Par Brandon Smith − Le 26 juin 2019 − Source Alt-Market.com
Dans un article publié en septembre 2015 intitulé « Les vraies raisons pour lesquelles la Fed va relever ses taux d’intérêt« , je décrivais une sorte de jeu de guerre économique, une théorie prédictive dans laquelle la Réserve fédérale ferait monter les taux lors d’un net affaiblissement économique, afin de provoquer délibérément l’implosion de l’énorme bulle financière qu’elle avait créée après plusieurs années d’assouplissement quantitatif. À l’époque, cette théorie a suscité une forte opposition. Presque tout le monde dans les médias de masse et les médias alternatifs soutenait que la Fed allait passer au NIRP (taux d’intérêt négatifs), afin de continuer à soutenir le système. L’idée que la Fed, après avoir soutenu le système pendant si longtemps, allait augmenter les taux et provoquer un krach artificiel était jugée farfelue.
Bien sûr, c’est exactement ce qui s’est passé. En moins d’un an, la Fed avait commencé à resserrer sa politique au lieu de prolonger les mesures de relance. Le déni que cela se produisait était si fort que de nombreux analystes ont affirmé que la Fed faisait simplement semblant de resserrer, alors qu’elle était encore en fait en phase de stimulation. Pourtant, cette affirmation s’est révélée inexacte : presque tous les secteurs de l’économie ont commencé à décliner immédiatement et sérieusement dès que la Fed a lancé des hausses de taux d’intérêt et réduit son bilan. Il devenait de plus en plus évident qu’effectivement, la banque centrale ne faisait pas semblant de resserrer les conditions – elle étranglait en fait les liquidités, et le mirage de la reprise économique s’est rapidement estompé.
Jusqu’à ce jour et malgré toutes les preuves du contraire, certaines personnes continuent d’affirmer, soit que la Fed ne resserre pas, soit qu’elle reviendra très bientôt sur ses mesures de resserrement. En fait, chaque mois depuis novembre dernier, il s’est trouvé un chœur de voix pour dire que « c’est le mois » où la Fed va revenir à un assouplissement et peut-être même au QE4. Et chaque mois, ils ont eu tort. Et ce fut encore le cas en ce dernier mois de juin, alors que tant de gens étaient tellement certains qu’une baisse des taux d’intérêt de la Fed allait être intégrée au gâteau.
Dans mon article du mois de mars intitulé « The Federal Reserve’s Controlled Demolition Of The Economy Is Almost Complete« , je prédisais que la Fed allait maintenir ses taux d’intérêt stables pendant les nombreux mois à venir, et que les termes « accommodement » et « patience » utilisés par la Fed étaient un leurre pour maintenir le monde de l’investissement dans les marchés boursiers, alors que tous les autres indicateurs principaux montraient que nous étions en récession. À nouveau, c’est exactement ce qui s’est produit.
Une fois que la Fed eut relevé les taux d’intérêt à leur taux d’inflation neutre (ce qu’elle n’avait pas fait depuis des décennies), le sort de l’économie américaine était scellé. Soyons honnête, le taux d’inflation réel est beaucoup plus élevé que ne l’admet la Fed, mais il n’en demeure pas moins que l’économie américaine actuelle ne peut supporter des taux même modérément élevés. Alors que l’endettement des entreprises et des consommateurs atteint des sommets records depuis 2007, juste avant le krach du crédit, toute pression sur les taux d’intérêt au-dessus de zéro détruira la fragile bulle économique.
Certains prétendent que la Fed n’est pas du tout au courant de cette situation, et qu’elle avance à tâtons. Mais ce n’est pas vrai. En 2012, dans le procès-verbal de la réunion d’octobre de la Fed, Jerome Powell décrivait exactement ce qui se passerait si la Fed commençait à resserrer sa politique. Il SAVAIT que des taux plus élevés et des réductions de bilan causeraient le genre de krach qui se produit actuellement ; mais dès qu’il est devenu président de la Fed en 2018, il a quand même lancé des mesures de resserrement.
Que vous soyez pour ou contre les mesures de resserrement de la Fed est vraiment sans intérêt. Le fait est que la Fed a créé la Bulle de Tout, qu’elle est en train de la faire éclater, et qu’elle sait qu’elle est en train de le faire.
Alors, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? La Fed a-t-elle causé tous les dégâts nécessaires pour s’assurer d’un crash ? Tout ce discours sur l’accommodement est-il crédible cette fois-ci ? Vont-ils bientôt réduire les taux d’intérêt afin de soutenir le système plus longtemps ? Je persiste à prédire que la Fed ne réduira pas les taux d’intérêt, ou ne mettra pas fin aux réductions de bilan, tant qu’il n’y aura pas de panne flagrante ou autre diversion majeure. Et par « panne », j’entends la perception qu’a le public de l’économie en s’éveillant à la réalité du krach.
