Par Valérie Bugault − Le 19 novembre 2022
Co-organisatrice de ce colloque, j’ai l’immense joie de clore les débats en présentant la théorie juridique unifiée de l’entreprise.
L’entreprise multinationale est actuellement le vecteur privilégié de la concentration des capitaux et des richesses dans quelques mains anonymes et irresponsables qui se sont, par ce moyen, arrogé des pouvoirs « politiques ». Ce constat s’applique d’une façon générale à tout type de grande entreprise, pudiquement appelée multinationale mais réel conglomérat économique, y compris, et peut-être surtout, aux entreprises monétaires et financières, banques, hedges funds et autres fonds vautours… sans oublier les médias. Il résulte de ces constats une extrême nécessité de réformer le cadre juridique conceptuel dans lequel les relations économiques, nationales et internationales, s’inscrivent.
L’analyse précise des causes et des effets juridiques de cette tendance monopolistique démontre qu’il suffirait de peu de choses pour que l’entreprise perde la caractéristique de prédation économique, qui lui fut malheureusement assignée au XVIIème siècle, pour devenir le vecteur d’une organisation apaisée et sereine de l’activité humaine. Cette nouvelle fonction politique de l’entreprise aurait pour autre conséquence de remettre le commerce, qui fait incontestablement partie de la vie de la cité, à sa bonne place : une partie – la partie économique – d’un tout politique formé par l’État.
Ainsi, l’évolution du statut juridique de l’entreprise permettrait de créer les conditions d’un véritable renouveau des interactions politiques, géopolitiques et interétatiques, lesquelles sont actuellement endommagées par une incompréhension systémique liée au fait que, dans de très nombreux pays, les acteurs politiques apparents ne sont pas les décideurs réels, lesquels sont à rechercher dans le circuit anonyme des dominants économiques. C’est la raison pour laquelle une « simple » réforme de l’entreprise aurait tout à la fois des impacts majeurs sur l’organisation économique, sociale, politique et géopolitique des États et du monde.
C’est à cet objectif de politique nationale et internationale que propose de répondre la présente théorie unifiée de l’entreprise. A cet égard et accessoirement, la nouvelle entreprise répond également de façon très satisfaisante aux interventions précédemment entendues lors de ce colloque, qui ont mis en lumière à la fois les défauts conceptuels de l’entreprise et les défis auxquels les évolutions technologiques et sociologiques la confrontent.
Il nous reste, enfin, à ajouter que cette réforme proposée de l’entreprise, d’application simple, serait à elle seule de nature à faire échec – à tarir à la source – l’optimisation et l’évasion fiscales dans la mesure où les actionnaires ne seraient plus les seuls décideurs exécutifs, et ou à la fois l’objet social strictement défini et le renouvellement de l’appartenance étatique s’opposeraient à faire de l’entreprise une variable d’ajustement au seul service des appétits financiers internationaux de ses propriétaires.
La refondation proposée de l’entreprise doit être vue sous un quadruple aspect :
- Un rééquilibrage des pouvoirs de décision au sein de la direction ;
- Une réévaluation du concept « d’activité », qui dépasse le seul « commerce », et qui doit impérativement s’émanciper de la notion de « travail » ;
- La suppression de l’anonymat, de façon à permettre un retour au principe général de responsabilité individuelle, et enfin ;
- Un modèle unique d’organisation juridique de l’activité humaine, quelle que soit la nature de cette dernière, sous strict contrôle étatique.
L’objet social clairement et strictement définit, la transparence des acteurs, la limitation du nombre d’entités rattachées et l’appartenance étatique, complétés de l’énumération des droits et des devoirs afférents à chaque statut dans l’organisation de l’activité, sont autant d’éléments incontournables de la réforme de l’entreprise.
