Par Ronald Meinardus – Le 24 septembre 2017 – Source Global Times
L’influence croissante de la Chine en Asie du Sud se voit dans les hôtels de toute la région. Peu importe où il voyage, le visiteur est entouré d’hommes et de femmes d’affaires chinois, que ce soit à Lahore, à Karachi ou à Colombo.
Vous rencontrez également des délégués chinois au Bangladesh, au Népal ou aux Maldives. On a l’impression qu’ils sont partout.
De plus en plus performants dans l’exercice du soft power – qui était considéré comme une spécialité exclusive des États-Unis – les diplomates chinois sont très habiles à présenter en douceur la façon dont leur nation prend le contrôle d’une économie régionale après l’autre.
Habituellement, cette prise de contrôle est vendue au public comme une association « gagnant-gagnante » pour les deux côtés.
La fierté va de pair avec cette présentation des choses, un refrain souvent entendu étant que « tout projet chinois apporte emploi et croissance économique ».
J’ai été témoin de cela dans de nombreuses régions du monde – en Asie du Sud, en Afrique du Nord et en Grèce. Anecdotes et sentiments diplomatiques mis à part, ce changement vers une omniprésence chinoise aura des implications politiques notables.
Retour de bâton contre la globalisation
Le monde dans lequel nous vivons s’est inversé. Nous assistons à un rejet de la mondialisation dans certains pays occidentaux, ainsi qu’à un retour aux pratiques isolationnistes par le leader du soi-disant monde libre lui même.
Parallèlement, la superpuissance (toujours) communiste s’impose comme un champion du libre-échange et de la mondialisation.
Cette rupture est, si on la considère comme une tendance historique profonde, reflétée dans le déplacement du centre de gravité du monde économique.
Au cours de la dernière décennie, ce centre s’est déplacé vers l’Asie de l’Est, avant tout en Chine, laissant derrière lui l’Europe et l’Amérique du Nord.
Conformément à ce changement, les opinions sur les avantages de la mondialisation sont beaucoup plus positives en Asie qu’en Occident.
Selon un sondage de 2016, seulement 37% des Français et 40% des Américains ont déclaré que la mondialisation a un effet positif sur leur société. Les chiffres pour le Vietnam et l’Inde se situent respectivement à 83% et 91%.
Conformément à cette perspective positive concernant la mondialisation, les Asiatiques sont particulièrement optimistes quant à leurs perspectives financières et économiques. Selon un rapport du Pew Research Center, « 94% des Vietnamiens, 85% des Chinois, 71% des Bangladeshis et 67% des Indiens pensent que les enfants d’aujourd’hui seront mieux que leurs parents ».
Le pessimisme occidental
De l’autre bord, le rapport indique que « en Europe et aux États-Unis, le pessimisme est omniprésent ». Ce pessimisme est la matière première sur laquelle les nationalistes et les populistes des pays occidentaux construisent leurs campagnes contre le libéralisme.
Quel est l’arrière-plan de ces importantes divergences d’opinions entre les économies très développées et celles émergentes ?
Les premières sont saturées, bien alimentées et en train de se lancer dans un monde post-matériel. Les autres sont en retard, ont soif d’évolution, sont ambitieuses et inspirées.
Bien sûr, tout cela a des implications politiques majeures. D’un point de vue libéral, il convient de noter que les peuples des économies émergentes sont généralement plus favorables au système du marché libre que ceux qui vivent dans des économies avancées.
Dans ce qui peut sembler presque bizarre, compte tenu du chemin de l’histoire moderne, le soutien au capitalisme – selon les données du Centre de recherche Pew – est le plus élevé au Vietnam (97%), en Chine (76%), en Malaisie (73%) et en Inde (72 %). L’Allemagne n’est pas mal avec un niveau de soutien de 70%, alors que la France obtient un résultat de 60%.
Les puissances cherchent le statu quo
Une interprétation de ces données pourrait être que les pays qui sont entrés dans cette course de rattrapage du retard économique sont plus enclins à trouver des voies de développement économiques. Dès qu’ils atteignent un certain niveau de maturité, ils deviennent des puissances cherchant le statu quo, se concentrant sur la défense de ce qu’ils ont et le blocage des concurrents sérieux.
Je pense que nous observerons le même schéma une fois que les Chinois auront atteint leur position dominante sur les marchés qu’ils grignotent maintenant sur le marché mondial.
La domination et les monopoles ne sont jamais bons, ni en politique ni en économie. Par conséquent, un cadre réglementaire est nécessaire pour définir les règles de coopération économique.
Certaines personnes se demandent tout haut si l’Allemagne et l’Union européenne peuvent remplacer les États-Unis en tant que puissance internationale « bienveillante ».
La question de savoir si l’Europe et l’Allemagne peuvent remplacer les États-Unis est purement théorique car il faudrait qu’il y ait le désir que cela se produise.
L’Union européenne est différente
L’UE est différente des superpuissances traditionnelles. Elle n’aspire plus à la suprématie politique ou économique.
La déclaration la plus forte à cet égard provient de la chancelière allemande Angela Merkel. À la lumière des signaux isolationnistes de Washington, elle a suggéré qu’il serait grand temps pour l’Europe de « prendre son destin en main ».
Mais son ambition n’est pas globale. Merkel pense simplement que l’Europe devrait reprendre en main des domaines qui ont longtemps dépendu du gouvernement américain. Et atteindre cet objectif sera assez difficile, à cause de la forte hésitation d’une grande partie de l’Europe face à cet objectif.
Il est donc difficile d’imaginer que l’UE veuille entrer dans la compétition avec les États-Unis et la Chine, au moins en ce qui concerne l’Asie. Les Européens semblent satisfaits de n’être que des partenaires économiques. Grâce à cette retenue, les Européens ont gagné respect et reconnaissance.
Bien que l’UE ne soit pas le leader mondial en termes de force militaire et de realpolitik, elle est encore très populaire en Asie et dans la plupart des autres régions du monde. Selon le récent Eurobaromètre, 84% des Chinois, 83% des Indiens et 76% des Japonais ont une vision positive de l’Union européenne.
L’enquête montre que l’UE est perçue globalement comme « un lieu de stabilité dans un monde en difficulté ». Les principaux atouts de l’UE sont son respect pour la démocratie, les droits de l’homme et la loi.
Avec le gouvernement des États-Unis sous Trump renonçant si visiblement à ces principes libéraux dans leurs affaires étrangères, le rôle de l’Europe en tant que protecteur et promoteur des principes libéraux a considérablement augmenté.
Ronald Meinardus
Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone
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