Ils ont du sécher les cours


Par Andrei Martyanov − Le 17 janvier 2022 − Source Reminiscence of the Future

Max_Delbrück – Wikipédia

Ce qui n’est pas surprenant. Pendant des décennies, ce qui passait en Occident pour de la science militaire était la capacité de créer de faux récits pseudo-militaires saturés de citations pertinentes et non pertinentes de penseurs militaires classiques – Sun Tzu, Clausewitz, Delbrück, Mahan et autres – dans des tentatives d’appliquer les leçons extraites du passé à la modernité, ou d’expliquer la “tactique” en termes de ce que de nombreux professionnels en sont venus à considérer comme un porno militaire.

Certains membres d’un “groupe de réflexion” cubain, qui ne comprennent pas les véritables dimensions opérationnelles et stratégiques (j’omets ici la tactique) du conflit entre la Russie et l’Occident, commencent leur “changement de régime” à Cuba par un flot de conneries d’analphabètes :

Carl von Clausewitz, le stratège militaire prussien du XIXe siècle, a écrit que “la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens.” La politique étrangère de Vladimir Poutine repose sur la puissance brute et le chantage – et, si nécessaire, sur les meurtres et les enlèvements à l’intérieur et à l’extérieur de la Russie. Son renforcement militaire massif à la frontière de l’Ukraine et sa menace de déployer des troupes “et des infrastructures” à Cuba et au Venezuela visent à forcer l’administration Biden et les alliés des États-Unis à se soumettre à sa volonté. Les comparaisons avec la crise des missiles d’octobre 1962, qui a amené l’humanité au bord de la guerre nucléaire, sont trompeuses. Poutine n’est pas Nikita Khrouchtchev et Joe Biden n’est pas John Kennedy.

Je n’ai aucune idée de la raison pour laquelle ces deux expatriés cubains évoquent la crise des missiles de Cuba, sans parler du fait qu’ils donnent une représentation largement erronée de cette crise. Ce sont les missiles balistiques américains Jupiter en Turquie qui ont précipité la crise des missiles de Cuba, ce que les auteurs de cet article oublient. Ce n’est pas surprenant, compte tenu de l’hystérie et de l’analphabétisme stratégique qui caractérisent le manifeste de ces personnes. Outre l’absence évidente de tout contact avec la réalité en ce qui concerne l’Ukraine (je n’ai aucune idée de la façon dont un docteur en histoire cubaine peut avoir une idée de la réalité là-bas), ces personnes commettent deux erreurs majeures, en fait béantes. Ils affirment que :

Le retrait désordonné de Washington d’Afghanistan a envoyé un message de faiblesse aux ennemis de l’Amérique qui a incité la Russie et la Chine à adopter une position plus agressive en Ukraine et à Taïwan respectivement.

Je comprends que ces deux hommes (ainsi que leur organisation) aient un programme à faire avancer, mais, allez quoi, pas en crachant une évidente infox qui ne passe même pas le test de l’odeur en termes de timing approprié. Dois-je rappeler à ces deux “experts” (un euphémisme pour les subventionneurs de toutes sortes de “groupes de réflexion” américains à vocation ethnique) les événements de 2008 ou 2014, ou encore ceux de 2015. Qu’en est-il des événements du 1er mars 2018, qu’en est-il des autres événements qui fournissent un modèle facilement reconnaissable de Russes sachant exactement ce que les États-Unis sont militairement et économiquement. Mais je suis sûr que, tout en tirant la citation abusive de Clausewitz sur la guerre (ces deux “experts” connaissent-ils seulement la version de Deng Xiaoping de ce dicton ?), ils appellent à la fermeture de Nord Stream 2. Bien sûr, laissons les États-Unis le faire et j’aurai avoir besoin d’un seau entier de pop-corn. Bien sûr, nos deux “penseurs” stratégiques arrivent, inévitablement, à cette conclusion :

Une Amérique faible rend le monde plus dangereux et incertain car elle encourage l’agression internationale. Les Américains soutiendront ces efforts et d’autres similaires qui ne devraient pas être une question partisane.

Je pense que ces deux faiseurs d’agenda devraient demander à un autre néocon et “penseur stratégique” de leur coin, approuvé à 100 % par l’USDA, le sénateur Marco Rubio. Alors que ce sénateur, encore sous le choc de la mort de son principal bienfaiteur, Sheldon Adelson, et d’autres législateurs du GOP, essaie de présenter (c’est si mignon) une posture menaçante envers la Russie, mais même ce néocon peut contredire ces deux “universitaires” et je cite :

Toute ma vie, j’ai été un croyant inconditionnel de l’exceptionnalisme américain et un évangéliste constant du rêve américain. Mais lorsque je me suis présenté à la présidence, j’ai appris que de nombreux Américains ne partageaient pas mon optimisme.

 

American Affairs, Common Good Capitalism : An Interview With Marco Rubio. Printemps 2020, page 3.

Il n’y a rien de plus inspirant que les lobbies ethniques américains, de l’AIPAC aux Européens de l’Est, en passant par les Latino-Américains, qui font avancer leurs propres programmes, dont la plupart ne sont pas du tout bénéfiques aux intérêts de la majorité des Américains, mais vont le plus souvent à leur encontre et sont à la base de l’énigme géopolitique et économique actuelle de l’Amérique, surtout lorsque ces programmes sont défendus par des personnes qui sont soit mal équipées, soit tout à fait incompétentes pour donner leur avis sur toute question géopolitique et militaire, en particulier dans le paradigme de la guerre moderne. Cet article rédigé par deux “universitaires” cubains est une pièce à conviction de 1er ordre de personnes totalement analphabètes en géopolitique moderne, offrant leurs pensées sophomore. Surtout lorsqu’ils ne comprennent pas les capacités militaro-technologiques de la Russie à contrer la menace des États-Unis, sans avoir besoin d’utiliser Cuba.

Dans le même ordre d’idées, le 20 janvier, la session de la Douma d’État débutera par le discours du président iranien Ebrakhim Raisi (en russe), qui sera à Moscou à l’invitation personnelle de Vladimir Poutine. Ensuite, Raisi rencontrera les dirigeants de la Oumma islamique de Russie qui est majoritairement… sunnite. C’est l’heure du pop-corn.

Andrei Martyanov

Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

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