Par Dmitry Orlov – Le 11 juin 2019 – Source Club Orlov
Il n’y a aucune raison particulière pour laquelle vous devriez en être conscient, mais HBO, en collaboration avec British Sky, a créé une mini-série sur la catastrophe de Tchernobyl. Je ne l’ai pas regardé, mais j’ai lu de multiples analyses et discussions à ce sujet de la part de ceux qui l’ont fait, et qui peuvent aussi prétendre que la catastrophe de Tchernobyl constitue leur domaine d’expertise particulier. En me basant sur leur verdict collectif, je ne la regarderai pas, parce que c’est largement de la merde et que j’ai beaucoup mieux à faire de mon temps et sans doute vous aussi. La mini-série n’est pas intéressante ; ce qui l’est, c’est pourquoi et comment elle a été faite. Forts de cette compréhension, nous saurons ce qu’il faut surveiller.
Tout d’abord, soulignons que HBO et Sky ne sont que des divisions mineures au sein de deux grands conglomérats médiatiques, WarnerMedia (valeur de 85,4 milliards $) et Comcast (valeur de 187 milliards $). Si ces mini-séries étaient un exercice de propagande russe, commandé par le Kremlin, elles auraient été faites par les entités publiques VGTRK et First Channel ; mais les États-Unis (et leur filiale britannique) sont dirigés par une oligarchie qui mène ses exercices de propagande par l’intermédiaire de sociétés privées. Néanmoins, il s’agit toujours d’un exercice de propagande, et il est très intéressant de se demander ce qui fait l’objet de propagande et dans quel but.
Le scénario semble s’inspirer du livre Chernobyl Prayer de Svetlana Alexievich, une romancière biélorusse qui écrit en russe. Bien que Wikipédia prétende qu’elle est journaliste d’investigation et historienne, son vrai genre est la fantaisie historique de variété macabre et a tendance anti-russe. Cela fonctionne bien pour ceux qui aiment la manipulations de leurs émotions négatives mais pas du tout pour ceux qui apprécient une perspective équilibrée et l’objectivité. Vous savez, quand je vois cette femme écrivain s’auto-glorifiant de sa prose sans queue ni tête, je pense qu’un carnage sanglant pourrait aussi bien être interprété comme un de ces actes altruistes d’héroïsme patriotique par des hommes dont les sacrifices ont permis de construire et de préserver la grande nation Russe. Oh, mais Alexievitch n’est même pas russe ; elle a juste emprunté la langue et la culture russes pour se faire un peu d’argent.
Un autre de ses livres, portant sur le conflit afghan, a été largement discrédité par ceux qui y ont pris part. Elle l’a écrit après seulement 20 jours de visite à Kaboul, cinq mois avant le retrait de l’Union soviétique d’Afghanistan, et ce n’était qu’une pure fiction du début à la fin. Mais la russophobie paie (en Occident) et Alexievitch a reçu le prix Nobel de littérature (qui a toujours été très politisé). En guise d’hommage, je suppose qu’Alexievitch a été insérée directement dans le scénario de la mini-série HBO sous le nom d’Ulyana Khomyuk, une sorte d’Erin Brockovich ukrainienne.
La mini-série a été louée pour son attention obsessionnelle et compulsive aux détails du mode de vie de la fin de l’ère soviétique. Apparemment, aucun effort n’a été épargné dans la collecte d’accessoires d’époque dans les marchés aux puces bélarusses et ukrainiens, et ceux qui ont vécu en URSS pendant cette période ont été impressionnés par la vraisemblance de la situation. Mais c’est là ma limite aux louanges de ce spectacle ; le reste n’est qu’une litanie de mensonges, comme en témoignent les très longues listes de montages et de déformations compilées par plusieurs analystes qui ont une expérience directe et approfondie de la catastrophe. Je ne peux pas vous recommander de le regarder ; je sais que je ne le ferai pas. Comme je l’ai dit, le spectacle lui-même n’a pas d’importance ; ce qui importe, c’est pourquoi il a été fait, et ce que cela signifie.
