Par Frank Shostak – Le 4 août 2016 – Source mises.org
Pour la plupart des experts, la déflation, qu’ils définissent comme une baisse généralisée des prix des biens et services, est une mauvaise nouvelle car elle génère des attentes d’une baisse plus prononcée des prix. Avec pour résultat, d’après eux, que les consommateurs retardent leurs achats de biens car ils s’attendent à pouvoir acheter ceux-ci à un prix plus bas dans un avenir proche. Cela affaiblit le flux global des dépenses et en retour affaiblit l’économie [Cela s’appelle une spirale déflationniste, NdT].
De là, ce genre de commentateurs maintient que les politiques contre la déflation empêcheront aussi l’effondrement. Si la déflation mène à un effondrement économique, alors les politiques qui inversent la déflation devraient être bonnes pour l’économie.
Inverser la déflation impliquerait d’introduire des politiques qui supportent une augmentation générale des prix des biens, c’est-à-dire de l’inflation. Ceci signifie que l’inflation pourrait effectivement être un agent de la croissance économique.
D’après la plupart des experts, un petit peu d’inflation peut effectivement être une bonne chose. Les penseurs dominants ont cette vision qu’une inflation de 2% n’est pas nocive à la croissance économique, mais qu’une inflation de 10% pourrait être une mauvaise nouvelle. Et effectivement, la Fed cible une inflation de 2%.
Donc, nous pouvons conclure qu’à un niveau d’inflation de 10%, il est probable que les consommateurs vont s’attendre à une hausse de l’inflation. En accord avec une pensée répandue, en réponse à un taux d’inflation élevé, les consommateurs accéléreront leurs dépenses en biens de consommations dès à présent, ce qui devrait propulser la croissance économique.
Alors pourquoi un taux d’inflation de 10% ou plus est-il vu par les experts comme une mauvaise chose ? Clairement, il y a un problème avec les définitions populaires de l’inflation et de la déflation.
Fondamentalement, l’inflation n’est pas une augmentation des prix.
L’inflation n’est pas une question d’augmentation généralisée des prix en soi, mais une question d’augmentation de l’approvisionnement en argent. La règle veut que l’augmentation de l’approvisionnement en argent mette en mouvement une augmentation générale des prix. Ceci, cependant, n’est pas forcément toujours le cas.
Le prix d’un bien est le montant d’argent demandé par unité de ce bien. Pour un montant d’argent constant et pour une quantité de biens en augmentation, les prix vont en fait baisser.
Les prix vont aussi baisser quand le taux d’augmentation de l’approvisionnement en biens dépasse le taux d’augmentation de l’approvisionnement en argent. Par exemple, si l’approvisionnement en argent augmente de 5% et la quantité de biens de 10%, les prix baisseront de 5%, ceteris paribus [toutes choses étant égales par ailleurs, en référence à la théorie de l’équilibre partiel entre l’offre et la demande, NdT].
Une chute des prix dans cet exemple ne peut pas cacher le fait que nous avons une inflation de 5%, ici dans l’augmentation de l’approvisionnement en argent.
L’augmentation des prix n’est pas le problème de l’inflation
La raison pour laquelle l’inflation est une mauvaise nouvelle n’est pas due à l’augmentation des prix en soi, mais aux dommages que l’inflation inflige au processus de formation de la richesse. Voici pourquoi.
Le principal rôle de l’argent est de remplir le rôle de moyen d’échange. L’argent nous permet d’échanger quelque chose que nous avons contre quelque chose que nous voulons.
Avant qu’un échange puisse prendre place, un individu doit avoir quelque chose d’utile qu’il peut échanger pour de l’argent. Une fois qu’il a obtenu l’argent, il peut alors l’échanger contre un bien ou des biens qu’il veut. Remarquez que par le moyen de l’argent nous avons ici un échange de quelque chose contre quelque chose.
