L’accord passé entre le gouvernement allemand et la Lufthansa montre le bon exemple


Par Moon of Alabama – Le 26 juin 2020

La pandémie de corona entraîne de nombreuses entreprises au bord de la faillite. Certaines peuvent et doivent être sauvées par le gouvernement.

Lufthansa, la compagnie aérienne allemande vieille de 94 ans, vient de conclure un bon accord avec le gouvernement allemand qui montre l’exemple.


Hier, les actionnaires de Lufthansa ont voté pour accepter le plan de sauvetage du gouvernement :

Les actionnaires de Lufthansa (LHAG.DE) ont soutenu jeudi un plan de sauvetage gouvernemental de 9 milliards d'euros, garantissant l'avenir de la compagnie aérienne phare allemande car elle est au bord de la faillite à cause de la pandémie de Covid-19.

Le plan, soutenu par 98 % des actionnaires qui ont voté lors de la réunion en ligne, permettra à Berlin de prendre une participation de 20 % dans la Lufthansa et d'obtenir deux sièges au conseil d'administration.

Les actions de l'entreprise, qui emploie environ 138 000 personnes, ont augmenté de 7,1 %, après avoir déjà fortement progressé quand l'actionnaire principal, Heinz Hermann Thiele, a abandonné ses objections à l'accord.

Jeudi également, les régulateurs de l'Union européenne ont approuvé la recapitalisation de Lufthansa à hauteur de 6 milliards d'euros, dans le cadre de l'accord de sauvetage, sous réserve d'une interdiction de distribuer des dividendes, de racheter ses actions et de se lancer dans certaines acquisitions avant d’avoir remboursé l'aide publique.

La structuration de l’accord est intéressante et assez favorable au gouvernement.

Le gouvernement a acheté des actions Lufthansa nouvellement émises pour un total de 300 millions de dollars, ce qui lui donnera 20 % de la propriété de la société. Ces actions ont été évaluées à un quart de leur valeur actuelle. Le gouvernement fournira en outre 5,7 milliards d’euros de « capital silencieux ». Il s’agit d’un prêt structuré sous forme d’actions privilégiées qui donnent droit à un dividende privilégié. Ce capital devra d’abord être remboursé avant que les autres actionnaires ne reçoivent à nouveau des dividendes. Lufthansa a le droit de rembourser le capital silencieux. Mais le gouvernement gardera ses 20 % jusqu’à ce qu’il décide de les vendre.

Une ligne de crédit supplémentaire de 3 milliards d’euros est fournie par une banque publique.

C’est une bien meilleure affaire pour le contribuable qu’aux États-Unis, où les compagnies aériennes renflouées n’ont qu’à fournir des bons de souscription d’actions qui permettent au gouvernement d’acheter certaines actions, s’il le souhaite.

L’accord avec Lufthansa permet d’éviter la faillite de la compagnie et une prise de contrôle étrangère potentiellement inamicale. La Lufthansa était très rentable avant le début de la crise du coronavirus. C’est une bonne compagnie aérienne et elle est maintenant susceptible de survivre. Dans quelques années, elle fera à nouveau des bénéfices.

Seeking Alpha a plus de détails techniques sur l’opération et affirme que le prix actuel de l’action Lufthansa est trop élevé :

Actuellement, le prix de l'action est d'environ 10,4 euros, ce qui correspond à une évaluation très généreuse d'environ 4 fois la valeur comptable estimée. Il est également beaucoup plus élevé que les 2,56 euros par action payés par le gouvernement allemand. Cette décote de plus de 75 % suggère que les actions de la Lufthansa sont largement surévaluées.

Le prix de l’action est peut-être actuellement surévalué et pourrait bien baisser. Mais sans l’accord de sauvetage, ces actions n’auraient plus aucune valeur.

C’est un accord qui permettra aussi à la plupart des employés de Lufthansa de conserver leur emploi :

La Lufthansa travaille sur un plan de restructuration qui pourrait mettre en danger jusqu'à 22 000 emplois - bien que le PDG Carsten Spohr ait déclaré au journal Bild que les heures et les salaires pourraient être réduits d'un cinquième au lieu de supprimer un cinquième des emplois.

Cela ressemble à l’introduction d’une semaine de travail de quatre jours dans toute l’entreprise, mais avec seulement 80 % du salaire total.

Le syndicat du personnel de cabine a déjà accepté un tel accord et les syndicats de pilotes et de travailleurs au sol le feront probablement aussi. Il n’y a actuellement pas beaucoup d’emplois dans les compagnies aériennes disponibles ailleurs donc, pour la plupart des employés, c’est un meilleur accord qu’un éventuel chômage de longue durée.

J’aime beaucoup la façon dont cela a été fait. Une bonne entreprise a été sauvée. Le gouvernement a fixé des conditions avantageuses pour lui et il pourrait même tirer profit de l’accord. Les actionnaires ont perdu une partie de leur investissement mais ne perdront pas tout leur argent. Les employés conserveront leur emploi, mais avec un temps de travail et un salaire réduit.

Il aurait été préférable que tout cela ne soit pas nécessaire. Mais dans la situation actuelle, c’est le mieux que l’on puisse faire.

Toutes les parties ont adopté une attitude « nous sommes tous dans le même bateau » pour que cela puisse se réaliser.

Cela devrait servir d’exemple pour les prochains accords de sauvetage qui devront être conclus.

Moon of Alabama

Note du Saker Francophone
Encore une fois, le modèle de co-gestion allemand montre ses capacités à transcender les parti-pris idéologiques, pas sur que d'autres pays arrivent à ce type d'accord. Maintenant MoA fait implicitement le pari d'une reprise en V ou alors de la disparition de toutes les compagnies non adossée à un état solide, cad capable de continuer à s'endetter au nom du symbole que représente ces compagnies "nationales" ou "(re-)nationalisables".

Pour un certain nombre de chroniqueurs et de blogs, on va avoir une reprise en L, cad pas de reprise et la survie de ces compagnies aériennes en dehors de la niche des 1ere classe, n'est pas forcément assurée non plus.

Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone

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