D’après toutes mes recherches, les accidents nucléaires majeurs sont rarement accidentels. Ceux qui sont vraiment accidentels sont étouffés ; ceux qui ne le sont pas font l’objet d’une large publicité. Vous avez probablement entendu parler de Three Mile Island, de Tchernobyl et de Fukushima, mais avez-vous entendu parler de l’incendie du réacteur Windscale à Sellafield au Royaume-Uni en 1957 ? Il a brûlé pendant trois jours et a propagé de la contamination radioactive dans tout le Royaume-Uni et en Europe. C’était un véritable accident : quelqu’un a oublié d’allumer les ventilateurs de refroidissement, et quelqu’un d’autre a préféré s’asseoir autour d’une tasse de thé au lieu de répondre à une alarme.
En ce qui concerne les trois autres, il y a une forte odeur de mystère autour eux. Dans le cas de Three Mile Island, les vannes commandant le débit d’un circuit de refroidissement secondaire ont été inexplicablement laissées fermées pendant plusieurs quarts de travail. Lorsqu’une surchauffe s’est produite, le réacteur a dû être arrêté à la hâte, ce qui a été le cas. Néanmoins, les opérateurs ont ensuite utilisé des pompes de circulation jusqu’à ce que le sommet des assemblages de combustible soit exposé à l’air et surchauffé, libérant de l’hydrogène et des isotopes radioactifs gazeux dans l’enceinte de confinement du réacteur. Les opérateurs ont ensuite évacué le gaz radioactif dans un vase d’expansion à l’extérieur du réservoir de confinement, mais la soupape d’évent s’est coincée et l’évacuation des gaz s’est poursuivie jusqu’à ce que le vase d’expansion doive lui même être vidé dans l’atmosphère. Il en a résulté une radioactivité très petite, trop petite pour être mesurée de façon fiable au-dessus du rayonnement naturel de fond et certainement trop petite pour avoir des effets néfastes mesurables sur la santé publique.
Quand on multiplie les probabilités de toute la cascade d’événements qui ont mené à ce petit prout radioactif, on obtient une probabilité infinitésimale de l’événement dans son ensemble, si faible qu’elle fait rêver. Dans le même temps, de grands efforts ont été déployés pour plonger la population dans un état de panique et provoquer une évacuation tout à fait inutile au cours de laquelle 17 personnes sont mortes dans des accidents de voiture alors qu’elles fuyaient dans la terreur. Comme toujours, il est utile de demander, cui bono ? Qui a profité de cet exercice ridicule consistant à mettre en scène d’abord un accident ahurissant et peu probable, puis à le rendre public dans le but de fouetter le public dans un paroxysme de peur et de désespoir ? La réponse, sans surprise, est que cela semble avoir été fait dans l’intérêt de la bureaucratie fédérale. Vous voyez, l’énergie nucléaire est l’une des industries qui est le plus souvent, et avec le plus de succès, organisée comme un monopole gouvernemental, mais aux États-Unis, l’idéologie de la libre entreprise impose qu’elle soit gérée par des entreprises privées. Pour que le gouvernement fédéral puisse exercer un contrôle sur l’industrie nucléaire (ce qu’il a fait), il a dû miner complètement la confiance du public dans l’industrie nucléaire privée (ce qu’il a fait).
Regardons maintenant Fukushima. Là, trois réacteurs étaient en marche au moment du tremblement de terre et du tsunami, et tous les trois ont été arrêtés avec succès. Néanmoins, au cours des jours suivants, les trois réacteurs ont fondu, environ un par jour. La raison invoquée pour expliquer ces fusions est qu’il n’y avait pas d’électricité pour alimenter les pompes de refroidissement parce que le réseau électrique était hors service pendant que les génératrices diesel de secours étaient inondées par le tsunami.
