Il n’y aura jamais de paix…


… avec l’Empire américain post-humain : hors-humanité comme on dit hors-la-loi


Note du Saker Francophone

Ce texte est la traduction en français de l'article auquel le site dedefensa.org s'est référé pour étayer son analyse du 23 septembre 2016 intitulée "Delenda Est Systema (America)" . Un second article d'analyse est même disponible. 

2016-09-11_13h40_46Par P.T. Carlo – Le 23 septembre 2016 – Source katehon

Le monde est actuellement témoin des événements géopolitiques les plus dramatiques et les plus importants depuis la chute de l’Union soviétique. L’empire américain, qui était censé agir comme le gendarme de la paix mondiale inauguré par la fin de l’histoire, a commencé à se déliter.

Les forces du nationalisme et de l’identité se sont levées pour contester le Totalitarisme universaliste prêché par les Technocrates mondialistes vivant à Bruxelles et à Washington. La nouvelle Russie a pris la tête de cette révolte. Moins peuplée que la Chine ou moins zélée que l’Iran, elle reste toujours le leader idéologique de cette guerre de résistance aux ambitions totalitaires occidentales.

Cela peut venir comme une nouvelle indésirable pour les modérés russes qui cherchent un compromis avec l’empire américain basé sur le respect mutuel et des intérêts communs. La prétention des réalistes est que, dans le sens pragmatique de la Realpolitik, les États-Unis et la Russie ont très peu de zones réelles de friction et partagent en fait de nombreux domaines d’intérêt commun, dès lors la coexistence pacifique devrait être un choix évident. Bien que superficiellement vraie, cette analyse se méprend, peut-être à dessein, sur la nature réelle des États-Unis comme acteur politique et sur la mentalité des élites qui les contrôlent.

L’Empire américain moderne est un régime alimenté par une idéologie d’une pureté cristalline. Très peu de gens parmi les élites se considéreraient eux-mêmes comme des Réalistes, quel que ce soit le sens du mot. Même la politique étrangère de l’administration Obama, qui est, bien sûr, moins violente et conflictuelle que celle préconisée par Hillary Clinton et ses alliés de l’État profond, est encore extrêmement agressive. La stratégie d’Obama pour le maintien et l’expansion de l’hégémonie libérale s’appuie principalement sur des artefacts – révolutions de couleur, surveillance de masse, frappes de drones, financement djihadiste syrien, etc. Cette stratégie est nettement plus nuancée et sophistiquée qu’une administration Clinton éventuelle et, en surface, apparaît plus pragmatique. Mais cette apparence n’est pas alimentée par un calcul réaliste de l’intérêt rationnel, mais par l’idéologie de l’hégémonie libérale.

Les États-Unis sont habités par l’idée de leur primauté dans l’ordre mondial néolibéral, un ordre qui entraîne l’imposition des valeurs occidentales telles que la règle de la suprématie de l’individu sur le bien commun, la suprématie des sociétés multinationales et la légitimation des déviances sexuelles. Toutes les nations ou les peuples qui se dressent sur le chemin de ces objectifs sont considérés, dès le départ, comme des ennemis à éliminer.

Cela crève les yeux si l’on prend le temps de lire la propagande néolibérale maintenant égrenée par les informations à l’Ouest. Par exemple, le New York Times a publié récemment une attaque ouverte contre l’Église orthodoxe russe, qu’il a maintenant identifiée comme un ennemi opposé à son idéologie professant le totalitarisme libéral. L’article est un monceau de diffamations éhontées truffé de désinformation, comme c’est à prévoir, mais ce qui est le plus intéressant est le ton de l’article :

«Quand les militants gays ont organisé un défilé, cet été, dans le centre de la capitale de la Moldavie, Chisinau, M. Dodon rallia ses propres partisans pour un événement rival dédié aux valeurs traditionnelles tandis qu’un groupe de prêtres orthodoxes réunis à proximité chantaient des prières et maudissaient les homosexuels.

La parade gay, qui a été rejointe par un certain nombre de diplomates occidentaux, a été annulée après seulement quelques blocs quand elle s’est heurtée à une foule de manifestants brandissant des bannières religieuses et lançant des œufs.»

L’accusation principale portée contre l’église n’est pas qu’elle est corrompue ou hypocrite dans le sens ordinaire du terme, mais plutôt qu’elle s’oppose au projet néolibéral d’encourager la propagation mondiale de la déviance sexuelle. Donc, dans un sens étrangement orwellien, l’accusation portée est que la corruption de l’Église réside dans son absence même de corruption [la déviance sexuelle vue par l’Église, NdT]. Dans un sens, l’Église orthodoxe russe n’est seulement pas assez corrompue.

Ce type de résistance aux diktats occidentaux, ce refus de participer aux pathologies occidentales est tout simplement inacceptable pour la classe dirigeante de Washington et ses élites. Celles-ci considèrent à juste titre l’Église orthodoxe russe et, par extension, le peuple russe lui-même, comme des obstacles à leur programme et donc des ennemis à écraser. C’est la psychologie qui explique l’incroyable agressivité de la politique américaine envers la Russie. Chaque mouvement dicté par Washington, depuis l’expansion de l’OTAN jusqu’au bord des frontières de la Russie jusqu’à la tentative de renverser le gouvernement russe en 2012 par des manifestations anti-Poutine, a été fondé sur cette idée.