Mais, maintenant, considérez une situation dans laquelle l’argent est créé à partir de rien − c’est précisément ce que fait un contrefacteur. Ce genre d’argent met en place un échange de rien contre quelque chose. Le contrefacteur échange l’argent imprimé contre des biens sans rien produire d’utile.
Le contrefacteur se sert dans l’ensemble des biens réels sans y contribuer d’une quelconque façon.
L’effet économique de l’argent créé à partir de rien est exactement le même que celui de la fausse monnaie, il appauvrit les générateurs de richesse.
L’argent créé à partir de rien détourne la vrai richesse vers le détenteur de l’argent nouvellement créé. Résultat, moins de richesse réelle est laissée pour financer les activités génératrices de richesse.
Ceci, à son tour, mène à un affaiblissement de la croissance économique. Rappelez-vous, seules les activités générant de la richesse peuvent générer de la richesse et par conséquent faire croître une économie.
Notez que le résultat de l’augmentation de l’approvisionnement en argent, ce qui est le cas actuellement, c’est plus d’argent par unité de bien, et donc des prix plus élevés. Ce qui compte, cependant, ce n’est pas l’augmentation des prix en soi mais l’augmentation de l’approvisionnement en argent qui met en place l’échange de rien contre quelque chose ou l’effet contrefaçon.
L’échange de rien contre quelque chose, comme nous l’avons vu, affaiblit le processus de formation d’une vraie richesse. Dès lors, tout ce qui promeut une augmentation de l’approvisionnement en argent peut seulement rendre les choses bien pires. Alors, puisque l’inflation est une augmentation de l’approvisionnement en argent, la déflation est une réduction de l’approvisionnement en argent.
Nous avons vu que les augmentations de l’approvisionnement en argent, c’est-à-dire l’inflation, développent différentes activités non productives, que nous pouvons aussi appeler activités de bulle.
Les politiques d’argent facile détournent les ressources vers des activités non productives
Parce que ces activités ne peuvent tenir sur leurs propres jambes (elles requièrent le détournement de la richesse des générateurs de richesse), l’accroissement des activités de bulle grâce à l’augmentation de l’approvisionnement en argent, affaiblit la capacité des générateurs de richesses à générer de la richesse.
Par conséquent, les politiques monétaires accommodantes destinées à contrer une chute des prix (c’est-à-dire à lutter contre la déflation), ne font rien de plus que de fournir un soutien aux activités non productives. Ce genre de politique peut produire l’illusion du succès aussi longtemps qu’il y a assez de générateurs de richesse pour financer les activités non productives.
Par exemple, dans une compagnie composée de 10 départements, 8 départements font des profits et les 2 autres des pertes. Un dirigeant responsable fermerait ou restructurerait les 2 départements qui font des pertes. Échouer à le faire détournera le financement des générateurs de richesse vers les départements déficitaires, affaiblissant ainsi les fondations de la compagnie en entier. Sans la fermeture, ou la restructuration des départements déficitaires, il y a le risque que la compagnie en entier puisse se mettre à flotter le ventre en l’air.
À partir de ce simple exemple, nous pouvons déduire qu’une fois que le pourcentage d’activités générant de la richesse baisse rapidement, il n’y aura pas assez de richesse pour soutenir une expansion de l’activité économique. Alors, l’économie tombera dans un marasme prolongé. Dans ces conditions, plus les banques centrales essaient de résoudre les symptômes, plus la situation empire.
Une fois, cependant, que les activités non productives sont autorisées à mourir et que les sources de l’augmentation de l’approvisionnement en argent sont scellées, on peut s’attendre à ce qu’une authentique expansion de vraie richesse s’ensuive. Avec l’expansion de vraie richesse pour un stock d’argent constant, nous aurons une chute des prix. Remarquez que le fait que les prix baissent à cause de la liquidation des activités non productives ou à cause d’une expansion de vraie richesse est toujours une bonne nouvelle. Dans le premier cas, cela montre que plus de financement sont maintenant disponibles pour la génération de richesse, alors que dans le second cas, cela montre que plus de richesses sont actuellement générées.