Mais il y a plus dans cette histoire. Voici quelques points à considérer :
- Les centrales nucléaires sont construites avec beaucoup de béton, de barres d’armature, de tôles d’acier et d’autres matériaux très résistants qui peuvent résister à n’importe quel tsunami ; mais les portes du bâtiment qui contenait les générateurs diesel étaient faites de… contreplaqué ! C’est vrai, elles avaient été spécialement conçues pour se détacher en étant touchées par un peu d’eau. Un écran coulissant en papier de riz huilé avec un dessin du Mont Fuji dessus aurait tout aussi bien fonctionné.
- Les moteurs diesel peuvent fonctionner même lorsqu’ils sont complètement immergés, à condition que leurs prises d’air soient équipées de tubas et ils ne sont pas trop difficiles à redémarrer même après avoir été inondés. Si des réservoirs d’air comprimé sont disponibles, ils peuvent être redémarrés sans électricité. Mais dans ce cas, les tableaux électriques (qui ne réagissent pas bien à l’inondation) étaient installés dans le sous-sol qui s’est rempli d’eau.
- Les séismes naturels ont une certaine signature spécifique sur un sismographe : ils commencent petits et grossissent à mesure que la roche déplacée prend de la vitesse. Les explosions nucléaires, par contre, commencent par un big bang instantané, puis s’atténuent à mesure que les ondes de choc se propagent loin de l’épicentre. Le tremblement de terre de Fukushima est l’imposition des deux signatures : il ressemble à une charge nucléaire en profondeur qui déclenche un tremblement de terre… qui produit le tsunami qui inonde Fukushima (parce qu’il a été délicatement arrangé à cette fin).
- Au moment du tremblement de terre et du tsunami, le porte-avions américain USS Ronald Reagan naviguait au large des côtes, près de l’épicentre du tremblement de terre, et un groupe de marins qui s’y trouvaient ont été empoisonnés par les radiations (ils ont ensuite poursuivi le gouvernement américain pour les dommages qu’ils avaient subis et reçu une compensation financière).
- Au moment de la catastrophe de Fukushima, un important rejet de césium 137 radioactif a été cartographié par satellite, et l’emplacement du rejet n’était pas au-dessus de Fukushima mais à plusieurs centaines de milles au large, près de l’épicentre du séisme. De là, il s’est répandu sur toute la planète. Les calculs ont montré que les réacteurs de Fukushima n’auraient pas pu produire la quantité requise de Cs-137, cela aurait nécessité l’utilisation d’une bombe nucléaire.
- Au moment de la catastrophe de Fukushima, l’industrie nucléaire américaine était également confrontée à une grave pénurie d’uranium enrichi. Au cours des années précédentes, elle fonctionnait avec du combustible à oxyde mixte fourni par la Russie dans le cadre du programme mégatonnes-mégawatts, dans le cadre duquel la Russie broyait son plutonium excédentaire, le combinait avec de l’uranium et le fournissait aux États-Unis pour un prix modique, mais ce programme devait prendre fin. Entre-temps, les efforts pour construire des installations d’enrichissement d’uranium aux États-Unis n’ont pas été couronnés de succès (les anciennes méthodes basées sur la diffusion n’étaient plus praticables alors que les centrifugeuses à gaz sont très difficiles à concevoir).
- Si les centrales nucléaires américaines ne pouvaient plus être ravitaillées en combustible (et il y en a une centaine environ), les États-Unis auraient été confrontés à de graves pannes de courant. Mais le Japon disposait d’une capacité de production de secours à base de combustibles fossiles pour la totalité de sa capacité de production d’énergie nucléaire, et ses centrales nucléaires pouvaient être arrêtées sans déclencher de coupures de courant. Gérer cette crise sur une base commerciale aurait entraîné des tarifs d’électricité exorbitants, déclenchant une vague de faillites et provoquant un effondrement financier.
- Le Japon n’est pas une nation souveraine mais reste sous occupation militaire américaine depuis la Seconde guerre mondiale. Son industrie nucléaire a été contrôlée par les États-Unis par l’intermédiaire d’importants entrepreneurs gouvernementaux tels que General Electric. Les États-Unis avaient déjà atomisé le Japon une fois auparavant, il y avait donc un précédent. La catastrophe dramatique de Fukushima, qui a provoqué une surenchère dramatique, a rendu l’opinion publique japonaise extrêmement hostile à l’utilisation de l’énergie nucléaire, ce qui a résolu le problème de la pénurie d’uranium enrichi de manière satisfaisante.