Cette marque de fanatisme idéologique est ce qui tue dans l’œuf toute tentative embryonnaire de rapprochement des États-Unis et de la Russie. La vérité est qu’une telle détente n’est plus possible ; c’est la dure réalité que ceux qui prônent le réalisme préfèrent plutôt ne pas voir. L’affrontement est maintenant un jeu à somme nulle, une guerre d’anéantissement – une guerre qui oppose les partisans du totalitarisme libéral, dirigés par l’Empire des États-Unis d’un côté, et de l’autre les forces des valeurs humaines traditionnelles, emmenées par la Russie.

C’est l’état des choses, que les dirigeants russes le veuillent ou non. Pour le meilleur ou le pire, c’est le cours pris par l’histoire et la Russie est maintenant le leader et le premier symbole de cette résistance. Ce n’est pas un choix conscient fait par les dirigeants russes au Kremlin, mais plutôt le rôle assigné par l’histoire et le fait de l’existence même de la Russie.

De même que l’existence de la puissance militaire terrestre de Rome l’opposait à Carthage, son ennemi naturel cosmopolite régnant sur les mers, aujourd’hui la Russie est l’éternel ennemi de l’empire américain.

Cette lutte est le conflit du XXIe siècle. Mais il ne sera pas joué à la manière du jeu géopolitique du XIXe siècle entre les grandes puissances, comme beaucoup semblent le croire. Ce conflit est plutôt, par sa nature même, une lutte existentielle et spirituelle entre deux récits complètement opposés sur l’humanité. C’est une bataille entre les forces de l’humanité et les forces de la post-humanité.

Nous pouvons voir les contours de cette vision du monde post-humain très clairement. La dégénérée russe notoire Macha Gessen, dans une déclaration fameuse, a dit que l’objectif explicite de l’idéologie LGBT – la même idéologie que l’empire américain – est l’abolition de la famille traditionnelle : «C’est une évidence que l’institution du mariage ne devrait pas exister […] Je ne vois pas pourquoi ils [ses enfants] n’auraient pas cinq parents légalement. Je ne vois pas pourquoi nous devrions choisir deux de ces parents et en faire un couple sanctionné par la mariage.» Que l’objectif déclaré de Gessen de détruire le mariage traditionnel ait suscité des applaudissements ne devrait pas surprendre quiconque est familier de la culture occidentale moderne, dans la mesure où ces sentiments sont devenus ordinaires parmi leurs élites dirigeantes. En effet, l’approbation des croyances folles de Gessen a sûrement contribué à son recrutement comme contributeur à la page éditoriale du New York Times, où elle publie régulièrement une propagande venimeuse visant son pays de naissance.

Mais les objectifs de l’Empire américain post-humain s’étendent beaucoup plus loin que la simple destruction de la famille traditionnelle. Le but ultime est la destruction de la notion même de personne humaine.

evan-hempel-transgender-pregnancy-elinor-carucci-4Cela a été clairement illustré dans les pages d’une édition récente du magazine Time, par un article intitulé La grossesse de mon frère et la réalisation d’une nouvelle famille américaine. L’image en Une affiche ce qui semble être un homme obèse barbu allaitant un enfant. Typiquement, une telle image, aux yeux de l’humanité traditionnelle, semble être, au mieux, une farce grotesque et de mauvais goût et au pire une sorte de profanation quasi-satanique de la forme humaine. Cette dernière option est la meilleure concernant les auteurs de l’article, qui publient, dans l’un des magazines historiquement les plus influents des États-Unis, l’image imprimée et l’article d’accompagnement, sans aucun sens de l’ironie. Ils présentent cette mascarade grotesque non pas comme une horreur ou une farce, mais comme quelque chose qui mérite les louanges et l’émulation.

Comme c’est maintenant bien connu, ce n’est pas une exception à la règle, mais plutôt la règle elle-même. Le fait transgenre, plus encore que la sodomie, est devenu l’une des principales causes défendues par l’Empire américain. Beaucoup de critiques confondent ce projet avec une simple quête de dévergondage, d’hédonisme dans le sens libertin classique, alors qu’il s’agit simplement du résultat de la décadence et de l’opulence. La vision hédoniste de la situation est erronée et potentiellement désastreuse. Bien que l’hédonisme soit largement  pratiqué dans la culture américaine contemporaine, la recherche du plaisir n’est pas la première impulsion derrière le mouvement transgenre.

Après tout, la «réassignation sexuelle» par la chirurgie est un processus impliquant la manipulation du corps humain via l’utilisation d’injections d’hormones et la mutilation chirurgicale des organes sexuels du sujet. Le plaisir n’est évidemment pas le but premier des individus mentalement instables qui choisissent de subir une procédure aussi brutale. Ils sont plutôt à la recherche de leur propre version du «rêve américain», qui est la poursuite, pour l’individu et par tous les moyens disponibles, du fantasme de l’actualisation par autogénèse.