La principale menace pour l’économie n’est pas la déflation mais les politiques visant à la contrer.
Note du traducteur Préliminaire : Dans cette description d'une économie vertueuse, l'auteur passe pudiquement sous silence les conséquences de la déflation dans la situation actuelle. En effet, en cas de déflation, une très grande partie des centaines de trilliards (12 zéros) de dette devra être passée en pertes et profits. Un défaut sur la dette, qui n'est que la réalisation comptable de la situation actuelle, génèrera un chaos social et économique. Les populations supportent bien mieux l'appauvrissement progressif de l'inflation, bien qu'il ait le défaut de ne jamais s'arrêter. Actuellement, les décisions monétaires et économiques (politiques) sont basées sur les théories économiques néo-classiques ou monétaristes. Les économistes sont financés par les intérêts qu'ils défendent, les banques. Ils ont corrompu les travaux de Keynes qui défendait un coup de pouce fiscal ou monétaire temporaire pour relancer l'économie, mais uniquement s'il était remboursé lors de la reprise économique. Cette deuxième partie a été sciemment occultée par les banques qui vivent de la dette. Une autre proposition de Keynes visait à instaurer un système monétaire mondial autorégulateur empêchant un déséquilibre durable des balances commerciales (délocalisations), elle a aussi été laissée de côté lors de la signature des accords de Bretton Woods en 1944. (C'était une démarche globaliste, mais on obtient le même résultat avec l'étalon-or ou une concurrence monétaire.) Bref, ce qu'ils ont gardé des travaux de Keynes est une politique interventionniste favorable au capitalisme de copinage et aux banques. Ils ont discrédité l'école économique classique en se présentant comme des néo-classiques et en utilisant l'argument du laisser-faire quand ça les arrange. Mais pas pour Général Motors ou les banques too big to fail (trop grandes pour faire faillite). De la même façon que le nationalisme (le souverainisme, le patriotisme) a été discrédité par association au fascisme. Pourtant, si les peuples commencent à comprendre qu'ils ne pourront prendre leur avenir en main qu'une fois leur souveraineté retrouvée, ils sont encore loin de comprendre la nécessité de revenir à une politique économique classique. En effet, bien que l'exemple de l'article sur une compagnie ayant 10 départements soit basé sur le bon sens, au niveau macro-économique les populations ne voient dans cette école que la mauvaise publicité que lui ont fait les néo-classiques, la perte de leurs allocations et les licenciements. Ils ont oublié que pendant 40 000 ans, l'homme qui voulait survivre devait travailler et adapter sans cesse sa production à son environnement. Les gens de gauche sont de bonne foi. Ils veulent que l’État diminue les écarts de richesse par la redistribution. Cependant, ils refusent de voir qu'en pratique, l'intervention de l’État et de la Banque centrale dans l'économie n'a jamais eu que deux résultats : le capitalisme de copinage et l'appauvrissement général (U.R.S.S. et, prochainement, près de chez vous). Il faut revenir à une société du mérite où ce ne sont pas les intermédiaires et les marchands du Temple qui s'enrichissent mais les travailleurs (les producteurs) et les épargnants (ceux qui se privent de leur consommation aujourd'hui, pour augmenter leur consommation/production demain). Cela n'empêche en rien un corps social souverain de légiférer afin que l'activité économique ne lui porte pas préjudice. Il doit l'encadrer, fixer des limites (l'intérêt général) et non la contrôler. Le clivage gauche socialiste/droite néolibérale n'est qu'une diversion. Le but de l’ingénierie financière comme de l’ingénierie sociale est l'asservissement. Son remède est la liberté.
Pour continuer la réflexion, un article de Valérie Bugault :
Le renouveau du modèle d’entreprise capitalistique : un instrument de politique économique au service des peuples
Wikipédia:
Traduit par Hocine, vérifié par Wayan, relu par Catherine pour le Saker Francophone