Rééquilibrage des rapports de force : égalité décisionnaire entre apporteurs de capitaux, qui financent, et apporteurs de travail, qui œuvrent à la réalisation de l’objet social
La réforme de l’entreprise passe, en premier lieu, de façon évidente par un nécessaire rééquilibrage des conditions d’attribution du pouvoir au sein de son organe de direction. L’idée est de faire évoluer le concept d’entreprise capitalistique afin de permettre un processus de co-décision entre les apporteurs de capitaux et les apporteurs de travail.
Précisons que ce principe général de co-décision, dont l’origine française appelée « participation » est à rechercher dans la doctrine sociale de l’Église développée au cours du XIXème siècle, va bien au-delà de la co-gestion1 inhérente au modèle germanique, notamment matérialisé dans l’idée de « mutuelle », que l’entreprise à mission prétend artificiellement reproduire en France.
En effet, la simple coopération prônée par le modèle germanique cède la place, dans le modèle français, à la mise en œuvre d’une réelle alternance dans la direction de l’entreprise entre d’une part ceux qui financent l’entreprise et d’autre part ceux qui œuvrent à la réalisation de son objet social ; cette alternance est renforcée par le contrôle strict du groupe qui n’est pas à la direction de l’entreprise par l’autre groupe.
Le modèle français ici préconisé distingue précisément les rôles et missions de chaque participant à l’entreprise, il est notamment explicité la différence fondamentale entre apporteur de capitaux minoritaires, passifs, et majoritaires, dits actifs car ils ont un pouvoir sur la direction de l’entreprise. Par ailleurs, le renouveau dans la direction de l’entreprise doit s’accompagner d’une gestion interne des équipes sur le modèle de l’entreprise libérée, modèle notamment élaboré et mis en œuvre par Jean-François Zobrist.
Le rééquilibrage du pouvoir décisionnaire permettra une meilleure approche politique, plus consensuelle et moins conflictuelle, puisqu’apporteurs de travail et de capitaux œuvreront structurellement de concert à la mise en œuvre de l’objet social, ceci pour le plus grand bénéfice de l’entreprise. L’approche structurellement conflictuelle entre salariés et patrons laissera place à une approche par consensus, laquelle générera à la fois un développement de l’activité économique plus satisfaisant et une approche sociale plus sereine de l’entreprenariat.
Les enjeux ici identifiés sont double : pacification des rapports sociaux et amélioration de l’efficacité économique. Étant précisé que si le développement de l’activité économique bénéficie à la seule entreprise, sa réalisation revêt un caractère politique et social car, in fine, la fluidité et le dynamisme économique profitent à toute la collectivité, au sens politique du terme.
Cette harmonisation des rapports économiques aura pour conséquence immédiate un retour à la tradition juridique française, notamment proclamée par l’équilibre des pouvoirs cher à Montesquieu. Cet équilibre fut volontairement rompu par la mise en œuvre du projet capitaliste d’origine hollando-britannique issu de l’époque des Grandes Découvertes et mis en œuvre par les grands financiers à l’origine du développement des premières Compagnies des Indes, Hollandaise et Britannique.
Ce projet, fortement inéquitable, s’est imposé à tous parce que les grands financiers qui en étaient à l’origine étaient les seuls à comprendre et maîtriser les enjeux des règles économiques qu’ils élaboraient dans le silence de leurs bureaux feutrés ; n’ayant aucun opposant, aucun adversaire et, par voie de conséquence aucune confrontation, ils ont pu aller le plus loin possible dans l’imposition à tous de leurs positions hégémoniques. C’est ainsi que le droit positif des pays européens a imposé le « partenariat public-privé » dont le seul objectif est, et fut, de systématiser la privatisation des profits et la nationalisation des pertes économiques, menant de facto et contre toute notre tradition civilisationnelle le principe d’accaparement au niveau d’un principe supérieur du droit. Nous parlons ici du modèle – en réalité pur contre-modèle – de droit commercialo-maritime à l’origine de ce qu’est devenu le droit anglo-saxon depuis l’époque où Olivier Cromwell a officialisé sa volonté impériale, volonté menée par les grands banquiers-financiers de l’époque.
