La Libye entre dans une nouvelle phase de conflit armé


Par Peter Korzun – Le 14 avril 2017 – Source Strategic Culture

le général Khalifa Haftar

Les forces libyennes orientales dirigées par le général Khalifa Haftar sont sur le point de prendre le contrôle de la base aérienne de Tamanhent, près de la ville de Sabha, située en première ligne entre les forces rivales basées dans l’est et l’ouest de la Libye. La direction du Gouvernement d’accord national (GNA) soutenu par l’ONU et basé dans la capitale, Tripoli, a ordonné à ses forces de contrer l’attaque. Selon les médias libyens, d’intenses combats se déroulent dans la région.

Avec les deux principaux concurrents en guerre, le conflit libyen est entré dans une nouvelle phase, encore un problème que la communauté internationale doit affronter. Plusieurs membres de la Chambre des représentants (HoR), basée à Tobrouk, ont demandé l’établissement immédiat d’une zone d’exclusion aérienne dans le sud de la Libye. Cela signifie que le Conseil de sécurité de l’ONU devra aborder la question rapidement, dans le contexte de son échec à s’entendre sur un projet de résolution sur la Syrie.

La Libye a été engouffrée dans un conflit entre deux gouvernements concurrents depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, après l’intervention menée par l’OTAN. Depuis 2014, le pouvoir politique a été divisé entre deux gouvernements rivaux, l’un basé à Tripoli et l’autre à Tobrouk, avec d’autres acteurs se battant aussi pour le pouvoir, y compris des formations armées, des tribus et les villes-États. Les querelles persistantes entre les deux gouvernements empêchent les tentatives diplomatiques d’unification.

En mars 2015, le HoR a nommé le général Haftar commandant de l’Armée nationale libyenne (LNA). Le chef militaire fait partie de la scène politique libyenne depuis environ un demi-siècle. Vers 1990, il est allé en exil aux États-Unis, après une tentative ratée de renverser Mouammar Kadhafi. Dans les années 1970, Haftar a reçu une formation militaire en Union soviétique. Le général parle le russe. Après le début de l’insurrection contre Kadhafi en 2011, Haftar est revenu en Libye, où il est devenu un commandant clé de la force rebelle improvisée à l’est du pays.

Le GNA est en grande partie aligné avec Misrata, la ville la plus puissante militairement, à l’ouest de la Libye.

Les frontières sont poreuses et rien n’empêche les interférences extérieures. Par exemple, tout à coup, les forces de Misrata furent en possession d’avions militaires pour bombarder la base aérienne de Barak Al-Shati, dans le sud de la Libye. Les avions n’ont pas pu tomber du ciel et pourraient avoir été donnés par les États du golfe Persique, par exemple l’Arabie saoudite, avec l’approbation de Washington.

La Libye est un problème qui va bientôt faire les gros titres des médias. Le pays est trop important pour être ignoré. Une situation où tout le monde se bat contre tout le monde ne peut pas durer longtemps. La Russie et les États-Unis devront ajouter cette question à leur programme de sécurité.

Le chef militaire libyen Khalifa Haftar a déjà demandé à Moscou d’intervenir. Il bénéficie également de bonnes relations de travail avec le HoR. La délégation du parlement libyen s’est rendue à Moscou. Il n’est pas étonnant que ce soit à la Russie et non aux États-Unis, à la France ou tout autre État occidental, que le chef militaire libyen ait demandé de l’aide. Les Libyens se souviennent bien de l’intervention de l’OTAN en 2011 et ne font pas confiance en l’Occident, surtout en raison de son incapacité à obtenir des résultats positifs en Syrie. L’opération russe dans ce pays a changé le paysage politique et renforcé la position de Moscou parmi les pouvoirs de la région. Il est important que, contrairement aux États-Unis, la Russie jouisse d’une bonne relation avec l’Égypte et de bonnes relations de travail avec les Émirats arabes unis, les pays qui soutiennent le général Haftar.

Les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN ont déjà été impliqués militairement en Libye, avec leurs forces opérationnelles spéciales et leurs drones opérant dans le pays. Alors que la guerre libyenne est entrée une nouvelle phase, il est important de préciser ce qu’est la position des États-Unis.

Selon le Guardian, Sebastian Gorka, l’assistant adjoint de Donald Trump, pousse pour un plan de division de la Libye et a même dessiné, sur une serviette de table, la façon dont le pays pourrait être divisé en trois zones, lors d’une réunion avec un diplomate européen de haut rang. On dit que Gorka est en compétition pour le poste d’envoyé spécial présidentiel de la Maison Blanche en Libye, un poste qui doit encore être officiellement annoncé. Le plan de partitionnement du pays en trois sections est basé sur les anciennes provinces ottomanes de la Cyrénaïque à l’est, de la Tripolitaine au nord-ouest et du Fezzan au sud-ouest.

Les États-Unis ont déjà essayé cela auparavant. Le Kosovo est un exemple. L’Irak est devenu une nation divisée, à la suite de l’invasion des États-Unis en 2003. Le gouvernement irakien du Kurdistan a récemment annoncé qu’il organiserait un référendum sur l’indépendance cette année. Les États-Unis ont joué un rôle décisif dans le partage du Soudan en 2011. Maintenant, le monde doit régler les problèmes du Sud-Soudan avec ses conflits internes, la faim et la pauvreté.

Les leçons de l’histoire devraient être apprises. La communauté internationale ne peut pas laisser le pays seul, mais cette fois il devrait y avoir un effort international concerté, appuyé par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU. Avec la guerre en cours, il est difficile d’imaginer que le pays puisse avoir un gouvernement uni pour demander de l’aide extérieure et la rendre légitime. Mais toute opération internationale approuvée par l’ONU est impensable sans la Russie. La nécessité de normaliser la situation en Libye unit, plutôt qu’elle ne les divise, la Russie et l’Occident. Mais toute idée de division du pays est inacceptable. Le Moyen-Orient a connu suffisamment de divisions comme cela. La Libye, la Syrie, le Yémen et d’autres pays devraient rester des États souverains non partitionnés.

Peter Korzun

Traduit par Wayan, relu par nadine pour le Saker Francophone

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