La situation politique en Grèce et les alternatives

 Par Alex Moumbaris – Le 23 août 2015 – Source Ριζοσπάστης


Le secrétaire général du Comité central du KKE [Parti communiste grec], Dimítris Koutsoúmbas, dans un entretien avec le journaliste D. Kottarídi sur la station de radio Parapolitika. Juste avant la démission de Tsipras

Transcription

M. Koutsoúmbas, maintenant qu’au parlement le nombre d’opposants aux memoranda se réduit, il ne reste que vous-même et M. Lafazánis. Pour une quelconque raison, ceux qui au départ s’opposaient au mémorandum, ont fini par l’approuver…

Les autres forces politiques qui jurent leur opposition au memorandum de pair avec la rhétorique qui va avec, ont conduit le pays, ont participé à des formations gouvernementales, ont soutenu la coalition gouvernementale de SYRIZA jusqu’à la veille du vote du memorandum. Je rappellerai aux auditeurs que jusqu’au 12 juillet, ils affirmaient que le mémorandum ne sera pas adopté par ce gouvernement et ainsi de suite, ce qui s’est avéré non pas de faux espoirs, mais de la crasse tromperie et dérision du peuple grec. Non seulement ils n’ont pas abrogé, ne serait-ce que progressivement, les deux memoranda précédents, les lois anti-ouvrières et anti-populaires qu’ils affirmaient vouloir abolir en promulguant une seule loi, mais ils n’ont pas non plus déchiré les memoranda etc., mais ont signé un troisième mémorandum. Bien sûr, certaines personnes, pour leurs propres raisons, reprennent le jeu que jouait l’ancien SYNASPISMOS, ancien SYRIZA d’avant 2012, essayant de maintenir une partie des électeurs de SYRIZA dans le piège des politiques d’impasse, des impasses véritablement stratégiques avec de graves contradictions. 

— Les élections sont une solution? Parce que, apparemment, ils se dirigent vers des élections. Pensez-vous qu’il y aura une solution dans l’impasse où se trouve la scène politique qui sévit?

Non, la seule solution qui sera trouvée, selon toutes vraisemblances, sera que le gouvernement de M. Tsípras résolve dans son parti le problème créé par les députés qui votent «non» ou qui «s’abstiennent», principalement en ce qui concerne la constitution des listes pour les prochaines élections, c’est ce qu’il cherche à faire. Et en effet, selon notre estimation politique, il chercherait à faire ces élections très, très rapidement, c’est-à-dire en septembre. Dès les prochains jours il y aura un avis d’élections, précisément pour que les adversaires internes, mais aussi les autres partis bourgeois, comme la ND, le PASOK et d’autres, n’aient pas le temps de s’organiser.

— Et vous, êtes-vous prêts?

Pour notre part, nous sommes toujours prêts. Cela s’est vu dès le 14 août; du jamais vu la veille de l’Assomption, ce n’était pas seulement nos députés à la Vouli, présents lors de cette réunion marathon qui s’était prolongée bien au-delà de minuit, mais il y avait aussi des membres, des cadres du KKE, des organisations ouvrières, des syndicats adhérents de PAME et d’autres groupes, que soutient et renforce le KKE et qui luttaient dans les rues.

— M. Koutsoúmbas, serait-il exact – après le revirement de M. Tsipras – qu’il n’y aurait pas de solution politique pour la Grèce autre que celle qui a été suivie? Autrement, je n’arrive pas à expliquer le revirement de M. Tsípras, quelle que soit la pression qu’il ait pu subir de l’étranger.