Toutefois, l’ère du monopole de la compréhension des règles économico-juridiques techniques est aujourd’hui terminée, beaucoup de gens sont actuellement capables de comprendre et mesurer les enjeux, économiques mais aussi politiques, et les iniquités qui ont, et qui continueront mécaniquement, d’accompagner cette méthode asymétrique – disproportionnée, instable par construction – d’organisation des relations humaines.
La raison principale pour laquelle il importe de rééquilibrer intrinsèquement le pouvoir décisionnaire au sein même de l’entreprise – qui est le vecteur principal de toute organisation économique – est que ce rééquilibrage, beaucoup plus qu’une simple option, est la seule voie pour changer le paradigme sociétal. Il s’agit en effet d’ouvrir les yeux pour considérer la réalité du tableau : le paradigme actuel, organisé autour du monopole économique, est déficient car générateur à l’infini d’iniquité et de guerres internes et externes.
Pour revenir au substrat de l’entreprise, il faut considérer que sa raison d’être est d’exercer une activité à titre professionnel, c’est-à-dire à titre habituel et répété ; la vocation de l’entreprise n’est pas, et n’aurait jamais dû être, d’exercer une activité politique de type absolutiste.
L’entreprise est fondamentalement une méthode d’organisation collective de l’exploitation d’une activité ; cette organisation est matérialisée par une entité juridique. Il importe de considérer du point de vue juridique les enjeux précis de la notion d’activité. Nous allons voir que le rééquilibrage des rapports de force dans l’entreprise a pour corollaire un nécessaire réalignement du « travail » sur « l’activité ».
L’entreprise organise toute activité humaine… peu importe qu’elle réalise, ou non, un « travail »
Les multiples progrès techniques, et en dernier lieu les avancées de l’intelligence artificielle, ont pour conséquence une perte d’employabilité humaine. Or, la valorisation humaine dans la Société politique a, sur le modèle – et l’instigation – de la valorisation humaine dans les sociétés commerciales, été abusivement assimilée à la quantité de travail fournie par chaque employé, chaque salarié, au profit des détenteurs de capitaux.
L’effet le plus grave de cette évolution, véritable involution consistant à assimiler l’homme à l’activité économique lucrative qu’il produit, est une dépréciation radicale de l’homme, une négation de sa place dans le cycle naturel de l’organisation sociale.
Pour résumer, les évolutions technologiques successives ont mis en lumière l’ineptie conceptuelle ayant consisté à assimiler l’homme au travail qu’il pouvait fournir ; travail dont le résultat était par ailleurs essentiellement capté par les propriétaires de capitaux puisque le « salarié » n’a jamais eu aucun pouvoir décisionnel dans l’entreprise pour laquelle il dépensait l’essentiel de son temps de vie.
Prendre en compte les évolutions techniques est donc le moyen de réévaluer la place de l’homme dans le processus de création de richesse, matérielle et immatérielle, c’est-à-dire, in fine, dans son rapport à l’activité. Ce faisant, nous en venons à réévaluer l’inadéquation de l’offre juridique en termes d’entreprise aux besoins d’un sain développement économique, social et politique d’une Société humaine.
Le dictionnaire « Robert » définit « le travail » comme suit : « Ensemble des activités humaines organisées, coordonnées en vue de produire ce qui est utile ; activité productive d’une personne. » ; tandis que le Larousse promeut la définition suivante : « Activité de l’homme appliquée à la production, à la création, à l’entretien de quelque chose ».
