classe pensante dans ce pays, si ce n’est pas trop politiquement incorrect de le dire, car cela implique qu’il existe une autre classe, peut-être plus grande, qui ne fonctionne que sur un certain niveau de cerveau limbique de manière impulsive et sous le coup de l’émotion. Personnellement, je crois qu’il y a une telle classe pensante ou, du moins, j’ai de vagues souvenirs de quelque chose comme ça.
Le phénomène saugrenu du trumpisme a envoyé cette classe faire un voyage vers une terre étrange de l’intellect, un lieu comme l’île perdue de King-Kong, où un monstre après l’autre sort du murmure marécageux pour menacer les frêles aventuriers humains. Personne de retour à la maison ne croirait les choses qui rampent là-bas : araignées géantes, reptiles gigantesques, aborigènes malveillants ! Est-ce qu’un seul humain délicat aurait survécu pour en ramener un spécimen à la maison ?
C’est le sentiment que j’ai, à écouter les arguments dans l’arène publique ces jours-ci, mais surtout de la part des gens précédemment identifiés comme de centre gauche, en particulier la faction organisée autour du Parti démocrate, avec laquelle j’étais aligné il y a longtemps (hélas, plus maintenant). La question principale semble être : qui est responsable de tous les troubles dans ce pays ? Leur réponse depuis mi-2016 : les Russes.
Je ne suis pas à l’aise avec cette hypothèse. La Russie a un PIB plus petit que celui du Texas. S’ils sont capables de projeter une telle influence sur ce qui se passe aux États-Unis, ils doivent avoir un esprit surnaturel ─ et peut-être est-ce le cas ─, mais cela soulève la question du motif. Qu’est-ce que la Russie peut de manière réaliste obtenir des États-Unis si Vladimir Poutine était le maître hypnotiseur que les Démocrates prétendent qu’il est ?
Pensez-vous que Poutine veut plus d’espace vital pour le peuple russe ? Hmmmm. La population de la Russie de nos jours, environ 145 millions d’habitants, est inférieure de moitié à celle des États-Unis et elle est assise sur le pays géographiquement le plus grand du monde. Voudraient-ils notre pétrole ? Peut-être, mais la Russie étant le premier producteur mondial de pétrole, cela suggère qu’ils sont déjà très occupés avec leur propre activité d’extraction. Veulent-ils Hollywood ? L’industrie du jeu vidéo ? L’empire du porno américain ? Convoitent-t-ils nos chaînes Chick-fil-A et Waffle Houses ? Nos artistes en tatouage ? Voudraient-ils inciter les Kardashian à vivre à Moscou ? Est-ce qu’ils en ont après le championnat Nascar ?
Mon hypothèse est que la Russie voudrait surtout être laissée tranquille. Le fait de voir l’OTAN déplacer des chars et des troupes allemandes en Lituanie en janvier rend probablement les Russes assez nerveux et c’est sans doute l’objectif même de l’OTAN. Mais n’oublions pas que l’OTAN est avant tout un bras de la politique étrangère américaine. S’il reste un zeste de la classe pensante américaine au département d’État, ils se souviendront peut-être que la Russie a perdu 20 millions de personnes dans une affaire connue sous le nom de Seconde Guerre mondiale… Contre qui ? Oh, l’Allemagne.
Au total, en janvier dernier, l’armée américaine a déployé des milliers de soldats et des armes lourdes en Pologne, dans les pays baltes et dans le sud-est de l’Europe. Comme on disait dans les vieux films noirs à la Bogart : quelle est la grande idée ? Le département d’État dirait que la grande idée est de mettre la Russie en garde contre l’annexion de plus d’États ou de régions voisines, comme elle l’a fait en Crimée il y a quelques années. Apparemment, le public est censé oublier que le département d’État a parrainé et conçu la conversion de l’Ukraine en un État défaillant, incitant la Russie à conserver ses bases navales en Crimée, son seul port en eau chaude dans les océans du monde. Demandez-vous : si, pour une raison quelconque, l’état de Virginie était plongé dans l’anarchie à la suite d’une intervention pilotée depuis l’étranger, pensez-vous que les États-Unis lâcheraient notre base navale à Norfolk ?
Je pense que la triste vérité de la situation américaine actuelle, y compris l’ascension d’un nigaud narcissique à la Maison Blanche, est que nous sommes responsables de nos propres problèmes, de la destruction des limites dans pratiquement tous les domaines comportementaux des Américains, surtout pour soumettre nos corps à toutes sortes de manières ridicules auxquelles nous occupons nos heures d’éveil aux dépens du maintien de notre propre maison en ordre. Je voudrais me joindre au parti s’attachant à maintenir notre maison en ordre. Quelqu’un d’autre a-t-il la même idée ?
James Howard Kunstler
Traduit par Hervé, vérifié par Julie, relu par Michèle pour le Saker Francophone
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