Naturellement, dans le cadre de l’UE et de la zone euro, et celui de cette voie de développement, de crise, de stagnation, dites-le comme vous voulez, qui porte le nom de capitalisme, certainement qu’il n’y a pas d’autre solution. Dans le cadre choisi par M. Tsípras, SYRIZA, mais aussi par M. Méïmarákis, M. Samarás de la Nouvelle démocratie et d’autres messieurs du PASOK, de POTAMI, d’ANEL, etc., c’est bien sûr une voie à sens unique de memoranda, d’accords de prêt et de mesures anti-ouvrières. Cependant, du point de vue des intérêts du peuple, une alternative existe. Celle que propose aujourd’hui, en tant que parti politique le KKE, est la seule alternative. Elle est la seule alternative réaliste aujourd’hui au regard des intérêts du peuple, elle est la seule qui puisse nous sortir de la crise, sans memoranda et sans autres mesures anti-populaires, mais par la dénonciation des memoranda, avec la mise à terme des négociations, ce qui signifie le désengagement avec l’Union européenne et donc la zone euro, qui signifie l’annulation complète unilatérale de la dette. Une dette que nous ne reconnaissons pas en tant que pays, en tant que peuple. Ce n’est pas une dette qui est de notre fait, mais du fait de ceux à qui les divers soi-disant «partenaires» devraient s’adresser pour récupérer cet argent. Et, bien entendu, cela nécessite une autre économie, un plan radicalement différent, où il y aurait une planification scientifique centralisée à l’échelle nationale de l’économie, la socialisation des moyens concentrés de production, ce qui signifie que les grands groupes monopolistiques, la grande industrie lourde, l’Énergie, les Télécommunications, etc. ne seront pas aux mains d’individus, soient-ils nationaux ou étrangers, Allemands, Étasuniens, de toute la Terre. Vous aurez l’économie rurale qui pourra être développée au bénéfice des intérêts du peuple, qui résoudra les problèmes de l’alimentation, appuyée sur l’industrie alimentaire, l’élevage et les produits qu’aujourd’hui l’UE, bien que nous soyons membre, nous interdit de produire. En substance, elle extirpe l’agriculteur de son village, de sa production, de son champ …

C’est cela la proposition globale dont nous parlons, c’est cela le vrai pouvoir du peuple et non pas les paroles, les attributions de postes, produire un gouvernement qui, après avoir jeté à la poubelle le vote populaire et tous les engagements électoraux, même dans leur généralité, même les slogans pré-électoraux, pour en fin de compte faire ce qu’il veut. Ainsi donc, cela signifie que je dis clairement les choses au peuple; il les accepte, il est prêt à soutenir une telle situation et rejoindre le KKE, il s’attèle, nous nous attelons tous ensemble pour ouvrir l’autre voie, la seule voie de la prospérité de notre peuple.

— M. Koutsoúmbas, ce que vous dites, M. Lafazánis, M. Lapavítsas le disent aussi, déjà une grande partie des cadres de SYRIZA, qui, en toute apparence, suivront leur propre chemin. Pensez-vous que cette nouvelle formation politique qui sera créée…

Seriez-vous impressionné si je vous dis qu’ils ne disent pas cela?

— De manière générale, en tout cas, c’est celle-là leur logique.

Non, ce n’est pas celle-là leur logique. Parce que c’est une proposition différente de dire que nous quittons l’euro, mais nous continuons à vivre dans la «maison commune européenne» appelé l’UE et que dans ce contexte je crée une monnaie nationale sans conditions préalables. Tout au plus les conditions préalables de nationaliser certaines banques, certaines nationalisations de grandes unités industrielles, nous le disons clairement, c’est peine perdue. Ils cachent au peuple que ce genre de «socialisation», à savoir, de renationaliser un monopole, le peuple grec l’a déjà vécu de même que toute l’Europe et internationalement divers pays, avec des partis qui avaient annoncé des étatisations, mais en fait, ont fait des monopoles d’État. Le problème n’est pas de «privatiser» la ΔΕΗ [Entreprise publique d’électricité], l’Énergie et de la garder comme monopole d’État, monopole capitaliste qui exploite les travailleurs et fournit du courant électrique surpayé par le peuple grec. Il ne s’agit pas de soi-disant nationaliser les banques, cela ne sert à rien, car il y aura une politique budgétaire qui sera liée soit à la BCE, soit au dollar et aux banques étasuniennes, ou avec la Russie et la Chine; c’est-à-dire avec d’autres puissantes forces capitalistes qui ont leurs propres intérêts et leur propres objectifs, qui ne sont pas en faveur des intérêts du peuple grec, mais en faveur de leurs propres intérêts, leurs propres oligarques, leurs propres monopoles. Cela doit être clair. M. Lafazánis et M. Lapavítsas, non seulement ne le disent pas clairement mais délibérément obscurcissent ces propositions au peuple grec et reviennent à ce que disait l’ancien SYNASPISMOS et SYRIZA surtout jusqu’en 2012, et même après. Par conséquent ils essayent de convaincre le monde en disant des mensonges, en avançant des propositions irréalistes, qui ne peuvent se faire même pour le «second avènement», parce qu’elles conduisent seulement à la manipulation du mouvement ouvrier-populaire, des forces populaires, conduisent à des impasses qui amènent des accords de prêts et de memoranda et des mesures anti-populaires. C’est le même cheminement, ils tentent de retenir ceux qui maintenant ont été offusqués par la direction prise par Tsípras, les nouveaux memoranda, les reculades et les contorsions, dans une logique sans issue.