Le Robert définit « l’activité » comme suit : « 1. Faculté ou fait d’agir. 2. Acte coordonné, et travaux d’origine humaine », tandis que le Larousse, plus précis, en donne les définitions suivantes : « 1. Ensemble de phénomènes par lesquels se manifestent certaines formes de vie, un processus, un fonctionnement. 2. Faculté, puissance d’agir ; manifestation de cette faculté. »
Le terme « travail », qui s’applique autant à un individu qu’à une entreprise, est spécieux2 car il correspond à une conception utilitariste de l’activité humaine consistant à assimiler l’activité humaine, dont le moteur est, par principe, immatériel, à la production, qui est de nature matérialiste. Dans ce contexte, le « travail » humain sera implacablement remplacé par la machine éventuellement dotée d’un certain pouvoir d’initiative, ce qui nous amène à la conclusion que l’homme n’a plus sa place sur Terre.
En revanche, l’activité humaine en tant que faculté d’agir est liée à la créativité et au libre arbitre propre à l’homme ; indépendante de toute productivité, l’activité existera tant que l’homme sera présent sur Terre. L’activité conserve à l’homme sa place tandis que le travail est une impasse aboutissant à nier l’utilité de l’homme au-delà de ses seules réalisations matérielles quantitatives.
En conséquence, prendre note des avancées technologique permet de repenser la place de l’homme dans l’entreprise et, au-delà, la place de l’homme dans toute Société humaine.
Les avancées de la science permettent en définitive de remettre l’homme au centre de la règle de droit et de l’organisation sociale ; ce qui est sa position naturelle et évidente étant donné que l’Homme écrit « la règle » : sans Homme, nulle règle. L’homme au centre de la règle de droit est aussi sa position naturelle historique en droit continental, lequel s’est historiquement organisé et structuré autour du droit naturel. Rappelons au passage que le droit continental est, à l’exclusion du droit anglo-saxon, à l’origine de la civilisation européenne.
Si l’on remplace le terme « travail » par le terme « activité », on remet nécessairement en cause le statut de « salarié » et, plus largement tout statut « d’employé », qui correspond à une catégorie de gens au service exclusif d’une autre catégorie (le travail au service du capital), qui fut celui de la majorité des humains sous le règne de l’entreprise telle que conçue depuis les Compagnies des Indes.
Remplacer le terme « travail » par « activité humaine » permet de réaligner les notions d’activité et d’objet social de l’entreprise, puisque l’objet social ne sera plus exécuté par les uns (employés) au seul profit des autres (apporteurs de capitaux).
Il n’existe aucune raison légitime de faire une distinction de nature entre l’activité humaine individuelle et « l’objet social » d’une entreprise, qui est la formalisation d’une exploitation collective (et non individuelle) d’une activité. Autrement dit, une même activité peut être mise en œuvre soit par un individu isolé soit par une entreprise (qui représente un groupe organisé d’individus œuvrant dans le même but) sans que la nature de cette activité en soit altérée ; rien ne justifie de qualifier différemment une même activité selon qu’elle est exploitée sous forme individuelle ou sous forme collective. Il faut bien distinguer entre les moyens mis en œuvre pour atteindre une activité, qui sont quantitativement plus important dans une entreprise que dans une exploitation individuelle, et la nature de l’activité.
En conséquence de ces considérations, nous proposons de remplacer, d’une façon générale, le terme « travail » par le terme « activité ».
Ainsi compris, les « apporteurs de travail » deviennent des « exploitants d’activité », autrement dit des individus disposant de leur libre arbitre qui mettent volontairement, sans contrainte productiviste et sans sujétions hiérarchique statutaire artificielle, leur activité au service d’un objectif professionnel déterminé par l’objet social de l’entreprise.
Suppression de l’anonymat capitalistique et retour corrélatif de la responsabilité individuelle
Afin de donner sa réelle profondeur à la réforme de l’entreprise, il est tout à fait indispensable de rendre apparent ce qui est caché, de rendre public les réels détenteurs de capitaux, qui sont les bénéficiaires finaux de l’activité économique, au même titre que le sont les « exploitants d’activité » aussi appelés apporteurs de travail.