Passons maintenant à la catastrophe de Tchernobyl. Il s’agit de loin de la pire catastrophe nucléaire de l’histoire, car là c’est tout le contenu d’un réacteur nucléaire qui a été craché dans le ciel, répandant une contamination radioactive à longue durée de vie sur une très grande superficie. Et, une fois de plus, la théorie selon laquelle il s’agissait d’un accident semble beaucoup plus faible que la théorie selon laquelle il ne s’agissait pas d’un accident. Voici quelques points pour nous aider à peser le pour et le contre.
Pour simplifier les choses, les réacteurs nucléaires sont comme des voitures : sûrs s’ils sont exploités en toute sécurité, manifestement dangereux s’ils ne le sont pas. Si, en roulant sur l’autoroute, vous lâchez le volant et accélérez, vous risquez fort de vous écraser et de brûler. Vos commandes manuelles en entrée de ce système empêchent la voiture de « passer en mode critique ». Il en est de même avec un réacteur nucléaire ; des entrées de contrôle correctes et opportunes l’empêchent d’exploser.
Les réacteurs nucléaires sont un peu plus difficiles à faire fonctionner que les voitures. Dans le cas des voitures, chaque fois que vous appuyez sur l’accélérateur ou sur le frein, l’effet est à peu près le même. Mais les réacteurs nucléaires ont une mémoire et peuvent se trouver dans n’importe quel état selon la façon dont ils ont été exploités. Bien qu’une grande partie de l’énergie qu’ils produisent provient de la désintégration nucléaire de l’uranium et du plutonium, une fraction très importante provient de la désintégration d’éléments plus légers qui sont produits au cours du processus, chacun ayant un ensemble de caractéristiques et des demi-vies différent. Dans notre analogie avec la voiture, dans certaines conditions, appuyer soudainement sur l’accélérateur fera exploser votre voiture. Vous devez accélérer très lentement et doucement, en gardant un œil sur la jauge de température.
Contrairement à une voiture, un réacteur nucléaire n’a pas une pédale d’accélérateur et des freins ; il n’a que des freins. Ils sont appelés barres de contrôle et les insérer dans le réacteur amortit la réaction alors que les retirer partiellement accélère la réaction. Mais si on les retire complètement, on risque de provoquer un accident nucléaire. Le type de réacteur nucléaire utilisé à Tchernobyl, le RBMK-1000, avait une étrange bizarrerie. Normalement, si la réaction devient incontrôlable, pousser les barres de contrôle à fond est un bon moyen de la maîtriser. Mais avec le RBMK-1000, les pousser jusqu’au bout accélère la réaction, au début. Ce phénomène a été découvert dans un autre RBMK-1000 à Leningrad, 11 ans avant Tchernobyl, où une fusion complète a été évitée par pur hasard. Bien que les rejets de contamination radioactive aient été de 30 à 50 fois plus faibles qu’à Tchernobyl, ils ont été importants. Néanmoins, il n’y a pas eu de battage médiatique ni d’attention médiatique d’aucune sorte et l’incident a été en grande partie gardé secret – un signe certain d’un véritable accident nucléaire par opposition à un accident artificiel.
L’expérience de Leningrad a ensuite été étudiée et de nouvelles procédures et normes d’exploitation ont été établies afin d’éviter la répétition de l’erreur qui avait conduit à l’accident (qui consistait à arrêter le réacteur, puis à le redémarrer trop tôt ou trop rapidement, puis à le forcer à l’arrêter de nouveau). Néanmoins, c’est précisément ce qui s’est passé à Tchernobyl, 11 ans plus tard. Diverses personnes blâment divers facteurs. L’un d’entre eux a été la décision administrative de transférer les centrales nucléaires du ministère de la Moyenne industrie (code de l’industrie nucléaire) au ministère de l’Énergie qui n’avait aucune expérience de l’énergie nucléaire et qui a nommé des personnes politiques inexpérimentées à des postes de responsabilité dans les installations nucléaires.