Il est important de se rappeler que l’économie américaine est en territoire négatif depuis 10 ans. Elle ne tient qu’à trois minces fils – le premier étant le stimulus de la Fed (qui a maintenant disparu – désolé les sceptiques mais c’est un fait); le deuxième, le statut de réserve globale du dollar ; et le troisième, la perception publique de la reprise. Les banquiers centraux comptent maintenant beaucoup sur la manipulation de la perception du public pour maintenir certains secteurs (comme les marchés boursiers) à flot pendant un certain temps encore. Quel est l’objectif spécifique ? C’est difficile à dire. Toutefois, le fait de tromper la communauté financière en lui faisant faire des hypothèses à long terme présente certains avantages.
Les marchés boursiers sont absolument inutiles comme indicateur économique parce qu’ils ont une inertie loin des conditions financières réelles. Les actions chutent après que tous les autres indicateurs fondamentaux sont déjà devenus négatifs et que le krach est visible du public. Cependant, ils ne servent qu’à une chose : les cours boursiers peuvent être exploités pour donner à la population un faux sentiment de santé économique, la laissant sans préparation et vulnérable aux conséquences d’un ralentissement de l’activité économique. La plupart des Américains ne s’intéressent pas aux données économiques au-delà des marchés actions et de l’emploi, qui sont tous deux des points de référence fortement manipulés.
Les marchés actions restent en lévitation en fonction de deux facteurs : des mesures de relance massives en provenance de Chine depuis décembre, et l’espoir aveugle du monde de l’investissement que la Fed va ramener le bol de punch et relancer les mesures de stimulation. Des changements mineurs dans les déclarations de la Fed sont maintenant vus comme des indicateurs importants que la Fed est sur le point d’inonder les marchés de liquidités ; pourtant, d’autres indicateurs sémantiques montrant le contraire sont ignorés. Avec tant de capitaux appâtés vers les marchés d’actions en faisant miroiter la « certitude » d’une baisse des taux ou des mesures de relance de la Fed – je me demande ce qui se passerait si la Fed ne répondait PAS aux attentes croissantes du marché ?
Le 19 juin, juste après la réunion de la Fed, j’ai noté qu’il y avait peu de chances que les taux baissent en juillet, ce qu’ont confirmé les récentes déclarations de Powell et du président de la Fed de Saint-Louis, James Bullard.
Après la réunion de juin, de nombreux investisseurs dans le monde estimaient à 100% la probabilité d’une baisse des taux d’intérêt en juillet. Pourquoi ont-ils fait cela après s’être trompés chaque mois pendant plusieurs mois ? Je n’arrive toujours pas à comprendre d’où sort cette hypothèse. Nulle part dans ses procès-verbaux, ou dans ses déclarations postérieures à la réunion, la Fed n’a indiqué une baisse en juillet. La réalité est que la dernière réunion de la Fed n’a indiqué AUCUNE BAISSE jusqu’à la fin de 2020. Cela ne signifie pas nécessairement que la Fed maintiendra les taux jusque là, mais rien ne prouve non plus qu’elle réduira ses taux en juillet.
Peut-être ai-je tort, et la Fed confirmera les hypothèses cette fois-ci plutôt que l’inverse. Je ne me suis encore jamais trompé sur les changements de politique de la Fed, mais je pense que rien ne prouve qu’ils vont réduire les taux le mois prochain. Il y a seulement des attentes basées sur des ouï-dire.
La Fed continue de mentir au sujet de l’expansion économique, prétendant à une forte reprise ou à l’amélioration des fondamentaux lorsque toutes les données montrent un déclin économique : depuis les rendements obligataires jusqu’au chiffre de ventes de maisons, en passant par les prix de l’immobilier, les marchés automobiles, la fabrication, l’expédition, le fret, la fermeture de commerces au détail, la chute des chiffres de l’emploi, etc. En parallèle, nous assistons à des pressions inflationnistes dans des secteurs de première nécessité comme l’alimentation, le carburant, et le logement locatif. C’est un désordre stagflationniste.
Les rapports incessants sur la santé de l’économie et le rejet provocateur du déclin ne sont pas le comportement d’une Fed sur le point de céder sur le resserrement de la politique monétaire. Pourtant, depuis des mois, la communauté financière fait tout ce qu’elle peut pour promouvoir l’idée des baisses de taux d’intérêt. Lorsque ces dernières ne viennent pas, on suppose alors qu’on y était presque le mois dernier, et que pour le mois suivant, c’est une chose sûre. C’est vraiment bizarre.
Tant que la Fed maintiendra des taux proches du taux neutre d’inflation, et qu’elle continuera de réduire les actifs de son bilan, inondant l’économie de bons du Trésor, de titres adossés à des créances hypothécaires et d’actifs toxiques, le déclin de multiples secteurs sera assuré. Il se peut qu’à un moment donné, la Fed ait fait tous les dégâts nécessaires pour accélérer la chute, ce qui lui permettra de resserrer, mais nous n’en sommes pas encore là. Comme je l’ai noté dans des articles précédents, la Fed a déjà fait tout cela.