Cette transparence renouvelée permettra d’affecter à chacun des groupes participants à l’entreprise le pouvoir juridique et la responsabilité corrélative qui lui reviennent tant à titre individuel qu’à titre collectif.
La réforme proposée de l’entreprise réhabilite le concept de responsabilité individuelle, clairement identifiée, de chaque participant en supprimant l’anonymat capitalistique. Chaque membre de l’entreprise a des droits et des devoirs relativement à l’organisation juridique de cette dernière.
Le détail des rôles et la description du champ d’action des différents participants à l’entreprise sont décrits dans mon livre « la nouvelle entreprise ». Les participants à l’entreprise sont répertoriés sur un registre public.
Les entreprises sont de taille limitée, à la fois en nombre de participants, en capitaux investis et produits ainsi qu’en sites d’activité autorisés.
Cette nouvelle entreprise se conçoit dans le seul cadre national ; la nationalité de l’entreprise impose le respect des règles impératives d’ordre public édictées par l’État. En contrepartie, toute implantation de l’entreprise à l’étranger, qui est elle-même limitée à la fois en termes de sites et en termes de capitaux, bénéficie de la protection diplomatique de l’État.
Parmi les règles impératives, dites d’ordre public, édictées par l’État se trouve l’interdiction de cumuler différentes entités juridiques permettant d’aboutir à un schéma d’opacité quant aux donneurs d’ordre et bénéficiaires finaux des montages ; se trouve aussi la limitation des intervenants, qu’ils soient apporteurs de travail ou de capitaux, ainsi que leur identification précise et nominale dans les statuts, publics, de l’entreprise. Chaque individu ne peut intervenir, au choix, soit à titre d’apporteur de capitaux, soit à titre d’apporteur de travail – renommés en « apporteur d’activité » – que dans un nombre limité d’entreprises.
Les conséquences de cet aspect de la réforme proposée de la structure capitalistique de l’entreprise sont d’ordre politique et géopolitique.
Il s’agit, pour les États (au sens politique du terme), de récupérer leur capacité de réguler l’économie et, par voie de conséquence, de reprendre en main leur souveraineté juridique et économique. Cette réforme rendrait aux États la capacité de contrôler les entreprises alors qu’actuellement, vous n’êtes pas sans savoir, que ce sont les multinationales qui ont tendance à contrôler tant les États que les institutions internationales.
L’entreprise en tant que personnalité professionnelle devient la forme unique d’organisation économique et sociale
La nécessité d’organisation de la vie collective, y compris dans sa composante économique, ne doit pas occulter l’objectif de toute collectivité qui est son développement.
Satisfaire cette exigence nécessite que soit définitivement clarifiée le statut juridique de l’entreprise. A cet égard, l’entreprise ne doit pas être considérée en tant que « personnalité morale », ce qui n’a aucun sens, mais en tant que « personnalité professionnelle ».
Cette « personnalité professionnelle », qui existe à côté de la personnalité juridique individuelle, dispose d’un patrimoine professionnel.
Le patrimoine professionnel a la nature d’un patrimoine d’affectation, il sert à réaliser l’objet social qui est le but que l’entreprise – comprise comme une organisation collective – se propose de remplir. L’objet social est la justification ultime de l’existence juridique de la personnalité professionnelle.
Ainsi comprise, la « nouvelle entreprise », forme unique d’organisation professionnelle, a pour finalité de remplacer utilement tous les types d’entreprises, civiles ou commerciales, fondation, coopérative association et mutuelle y compris.
La multiplicité des formes juridiques est tout à fait contreproductive si l’on considère que l’objectif du développement économique est, non pas l’enrichissement illimité et inepte de quelques personnes, mais le développement de la Société politique, qui profite à tous ses membres. Il faut bien comprendre que la complexité de la règlementation de l’entreprise actuellement en vigueur est en réalité une arme destinée à maintenir sous contrôle les PME de façon à éviter que le foisonnement de la créativité humaine ne porte atteinte au concept d’accaparement qui émane de toute l’organisation économique actuelle.