L’accident de Tchernobyl était le résultat d’une expérience qui était soit stupide (s’il s’agissait bien d’un accident), soit modérément intelligente (si la catastrophe s’est produite comme prévu). Il reprend à peu près le scénario de l’accident de Leningrad. Il y a eu aussi une ingérence politique pure et simple : les appels téléphoniques du Kremlin ont retardé l’expérience, ce qui a fait en sorte que le réacteur est resté inactif plus longtemps, ce qui l’a rendu plus susceptible d’exploser lorsqu’il a été remis en marche soudainement.
Alors, qui sont les traîtres qui ont causé le désastre de Tchernobyl ? Ils étaient installés au Kremlin et leur chef de file était Mikhaïl Gorbatchev, qui a joué la plus grande réussite de toute sa vie en renonçant à son poste de premier et seul président de l’URSS alors que les dirigeants nationalistes brisaient l’ancien empire en 15 morceaux. Mais il a également obtenu d’autres résultats importants, comme le retrait des troupes d’Afghanistan de manière à rendre presque inévitable la propagation du djihad islamique dans le sud de la Russie. Mais Tchernobyl a définitivement été un chef-d’œuvre : la gestion de cette seule catastrophe a coûté à l’URSS la quasi-totalité de son PIB annuel, a causé des dommages considérables à sa réputation, et la gestion politique maladroite de la situation après la catastrophe a réussi à retourner une bonne partie de la population contre le gouvernement soviétique. Ce dernier élément n’a pas été un succès complet, comme en témoignent les résultats de divers référendums lors de la dissolution de l’URSS, car une grande partie de la population a voté pour sa préservation. Mais leurs souhaits ont été rejetés par … des traîtres.
Ce qui nous amène à la dernière question : Qu’est-ce qui inciterait deux conglomérats médiatiques occidentaux géants à faire un très gros chèque pour une mini-série relativement obscure et impopulaire qui est essentiellement un film d’horreur nucléaire taillé sur mesure pour calomnier la Russie ? Oui, le 30e anniversaire de la catastrophe est en effet un anniversaire, mais quoi d’autre ? En l’espèce, les faits pertinents semblent être les suivants :
L’ensemble de l’Ouest a pratiquement perdu la capacité de construire des centrales nucléaires. La seule nouvelle centrale nucléaire européenne achevée récemment se trouve en… Chine, et le projet n’a réussi que grâce à des essaims de spécialistes chinois qui ont documenté et rectifié toutes les erreurs commises par les Européens dans un réacteur similaire en France, qui n’est pas encore opérationnel. Un autre projet similaire en Finlande est en cours d’achèvement. Ces trois projets ont connu des retards absolument ahurissants (d’une décennie ou plus) et des dépassements de coûts vraiment ridicules. Quelques autres projets aux États-Unis languissent également dans un état d’inachèvement (le ministère de l’Énergie a récemment injecté des fonds fédéraux supplémentaires dans celui de la Géorgie).
Bien que les dommages causés à la santé humaine et à l’environnement par l’énergie nucléaire soient inférieurs de plusieurs ordres de grandeur à ceux causés par la production de combustibles fossiles, l’énergie nucléaire est profondément impopulaire en Occident sans compter l’expérience de Fukushima, au Japon. L’Allemagne a fermé ses centrales nucléaires. La France dépend toujours des siennes pour une grande partie de sa production d’électricité, mais à ce rythme, son parc de réacteurs vieillissants ne sera pas remplacé à temps. Les expériences menées jusqu’à présent dans le domaine des énergies renouvelables ont abouti à des tarifs d’électricité beaucoup plus élevés, ce qui a nui à la compétitivité de l’industrie européenne. Bref, l’Europe n’a pas de bonnes options en ce qui concerne la production d’électricité.