Cette auto-actualisation est la quintessence de ce que le sociologue Philip Rieff, a conceptualisé dans les années 1960, comme «l’anti-culture» de l’Amérique. Selon Rieff dans son brillant livre Le Triomphe de la thérapeutique ,«Chaque culture est un système institutionnalisé de revendications morales, d’élaboration de conduite des relations personnelles, un corpus de symboles convaincants.» Symboles convaincants qui s’emboîtent pour former une «grande chaîne de sens». Cette chaîne de sens a été la base sur laquelle toutes les sociétés humaines historiques ont été construites et se sont maintenues. L’Occident moderne est maintenant uni dans son rejet de ces formes traditionnelles de culture.

L’anti-culture américaine est un culte de l’individu qui cherche à rejeter toutes les règles traditionnelles de la conduite humaine qui avaient été imposées par la culture.

A sa place, l’anti-culture vise à assurer la liberté pour tous. Comme le juge de la Cour suprême américaine, Anthony Kennedy, l’a exprimé en 1992 dans son commentaire du cas Planned Parenthood vs. Casey : «Au cœur de la liberté se trouve le droit de définir sa propre conception de l’existence, du sens, de l’univers, et du mystère de la vie humaine.» C’est l’essence du rêve américain moderne, la volonté de l’individu libérée de toutes les contraintes morales et culturelles, et le droit, pour cette volonté, de poursuivre ses désirs toujours renouvelés, indépendamment de leur perversité, criminalité ou folie.

Ce rêve américain, comme Elizabeth Lasch Quinn le note dans son introduction au livre de Rieff, est finalement gnostique : «La culture thérapeutique a élevé l’obsession de soi au rang de pseudo-religion, ce qui en fait une version de la croyance gnostique multiséculaire voulant que le moi authentique et divin devait être libéré de la corruption et des restrictions imposées par la société afin que l’ordre réel du monde puisse être révélé.»

Il est important de se rappeler que, pour la plupart des Américains, ce rêve n’est pas seulement un désir qui serait un artefact unique du développement historique singulier de leur société, mais plutôt un désir universel partagé par tous les êtres humains, indépendamment de la religion, de la culture ou de l’appartenance ethnique. Cette illusion dangereuse est ce qui anime le désir de l’Amérique dans ses guerres perpétuelles et le mythe à travers lequel elle se définit elle-même et définit ses adversaires. C’est l’énergie qui alimente non seulement la politique étrangère du gouvernement des États-Unis, mais aussi les politiques des ONG alignées comme l’infâme Open Society Foundation de George Soros.

Ceux qui espèrent qu’une victoire de Trump à l’élection présidentielle va changer cet état de choses seront malheureusement déçus. Alors qu’une victoire de Trump serait sans doute un revers important pour les mondialistes post-humanistes, il ne signera pas leur défaite. Au mieux, il va acheter, pour ceux qui sont opposés à l’hégémonie libérale, un temps précieux et de l’espace pour préparer leur défense. Les ressources possédées par les post-humanistes sont vraiment formidables, et ce ne sera qu’une question de temps avant qu’ils ne lancent une contre-attaque pour reprendre la présidence et éliminer leurs adversaires. Car ils possèdent des fonds pratiquement illimités et ils conserveront aussi le contrôle complet de la quasi-totalité des leviers du pouvoir dans les milieux universitaires, les médias et les domaines gouvernementaux. Ceci, bien sûr, est un scénario optimiste, basé sur la prémisse que Trump peut gagner en novembre. Bien que Trump ait récemment fait un bond dans les sondages, un résultat plus réaliste est une étroite victoire de Clinton, dont les conséquences seraient beaucoup plus sombre.

Le conflit entre les forces de l’humanité et de la post-humanité a déjà commencé et ne peut plus être arrêté. Un côté ou l’autre finira par triompher, tant qu’ils contrôlent les leviers du pouvoir dans l’empire américain.

Les idéologues de la post-humanité ne cesseront pas leurs guerres de conquête et d’asservissement. Ces guerres cesseront quand les post-humanistes eux-mêmes cesseront d’exister, lorsque leur empire sera démantelé, leur idéologie écrasée sécurisant ainsi le futur de l’humanité. Jusqu’à ce moment-là, le spectre du totalitarisme post-humain continuera à menacer le monde, indépendamment du nombre de revers temporaires qu’il souffrira.

Le choix offert par l’élite libérale fanatique de Washington à la Russie et à tous ceux qui sont opposés à l’avenir post-humain qu’on rêve de leur imposer est simple : se soumettre à ses exigences ou faire face à l’anéantissement.

Face à un tel choix, il n’y a qu’une seule conclusion valable à tirer : l’empire américain doit être détruit.

P.T. Carlo est un écrivain indépendant vivant aux États-Unis d’Amérique, dont le travail couvre l’intersection de la géopolitique et de l’idéologie. Il est contributeur à Social Mater, ainsi qu’au blog WCR. Son Twitter est @PTcarlo

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