Si l’activité humaine nécessite d’être encadrée et coordonnée, on ne doit pas considérer cette nécessité comme un objectif (ce qui serait stérile) mais comme un simple moyen de réaliser l’objectif final, qui est le développement de la Société politique dans son ensemble.
Ainsi, la « nouvelle entreprise » propose une formule unique d’organisation de l’activité humaine, quelle que soit par ailleurs sa qualification actuelle d’onéreuse ou à titre gratuit.
En effet, et sauf à reconnaître officiellement l’esclavage comme une valeur sociale disposant d’une reconnaissance juridique (ce qui est, de façon inavouée mais réelle, le cas de la situation actuelle), aucune activité humaine ne saurait être faite à titre gratuit, toute activité déployée individuellement doit être récompensée par une reconnaissance collective, qui prend la forme d’une due rémunération assortie d’un statut adéquat, laquelle permet à son tour le développement des échanges. Ce phénomène reste vrai quelle que soit la nature intrinsèque de cette activité : physique ou intellectuelle, productrice de bien matérielle ou dispensatrice d’une amélioration sociale matérielle ou morale.
Il reste à rappeler que l’activité de l’entreprise est matérialisée par le but à atteindre, autrement dit par l’objet social. Cet objet social est à la fois la raison d’être, la légitimité juridique de l’entreprise et le but qu’elle se propose d’atteindre. L’objet social doit en conséquence être limité, et refléter une activité tangible réelle et crédible ; il doit être restreint, clair cohérent, réaliste, et respecter la moralité publique, laquelle se traduit par la mise en œuvre de la responsabilité juridique afférente à toute activité humaine.
L’objet social doit interdire les conflits d’intérêts à la fois :
- Dans sa définition/désignation, par exemple un apporteur de capital ne peut pas avoir, par ailleurs, une activité incompatible avec l’objet social ;
- Mais aussi dans les moyens dont se pourvoit l’entreprise pour mettre en œuvre son objet social, par exemple, l’entreprise ne peut pas utiliser pour son développement des capitaux dont la provenance est incertaine, illégale ou illicite.
De facto, sous le nouveau régime juridique de l’entreprise, la multitude d’entités juridiques, qui rend très opaque l’ensemble du système tout en portant atteinte au principe de la liberté d’entreprendre, disparaîtra et l’entreprise sera disponible pour tout individu souhaitant organiser collectivement une activité.
La fin de la complexité des règles juridiques, sociales et fiscales permettra à la liberté d’entreprendre de retrouver son sens, dans le même temps que les « énergies » de tous seront réellement libérées au profit de l’ensemble des membres formant une Nation.
Tous les services parasitaires qui prospéraient sur cette complexité entrepreneuriale de mauvais aloi devront se recycler et exercer une activité non parasitaire réellement utile à la collectivité.
Enfin, pour être pertinente et légitime, la notation, si notation il y a, doit être interne à l’entreprise, faite par les différents acteurs de l’entreprise qui sont à la fois les acteurs et les bénéficiaires du développement de l’activité considérée.
Cette notation sera validée ou invalidée par l’utilité sociale de l’entreprise, c’est-à-dire par sa clientèle ; laquelle reflète l’utilité sociale et la qualité des réalisations de l’entreprise considérée.
Le régime juridique de la nouvelle entreprise met un terme à la toute-puissance des organismes de notation qui se sont illégitimement arrogé des droits sur le développement de l’activité économique, et par ce biais sur le développement des États eux-mêmes.
Conclusion
La réforme de l’entreprise, c’est-à-dire la mise en œuvre de la « nouvelle entreprise » pourra être réalisée en deux temps.