La stratégie et le programme de SYN/SYRIZA sont responsables de la situation où nous sommes, et ces messieurs en tant qu’opposition interne de SYRIZA, jouent simplement leur jeu, essayant de retenir les forces dans le cadre de SYRIZA ou celui plus généralement de la gestion de gauche, qui essentiellement est la défense du capitalisme, la défense de l’UE et d’autres alliances impérialistes correspondantes, telles que les BRICS et d’autres. Mais tout cela pour le peuple sont des faux espoirs, c’est une impasse politique pleine de contradictions, sans buts spécifiques, qui avec précision mathématique conduira de nouveau à des quatrièmes memoranda, à de nouvelles mesures.

— Alors, M. Koutsoúmbas, vous dites qu’au KKE vous ne vous inquiétez pas de la dynamique que pourrait avoir une organisation politique de M. Lafazánis, de M. Varoufákis, de Mme Konstantopoúlou ou d’autres, qui exprimeraient une logique d’opposition au memorandum?

Non, nous ne nous inquiétons pas. Ceux que vous avez évoqués s’adressent à l’intérieur de SYRIZA, les membres, les dirigeants et les sympathisants de leur parti qu’ils veulent récupérer pour qu’ils ne votent pas avec Tsipras et la coalition gouvernementale de SYRIZA-ANEL. Bien entendu il se pourrait qu’ils gagnent certaines de ces forces.

— Ils s’adressent a une grande partie de la société qui avait voté «non» au référendum.

Le Parti communiste a une force stable, nous nous adressons au monde de SYRIZA et nous leur disons de ne pas se laisser piéger par des nouvelles formations, si elles se créent, puisque pour le présent ils se battent à l’intérieur de SYRIZA, même formellement ils disent qu’ils soutiennent le gouvernement et M. Tsípras. Maintenant, qu’arrivera-t-il si M. Tsípras convoque des élections et que feront-ils, nous verrons le programme qu’ils auront, ce qu’ils diront et à qui s’adresseront-ils. En tout cas, essentiellement ils s’adressent au monde de SYRIZA et non pas au monde du KKE. Nous nous adressons à ce monde et nous lui disons: de ne pas accorder la moindre confiance ni à Tsípras et au gouvernement, ni à l’opposition interne de SYRIZA. Il doit se détacher de tous ceux-là, qu’ils s’appellent Tsípras ou Lafazánis ou Varoufákis ou Konstantopoúlou.

— Comment voyez-vous la scène politique le lendemain du vote? Il semble que nous allons vers des élections. Il n’y aura pas de parti majoritaire, ce sera à nouveau de nouvelles formations de coalitions gouvernementales. Je voudrais une évaluation de votre part. Comment pensez-vous que le pays se prononcera la prochaine fois? Irons-nous vers deux camps: ceux «pour» et ceux «contre» les memoranda?

Objectivement, il y a une possibilité de formation de gouvernement et de collaborations. Par ailleurs, M. Tsípras et M. Kammènos, qui sont au gouvernement, ont maintenant la même ligne politique, de même que M. Méïmarákis, Mme Gennimatá, et M. Theodorákis. Ce sont des partis de la gestion bourgeoise qui pourraient participer et soutenir un gouvernement, ils sont dans ce même cheminement. Comme le sont aussi Lafazánis et d’autres, qui peuvent apporter un soutien et un appui s’ils vont aux élections, c’est de là qu’ils proviennent. Par conséquent, le gouvernement pourrait se faire et même que les probabilités d’un large spectre sont bien plus grandes maintenant que les autres partis ont été écartés de certains mots d’ordre préélectoraux. J’entends par là la majorité de SYRIZA et Tsípras qui se sont maintenant très bien repositionnés et peuvent collaborer. Ils s’entendent très bien avec Merkel, Hollande, Juncker, Dijsselbloem, Draghi, Lagarde et tous avec le quartette.

Traduit par Alexandre MOUMBARIS, relu par Marie-José MOUMBARIS pour le Saker francophone

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