Par Moon of Alabama – Le 1er mars 2025
Les quelque 40 premières minutes de la conférence de presse d’hier dans le bureau ovale (vidéo) se sont déroulées de manière tout à fait normale. Des questions ont été posées et des réponses ont été données de manière générale, en s’adressant au public. Il y a eu quelques plaisanteries. Puis une rupture s’est produite (vidéo) :
Tout a commencé lorsque JD Vance, le vice-président américain, est entré dans la conversation pour déclarer : « La voie de la paix et de la prospérité passe peut-être par la diplomatie ».
« Nous avons essayé la voie de Joe Biden, qui consiste à se frapper la poitrine et à prétendre que les paroles du Potus comptent plus que ses actes », a-t-il déclaré.
Pour quiconque a passé du temps dans ou autour de la guerre en Ukraine, un tel discours en simple lévitation sur la « diplomatie » – comme si elle signifiait quelque chose sans une force concrète pour la soutenir – est d’une naïveté exaspérante.
Zelensky aurait probablement dû laisser couler. Mais il ne l’a pas fait.
« Je peux vous poser une question ? » demanda-t-il en se penchant vers M. Vance.
« Bien sûr », a répondu M. Vance.
…
« De quel type de diplomatie, JD, parlez-vous ? Que voulez-vous dire ? »
Ce fut l’erreur.
S’en est suivi un flot d’invectives sur l’ingratitude ukrainienne – devant les médias du monde entier.
Pour quiconque se souvient que le conflit ukrainien a été initié par les États-Unis, l’hypocrisie dont il est question ici est accablante.
Comment peut-on, comme le font Trump et Vance, déplorer que la guerre ait détruit l’Ukraine et entraîné la mort d’innombrables personnes sans raison valable et, dans le même temps, demander à l’Ukraine d’être reconnaissante pour tous les « conseils », les armes et l’argent que les États-Unis ont donnés en premier lieu pour entraîner l’Ukraine dans cette guerre et la mener.
Mais Zelenski n’a pas été contrarié par l’hypocrisie des États-Unis. Il a été contrarié qu’on lui dise de faire la paix.
Sa mauvaise humeur augmentait déjà depuis un certain temps. Fin 2023, Simon Shuster avait dressé un portrait de Zelenski pour le Time :
Lors de mon premier jour à Kiev, j’ai demandé à un membre de son entourage comment se sentait le président. La réponse est venue sans une seconde d’hésitation : « En colère ».
…
[Zelensky se sent avant tout trahi par ses alliés occidentaux. Ils l’ont privé des moyens de gagner la guerre, lui donnant seulement ceux permettant de survivre.
Mais ses convictions n’ont pas changé. Malgré les récents revers sur le champ de bataille, il n’a pas l’intention d’abandonner le combat ni de demander une quelconque paix. Au contraire, sa croyance en la victoire finale de l’Ukraine sur la Russie s’est durcie et inquiète certains de ses conseillers. Elle est inébranlable, à la limite du messianisme. « Il se fait des illusions », me dit l’un de ses plus proches collaborateurs, frustré. « Nous n’avons plus d’options. Nous ne sommes pas en train de gagner. Mais essayez de le lui dire ».
Trump et Vance ont essayé de le lui dire – Zelenski a explosé. Certains disent qu’il s’agissait d’un piège ou d’un coup monté. D’autres, comme moi-même, ne sont pas d’accord. C’est Trump qui voulait que l’« accord sur les minéraux » soit signé. Pourquoi le saboterait-il ?
Il aurait été facile pour Zelenski de ne pas réagir à la remarque de Vance, mais il a commencé à se disputer. Il rêvait peut-être même de le mettre KO.
L’incident, qui s’est déroulé au vu et au su du public américain, permettra à Trump de faire passer l’Ukraine pour le mauvais plan qu’elle est aujourd’hui. Comme je l’ai commenté hier :
Que va faire Trump maintenant ?
La meilleure hypothèse :
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Il se retirera de l’Ukraine. (Pas d’accord sur les terres rares ou quoi que ce soit d’autre).
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Les Européens seront ignorés (Macron l’avait exhorté à rencontrer Zelenski —> raté !)
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Il conclura un accord avec la Russie. Terres rares, levée des sanctions et bien plus encore.
Zelenski ne semble pas regretter sa décision et n’a pas présenté d’excuses.
Entre-temps, l’USAID a interrompu les réparations du réseau énergétique ukrainien. D’autres aides américaines sont fortement menacées :
La secrétaire de presse de l’administration Trump, Caroline Leavitt, a déclaré que les États-Unis ne fourniraient plus d’assistance militaire à l’Ukraine, leur priorité étant les négociations de paix. Cette décision fait suite à la controverse suscitée par la visite de Zelensky.
« Nous n’allons plus signer des chèques en blanc pour une guerre dans un pays très éloigné sans perspective de paix réelle et durable », a déclaré Mme Leavitt.
Zelenski espère encore que l’Europe le soutiendra. Mais si certains robots européens prétendent soutenir l’Ukraine, ils n’ont ni les hommes, ni l’argent, ni les armes pour le faire. Il n’y a pas d’unité européenne sur ce sujet :
La Lettonie, la Lituanie et l’Estonie sont « très mécontentes » d’avoir été trahies en étant exclues du sommet sur l’Ukraine qui se tiendra demain à Londres. Elles « ont un plan… mais elles n’ont pas été invitées » – Sky News
Zelenski devra partir – d’une manière ou d’une autre. Son ancien conseiller, le sournois Oleksy Arestovych, se propose déjà comme remplaçant :
Arestovych @arestovych – 14:03 UTC – 1 Mars 2025
– Zelensky ne propose pas seulement la guerre, il propose la guerre sans armes.
Il a affaibli l’armée (il a fait échouer 55% du plan d’achat de matériel de défense), a perdu le soutien des États-Unis et a divisé le pays.
Sans lui, l’Ukraine se battrait mieux et ferait la paix plus rapidement et plus efficacement.
Je suis pour la paix.
Il y a un moyen de s’en sortir : Zelensky, démission.
Les Russes sont les grands gagnants de cette affaire. L’Ukraine est en conflit avec son principal sponsor. L’alliance occidentale a éclaté. La ligne de front des ennemis s’effondre.
La Russie s’oppose à la principale exigence de Trump, à savoir un cessez-le-feu le long de la ligne de front actuelle. Mais c’est Zelenski à qui on reprochera de l’avoir saboté.
Je ne vois pas comment Zelenski peut s’en sortir.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.