Élections indiennes : la fin de l’ère Modi ?


Par Andrew Korybko – Le 4 avril 2019  » Source eurasiafuture.com

andrew-korybkoL’Inde entame la semaine prochaine son processus d’élections générales, qui doit durer un mois, et qui est considérée par beaucoup comme une course acharnée, qui décidera de la fermeture ou de la poursuite de l’ère Modi. Narendra Modi, le premier Ministre membre du parti BJP, avait été élu de manière écrasante il y a cinq ans, sur des promesses de restauration de la position – perdue de longue date – de l’Inde au niveau international, et de transformation du pays en puissance mondiale, au travers d’une combinaison de développements socio-économiques et militaire, dont il déclarait qu’ils profiteraient à l’ensemble de ses compatriotes. Sa rhétorique avait largement montré ses preuves, et avait convaincu nombre d’électeurs ; mais les résultats sont très en deçà des promesses d’alors.

Le PIB de l’Inde a significativement augmenté au cours de ces cinq ans, mais le ruissellement vers le bas n’a pas fonctionné, et nombre d’indiens se sont même faits vider les poches lors de sa décision surprise d’abolir le cash à l’automne 2016. L’Inde a également vu monter les violences communautaires, avec des lynchages par foules hindoues de musulmans suspects de consommer ou de transporter de la viande de bœuf, chose considérée par les tenants de la ligne dure Hindutva comme l’une des pires à laquelle un être humain puisse s’abaisser. Et les campagnes indiennes, qui hébergent le plus gros de la population du pays, restent fortement sous-développées, sans système sanitaire moderne.

D’un autre côté, les sympathisants de Modi évoquent sa politique extérieure musclée, comme preuve de sa réussite à « rendre l’Inde grande de nouveau »  [Make India great again, jeu de mot sur le MAGA de Trump, NdT], et considèrent qu’il a réussi à regardé la Chine en face au moment du différend Donglang-Doklam en 2017, ramené le Bangladesh dans la « sphère d’influence » indienne, soutenu indirectement un changement de régime par les urnes aux Maldives, et soi-disant « remis le Pakistan à sa place » lors des dernières tensions en date entre les deux puissances nucléaires voisines. Ses détracteurs, pour leur part, décrivent ces événements comme des descriptions exagérées de la réalité visant à faire oublier aux indiens leurs problèmes intérieurs.

On le voit, le géant d’Asie du Sud connaît une fracture entre d’une part les soutiens du gouvernement nationaliste hindou de droite sortant, à la tête de la coalition National Democratic Alliance au pouvoir, et d’autre part l’opposition de gauche, qui tient le Congrès et qui forme le composant principal de l’United Progressive Alliance. À chacun de se faire son idée sur qui sortira en tête à l’annonce des résultats fin mai, mais tous s’accordent à considérer cette élection comme un référendum sur l’ère Modi, qui la fera exister ou la rompra, à ce moment historique de la montée de l’Inde comme grande puissance internationale.

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

Traduit par Vincent pour le Saker Francophone

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