Feu et fureur


Par James Howard Kunstler – Le 5 janvier 2018 – Source kunstler.com

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On raconte que Richard Nixon, pendant les dernières semaines du Watergate, errait dans les couloirs de l’aile ouest aux petites heures du matin, carburant au scotch whisky, conversant avec des portraits d’Américains célèbres, y compris plusieurs de ses prédécesseurs. « Qu’est-ce que tu dis, mon gars ? Est-ce que je devrais rester ou devrais-je partir ? » Il était comme un animal piégé, après une longue et exténuante chasse, et il savait que les chiens se rapprochaient. Peut-être tirait-il un peu de consolation en apprenant que le vieux Abe Lincoln était encore plus déprimé lors des derniers jours victorieux de la guerre civile, que lui, Nixon, sous le joug de la pure cruauté de l’histoire. À la fin, il a rassemblé les lambeaux restants de sa dignité, il est monté dans un hélicoptère pour un oubli plus insondable que le mystère de la tombe, du moins c’est ce que ses détracteurs espéraient.


Et maintenant, voici le dernier successeur de M. Nixon, le Golem d’Or, Donald J. Trump, qui hante ces couloirs avec l’équivalent politique d’une blessure à la poitrine, un Big Mac dans une main, un grand verre de soda dans l’autre, se demandant qui sont tous ces gens sur ces peintures à l’huile… et ce qu’ils regardent, quand il revient vers ses quartiers privés, solitaire, pour quelques derniers tweets d’angoisse.

Cela commence à ressembler au dernière rassemblement de bétail à OK Corral pour ce président quelque peu accidentel, produit d’une politique décrépite avec comme alternative un leadership de catamites d’entreprise et de call-girls, fébriles et veules.

Le juteux livre de Michael Wolff, « Fire and Fury » serait une fin de carrière pour tout politicien qui se respecte, mais le narcissisme de Trump est un état mental tout à fait différent. En parlant de ça, on dirait que certains des psychologues amateurs du Congrès font un profond plongeon talmudique dans le 25e amendement, pour voir s’ils peuvent faire passer la tête au carré de Trump à travers ce trou rond particulier de la Constitution.

Est-il fait pour ce poste ? Cette question est suspendue dans l’air du marais de Washington DC comme une odeur nécrotique qui ne peut pas être vue mais qui ne peut pas être ignorée. D’une certaine manière, la légitimité même de la république est remise en question – si Trump est ce que nous pouvons faire de mieux, peut-être que le système lui-même n’est pas ce qu’il était censé être. Et alors pourquoi penserions-nous que le démettre de ses fonctions améliorerait les choses ? N’est-ce pas un dilemme existentiel ?

Nous sommes informés dans le New York Times aujourd’hui que « tout le monde dans le Monde de Trump sait qu’il est un idiot » ou aussi un « crétin » selon Rex Tillerson et même une « grosse nouille » selon le général H.R. McMaster pour être plus imagé. Imaginez toute l’énergie qu’il faut pour que tout le monde, disons dans l’équipe à la Maison Blanche, prétende que le chef de l’exécutif tient bien la barre au milieu. Cela me fait penser à ce vieux jeu de poker, « L’Indien » où chaque joueur tient une carte sur son front pour que tout le monde puisse la voir.

Les vents mauvais soufflent et des forces sinistres convergent. Pensez-vous que ce soit une chose merveilleuse que le Dow Jones Industrial Average ait tout simplement défoncé les 25 000 points ? Le président le pense évidemment. Et, bien sûr, il est encouragé par tous les vizirs économistes qui vendent des histoires sur une économie florissante à base de serveurs, de barmen et de jockeys des expresso. Mais, je vous le dis, aussi sûr que hier existe, comme aujourd’hui et demain, ces indices boursiers, si hauts qu’ils soient, sont au bord de quelque chose d’incroyablement écœurant. Et quand ils passeront par-dessus ces chutes sans retour du Niagara, plongeant dans le maelström, le bateau de M. Trump tombera dans les remous avec eux.

C’est un spectacle peu appétissant de voir une destinée si tragique [Destinée manifeste ? NdT]. Après tout, ce sont les vies de créatures fragiles, solitaires et humaines qui s’efforcent de sonder leur destin. Vous devez être un peu désolé pour elles car vous vous sentiriez désolé même pour un triste petit pécari, descendant dans un de ces trous fait de sable mouvant dans le marais d’Okeefenokee. Sûrement, beaucoup pensent que ce sont simplement des moments diaboliques dans lesquels la bonté et la miséricorde sont absents sans permission officielle. Je ne sais pas exactement comment cette histoire se terminera, mais elle commence à ressembler à un choix entre une explosion et un gémissement.

James Howard Kunstler

Traduit par Hervé.vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone

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