Le premier temps consistera à réformer l’entreprise sur la base du volontariat, les entreprises participantes signant la « charte de la nouvelle entreprise » mentionnant :
- respecter tous les principes ci-dessus évoqués de la nouvelle entreprise, formalisée sous la forme d’une actuelle SAS ;
- bannir de leurs relations :
- Toute personne ou entreprise ayant recours aux paradis fiscaux
- Toute personne ou entreprise ne respectant pas les normes juridiques exposées ci-dessus
Le second temps consistera à écrire le droit positif national de l’entreprise dans le sens de la « nouvelle entreprise ».
La suppression du concept de marché international des capitaux devrait suivre dans un troisième temps : en effet, assurer le sain développement d’une Nation nécessite que les entreprises ne soient pas mises à l’encan sur des marchés internationaux de la prédation économique ; les entreprises doivent rester attachées à leur Nation et à leur objet social d’origine.
Il va de soi que la réforme de l’entreprise, qui organise un réel changement de paradigme, se conçoit mieux à l’intérieur d’une réforme structurelle de l’État et de la politique.
La nouvelle entreprise prend réellement tout son sens dans le cadre de la réorganisation politique de l’État autour des Groupements d’Intérêts (GI) tels que mentionnés dans Révoludroit ; groupements qui, sur le modèle des corporations d’Ancien Régime, renouvellent l’implication politique de chaque citoyen au sein d’une Nation. A titre d’illustration, l’interdiction de la multiplication des interventions d’une même personne au sein de diverses entreprises sera aisément contrôlable par le biais des GI, eux-mêmes organisés et structurés de façon autonome.
Dans ce nouveau paradigme, organisation rime avec déconcentration des centres de pouvoirs, tant au niveau économique qu’au niveau politique.
Valérie Bugault
Annexes
Vous trouverez ci-dessous quelques références vous permettant d’en savoir plus sur ce projet de réforme de l’entreprise que je porte et sur le contexte juridique dans lequel il est né :
- https://valeriebugault.fr/contextualisation-et-enjeux-reels-de-la-guerre-du-droit
- https://valeriebugault.fr/manifeste-pour-une-refonte-de-la-legislation-sur-les-societes
- https://valeriebugault.fr/pour-un-changement-de-paradigme-du-droit-des-affaires
- https://valeriebugault.fr/geopolitique-du-droit-de-la-subversion-juridique-au-nouvel-ordre-mondial
- https://valeriebugault.fr/reforme-de-lentreprise-et-justice-fiscale
- https://valeriebugault.fr/lentreprise-etre-ou-ne-pas-etre-un-etat-souverain
- https://valeriebugault.fr/la-guerre-du-droit-naura-pas-lieu
- https://valeriebugault.fr/retour-sur-lidentite-juridique-francaise
- https://valeriebugault.fr/le-cas-raymond-barre-ou-la-trahison-des-dirigeants-francais-stipendies-de-la-finance-anglo-americaine
- https://valeriebugault.fr/dette-des-etats-la-loi-de-1973-et-le-transfert-des-fonds-publics-reponse-a-charles-gave
- https://valeriebugault.fr/valerie-bugault-la-nouvelle-entreprise
- https://valeriebugault.fr/la-lutte-contre-lanonymat
- https://valeriebugault.fr/de-la-justice-etatique-a-la-justice-des-multinationales-pour-tous
- https://valeriebugault.fr/la-presence-dune-banque-centrale-est-elle-compatible-avec-la-souverainete-etatique
Notes
- Cf. https://www.lesechos.fr/2017/09/lallemagne-un-modele-de-cogestion-182234 ; https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/entreprise-a-mission-le-modele-mutualiste-767137.html ↩
- Rappel, l’adjectif spécieux signifie, selon Le Robert : « Qui n’a qu’une belle apparence, qui est sans valeur. ». Selon le Larousse : « Qui est susceptible de tromper, de faire illusion par son apparence de vérité, de logique. » ↩