Pendant ce temps, le Russe Rosatom a mis au point le dernier VVER-1200 et dispose d’un carnet de bal complet pour construire, alimenter et exploiter des centrales nucléaires dans le monde entier. Rosatom possède aujourd’hui environ 2/3 du marché mondial des nouveaux projets d’énergie nucléaire. La Chine a également un programme très ambitieux pour développer sa capacité de production nucléaire. Ajoutez à cela le fait que la Russie a réalisé deux percées majeures dans le domaine de la technologie nucléaire.
La première percée a été la mise en service d’un surgénérateur : le BN-800 est en service commercial à Beloyarskaya AES depuis octobre 2016. Il s’agit d’un type de réacteur qui fabrique son propre combustible, puis d’autres à partir de l’uranium 238, extrêmement abondant mais généralement inutilisable. Tous ceux qui ont essayé de perfectionner cette technologie (les États-Unis, la France et le Japon) ont échoué et ont abandonné. Il s’agit d’une percée parce qu’elle résout deux problèmes majeurs : atténuer la pénurie d’uranium 235 d’origine naturelle et résoudre le problème des déchets nucléaires radioactifs à longue durée de vie, que les réacteurs de type BN peuvent brûler jusqu’à ce qu’ils soient suffisamment sûrs pour être enfouis.
La deuxième percée est l’introduction du cycle nucléaire en circuit fermé. Ceux qui obtiennent leur combustible nucléaire par le biais de contrats avec Rosatom n’ont pas à s’inquiéter de ce qu’il faut faire avec le combustible usé : après une période de refroidissement, Rosatom reprend les assemblages combustibles pour les retraiter. Le combustible usé est broyé et les éléments utiles sont extraits, enrichis, recombinés et utilisés pour fabriquer de nouveaux assemblages combustibles. Avec un flux constant d’armes nucléaires occidentales qui sont désarmées et démantelées, le simple fait de payer Rosatom pour enlever le combustible usé constitue une bonne solution là où il n’y en avait pas auparavant, réduisant les coûts du déclassement à un niveau que les budgets nationaux peuvent vraisemblablement supporter.
Alors, que peuvent faire les propagandistes occidentaux face à une situation où l’Occident languit sans aucune alternative énergétique que les programmes nucléaires de la Russie et de la Chine dont le développement s’accélère, laissant l’Occident sur place ? Pourquoi ? Bien sûr, la réponse est évidente : sortir un pseudo-documentaire basé sur la fantaisie-fiction d’une Russophobe hors limite, prix Nobel, pour salir la Russie et son industrie nucléaire ! La concurrence honnête est trop démodée. La nouvelle méthode occidentale pour réussir (ou pour essayer mais échouer) est d’éliminer ses concurrents mondiaux en utilisant tout ce qu’il faut : sanctions, fabrications d’infox, campagnes de diffamation… films d’horreur nucléaire.
Si certains pays sont assez riches pour produire des films d’horreur nucléaire à gros budget, d’autres n’ont pas cette chance. Par exemple, l’Ukraine est trop démunie pour faire quoi que ce soit d’artistique à une telle échelle, mais ce pays misérable, qui s’efforce tant bien que mal d’être un Mini-Moi pour le docteur Denfer américain, pourrait en fait essayer d’attirer l’attention internationale (et aider ses oligarques à voler) en créant un « accident » nucléaire. Il y a encore une douzaine de réacteurs nucléaires, qui produisent la majeure partie de son électricité, et ils sont – horreur de l’horreur – russes. Eh bien, non, ils sont en fait soviétiques : ils sont très vieux et devraient être définitivement fermés d’ici quelques années seulement. Espérons que les réacteurs nucléaires ukrainiens seront arrêtés et démantelés en toute sécurité (un sacré problème dans un pays qui n’aura alors plus de réseau électrique). Mais si un Tchernobyl 2.0 survenait, s’il-vous-plaît, ne prétendez pas que c’était un accident !
Le livre de Dmitry Orlov est l’un des ouvrages fondateur de cette nouvelle « discipline » que l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie » c’est à-dire l’étude de l’effondrement des sociétés ou des civilisations.
Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone
Ping : Chernobyl (mini série TV – 2019), réalisée par Johan Renck – Écritures…