Le dilemme stratégique de Netanyahou


Par Moon of Alabama − Le 21 octobre 2023

Israël est un État colonisateur en conflit permanent avec les autochtones opprimés.

Il pensait pouvoir survivre dans cet état, voire étendre ses colonies, en dissuadant les forces adverses grâce à la supériorité de son armée.

Le Hamas a brisé ce mythe de la dissuasion en infligeant, en un jour, plus de pertes à Israël qu’il n’en avait connu au cours des guerres précédentes.

Natanyahou est sous pression pour rétablir la dissuasion, pour donner à nouveau aux sionistes un sentiment de supériorité.

Mais il ne peut pas le faire.

Toute attaque terrestre à Gaza signifie une guerre urbaine dans une ville déjà détruite et dotée de vastes installations souterraines. Lors de la prise de Bakhmut, les forces de Wagner ont subi au total environ 40 000 pertes (morts et blessés). L’autre camp en a eu plus de 70 000. Quel prix les FDI devront-elles payer pour “détruire le Hamas” ?

L’autre facteur est bien sûr le Hezbollah et d’autres groupes de résistance, qui pourraient bien attaquer Israël à partir du nord et de diverses autres directions. Le Hezbollah a déclaré haut et fort qu’il le ferait si les FDI entraient dans Gaza. Le Hezbollah possède quelque 100 000 missiles, soit plus qu’il n’en faut pour épuiser les défenses aériennes d’Israël. Ses missiles de plus longue portée peuvent attaquer n’importe quelle grande ville d’Israël. Des échanges de tirs quotidiens ont déjà eu lieu à la frontière nord.

La guerre de 2006 au Liban a montré que le Hezbollah est bien retranché et très capable de se défendre. Il a depuis acquis davantage d’expérience en combattant État Islamique en Syrie. Ni les attaques de l’aviation américaine ni une invasion terrestre ne peuvent empêcher le Hezbollah de tirer ses missiles.

(La Syrie, ainsi que l’Iran, n’interviendront pas dans la guerre à moins d’être directement attaqués).

Netanyahou doit attaquer Gaza pour rétablir la dissuasion. Il ne peut pas attaquer Gaza parce que la guerre urbaine causerait d’importantes pertes israéliennes. Il ne peut pas attaquer Gaza parce que le Hezbollah détruirait alors le mythe de la supériorité de l’État colonisateur encore plus que le Hamas ne l’a fait jusqu’à présent.

Israël, avec l’aide des États-Unis, a tenté de pousser la population de Gaza vers l’Égypte. Du point de vue de l’Égypte, il s’agirait d’une solution humanitaire, du moins tant que d’autres en assument le coût. Mais cela poserait un grave problème stratégique. La résistance du Hamas et d’autres groupes contre Israël se poursuivrait indéfiniment, mais l’Égypte en serait tenue pour responsable. Elle ne peut pas et ne veut pas assumer ce fardeau.

L’idée suivante de Netanyahou était d’affamer Gaza. Mais le monde ne le laissera pas faire. Du moins, pas au-delà d’un certain point. Même le secrétaire général des Nations unies s’est rendu au point de passage de Rafah. D’autres organisations mondiales, comme l’OMS et l’ANASE, se sont exprimées. Les images de personnes affamées empêcheront l’Occident de soutenir cette “solution“.

Pendant ce temps, les combattants du Hamas resteront dans leurs tunnels, prêts à défendre leur territoire et disposant probablement de suffisamment de provisions pour tenir pendant des mois.

Les colons israéliens, avec le soutien des FDI, se déchaînent en Cisjordanie. Ils tuent de plus en plus de Palestiniens et suscitent l’indignation de l’opinion publique mondiale face à leurs actes. La situation va s’aggraver.

Israël est paralysée, sans décision raisonnable. Pour l’instant, il continuera à parler d’une invasion terrestre, mais n’en lancera pas. Il continuera également à affamer Gaza.

Mais quelque chose va bientôt se briser. À tout moment, une nouvelle atrocité de grande ampleur peut se produire à Gaza ou un pogrom en Cisjordanie. Toute erreur de calcul dans le nord pourrait entraîner ce front dans une guerre chaude. Le Hezbollah pourrait commencer à envahir “préventivement” le territoire israélien.

Mais l’opinion publique juive israélienne réclame toujours une guerre de vengeance. Elle a toujours besoin de restaurer sa dissuasion et sa supériorité.

Mais que se passera-t-il si cela s’avère impossible à réaliser ?

Eh bien, il faudra changer autre chose. Il faut alors que quelque chose d’autre change.

Comme le résume Adam Shatz dans la London Review of Books :

Les pathologies de la vengeance (archivé)

La vérité incontournable est qu’Israël ne peut pas éteindre la résistance palestinienne par la violence, pas plus que les Palestiniens ne peuvent gagner une guerre de libération à l’algérienne : Les Juifs israéliens et les Arabes palestiniens sont coincés l’un avec l’autre, à moins qu’Israël, la partie la plus forte, ne pousse les Palestiniens à l’exil pour de bon. La seule chose qui puisse sauver les peuples d’Israël et de Palestine et empêcher une nouvelle Nakba – une possibilité réelle, alors qu’un nouvel Holocauste reste une hallucination traumatique – est une solution politique qui reconnaisse les deux peuples comme des citoyens égaux et leur permette de vivre en paix et en liberté, que ce soit dans un seul État démocratique, dans deux États ou dans une fédération. Tant que cette solution est écartée, une dégradation continue et une catastrophe encore plus grande sont pratiquement garanties.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

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