Créer d’énormes bulles financières, puis les faire éclater délibérément, est une manœuvre classique des banques centrales. Chaque fois, ils prétendent qu’ils n’étaient « pas au courant » de ce qui se passait, pour des années plus tard finir par admettre carrément qu’ils savaient ce qui se passait : d’Alan Greenspan admettant que la Fed était bien au courant de la bulle qui a mené au krach de 2008, à Ben Bernanke reconnaissant ouvertement que la Fed avait provoqué la Grande Dépression des années trente par un durcissement des conditions économiques.
Resserrer des conditions de liquidité et de politique monétaire pour les transformer en faiblesse économique, est une technique des banques centrales pour déclencher le chaos. Mais pourquoi la Fed aurait-elle délibérément lancé une démolition contrôlée de l’économie américaine ? En fin de compte, les banques centrales sont des outils de l’élite globaliste. Elles ne sont pas aussi autonomes qu’elles en ont l’air. Non, la Fed n’est pas responsable devant le président américain, mais elle l’est devant la Banque des règlements internationaux, comme toutes les autres grandes banques centrales du monde.
Les désastres économiques qu’elles créent servent alors de levier pour consolider la richesse financière, ainsi que le contrôle des biens matériels entre les mains de ces élites. Les crises servent également à renforcer le pouvoir sur la population, et à centraliser la gouvernance à l’échelle globale. La Fed n’est rien de plus qu’un mécanisme utilisé pour aider à réaliser ce programme.
Les économistes alternatifs devraient abandonner l’idée que Donald Trump interfèrera avec ce plan. Trump est sous la coupe des globalistes depuis que Wilber Ross, agent bancaire de Rothschild, l’a libéré des dettes liées à son casino Taj Mahal dans les années 1990. Wilber Ross est maintenant Secrétaire au commerce de Trump ; soufflant à son oreille avec une large équipe d’autres élites postées dans ce même gouvernement. Cela expliquerait pourquoi Trump a d’abord vivement critiqué la Fed pour avoir gonflé la Bulle de Tout sous le gouvernement Obama, en maintenant des taux d’intérêt faussement bas pendant sa campagne, avant de faire volte-face une fois parvenu à la Maison-Blanche, en affirmant que son administration était la raison des records historiques obtenus sur les marchés boursiers.
Trump a également déclaré à maintes reprises qu’il n’avait pas l’intention de faire sauter Jerome Powell (cette semaine encore). De toute façon, il n’en a pas le pouvoir. Son « affrontement » avec Powell n’est qu’une farce.
La Fed est une entité privée et, comme Alan Greenspan l’a admis ouvertement, elle n’a de comptes à rendre à personne. L’administration Trump dépend à ce point de la bulle économique, que lorsque cette dernière s’effondrera complètement, le président et ses partisans conservateurs seront inévitablement tenus coupables. En outre, je suis convaincu qu’il fait exactement ce que la cabale bancaire lui a demandé de faire.
Reste une dernière question : la Fed attend quoi ? Pourquoi ne pas tout faire s’effondrer maintenant, y compris les actions ? Pourquoi continuer à aiguiller les faux investisseurs sur les baisses de taux et les compromis ? Comme je l’ai noté dans mon récent article « Les globalistes n’ont besoin que d’un événement majeur de plus pour finir le sabotage de l’économie« , les élites ont besoin d’une diversion qui satisferait la recherche d’une justification par le public après que les conséquences du crash les ont finalement touchées. L’accélération de la guerre commerciale est très utile pour cela, mais ce n’est pas suffisant. Les globalistes ont besoin d’autre chose.
Cela peut prendre la forme d’une guerre réelle, peut-être avec l’Iran. Elle pourrait prendre la forme d’un « No Deal Brexit » en octobre (et je continue à penser qu’il s’agit d’un événement calculé). Elle peut également prendre la forme de représailles inattendues de la part de partenaires commerciaux américains, comme l’abandon de bons du Trésor américain ou du dollar comme monnaie de réserve globale. C’est ce que les globalistes attendent.
Quand un tel événement se sera produit, ou peut-être juste avant, la Fed pourra finalement baisser à nouveau ses taux ou mettre un terme aux baisses dans son bilan. Ou pas. La guerre commerciale de Trump mène à l’inflation des prix, ce qui pourrait servir de prétexte à la Fed pour maintenir les taux d’intérêt à un niveau stable, voir pour les augmenter à nouveau. Rien n’est immuable, sauf la stratégie principale : gonfler la bulle financière par des mesures de relance, puis la faire imploser par des mesures de resserrement. Ensuite, la Fed aura des alternatives. Elle pourrait stimuler à nouveau comme une solution sans issue, ou ne rien faire. Quoi qu’il en soit, le krach est déjà un fait, et la Fed n’a pas l’intention de l’éviter.
Brandon Smith
Traduit par Hervé, relu par Olivier et San pour le Saker Francophone