La Russie vient de signer un contrat de vente d’avions militaires avec l’Égypte, à hauteur de 2 milliards de dollars
Par Andrew Korybko – Le 23 mars 2019 – Source orientalreview.org
RT signale que la République Arabe va acquérir « plus de 20 avions de chasse multi-rôles ainsi que des armements embarqués » ; cet accord s’inscrit dans une tendance récente de restauration de relations stratégiques ressemblant à celles de l’ère soviétique. Le président Sissi, arrivé au pouvoir après avoir renversé son prédécesseur Morsi par un coup d’État en 2013, est issu de l’armée, et apprécie donc la haute qualité de l’équipement que la Russie va livrer à son pays.
Ce n’est pas le premier contrat à grande échelle entre les deux pays, et ce ne sera sans doute pas non plus le dernier ; l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm [Stockholm International Peace Research Institute, SIPRI, NdT] a récemment publié un rapport sur les ventes d’armes à l’échelle mondiale, indiquant que la Russie constituait le second fournisseur de l’Égypte en la matière sur la période de cinq ans allant de 2014 à 2018, avec 30% des importations égyptiennes, juste derrière la France à 37% et bien devant les USA, à 19%.
Ces données confirment la réussite de la « diplomatie militaire » pratiquée par la Russie : il s’agit d’utiliser ses ventes d’armes comme méthode d’implantation de son influence stratégique. Dans le cas égyptien, les accords entre les deux pays ont décollé après que Sissi a consolidé son pouvoir, et s’est mis à diversifier ses approvisionnements militaires, jusqu’alors très dépendants des USA, tout en cherchant un troisième partenariat pour complémenter ceux dont son pays disposait déjà avec les USA et plus récemment avec ses parrains financiers du Golfe. De cet arrangement, la Russie retire une opportunité de s’implanter plus solidement sur le marché égyptien en croissance – le marché le plus important du monde arabe – et le droit de construire une zone industrielle dans la péninsule du Sinaï, sans parler de la possibilité de renforcer son partenariat avec le pays Nord-africain, dont les réserves de gaz en méditerranée sont assurées de voir croître les investissements russes.
Au sujet du Sinaï et des réserves de gaz, il s’agit bien des deux raisons principales qui font que l’Égypte s’équipe de chasseurs russes. Le Su-35 a démontré son efficacité à éradiquer les terroristes en Syrie, ce qui en fait un atout très attractif pour les opérations égyptiennes anti-terroristes dans le Sinaï, mais également pour protéger ses frontières poreuses avec la Libye et le Soudan du scénario du pire, qui verrait Daesh ou une entité similaire s’engouffrer en Égypte par là et recréer un soi-disant « califat ». Pour ce qui concerne la sécurité énergétique, il est plus rentable pour l’Égypte de protéger ses réserves de gaz au large par des moyens aériens, qui peuvent être employés à d’autres fins, comme la lutte anti-terroriste, plutôt que d’investir en pure perte en modernisant sa flotte. L’un dans l’autre, l’accord de Su-35 à 2 milliards de dollars améliorera fortement la sécurité stratégique égyptienne, tout en contribuant à étendre l’influence de la Russie en Afrique du Nord.
Le présent article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique context countdown, diffusée sur Sputnik News le 22 mars 2019.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Traduit par Vincent pour le Saker Francophone