Par James Howard Kunstler – Le 13 juin 2016 – Source kunstler.com
Comme je quittais Detroit très tôt dimanche matin pour attraper un avion, j’ai appris cette histoire de tuerie dans une boîte de nuit d’Orlando, mais les premiers rapports ne donnaient pas de détail sur tous les décès. Ce n’est qu’après avoir atterri que j’ai appris les nouvelles choquantes au sujet des 50 morts et autant de blessés par les écrans de télévision de l’aéroport.
Rien qu’au cours des six derniers mois : décembre, 137 morts au Bataclan à Paris (et dans deux autres sites); mars, 35 morts à l’aéroport de Bruxelles ; maintenant le massacre au Pulse Club d’Orlando. Avant cela, San Bernardino, l’attentat de la gare de Madrid, les attentats du métro de Londres… Sans oublier les décapitations filmées des journalistes occidentaux et divers autres non-combattants… Ou l’atrocité première du 9/11. Il devient plus difficile pour les démocraties de l’Ouest d’échapper à la reconnaissance qu’il existe un état de guerre entre nous et la théocratie islamique.
Personne ne sait ce qu’il faut faire à ce sujet, y compris, bien sûr, le pompeux Trump. Le tueur dans le massacre d’Orlando, Omar Mateen, tué sur place, est né à New York, et la plupart des divers auteurs des massacres européens sont aussi nés sur place. Bonne chance pour expulser les nouveaux aspirants qui vont suivre. L’humeur du moment, comme dans beaucoup de ces tragédies, est une combinaison terrible de rage et d’impuissance.
Après de nombreuses atrocités passées, les gens des pays occidentaux attaqués ont simplement laissé glisser pour retourner à leur vie quotidienne. Ces massacres récents, cependant, ont agité les démons endormis de la politique occidentale. Aucun observateur sensible ne peut manquer de remarquer l’extrémisme des sentiments suscités en 2016 par le spectacle de l’élection en Amérique, qui a dépassé les sombres tendances en cours depuis des années déjà à travers l’Europe. On peut imaginer que les sentiments se feront plus extrêmes, ainsi que les actions qui vont suivre.
* * *
J’étais à Detroit la semaine dernière pour le congrès annuel des nouveaux urbanistes, qui tiennent leur rencontre annuelle dans une ville différente chaque année, plus ou moins selon l’évolution du pays. L’organisation a été crée en 1993 pour contester le fiasco de l’étalement urbain, qui a dégradé la géographie nationale comme une lèpre mangeant le paysage. L’organisation a connu le plus de succès en modifiant l’ADN du développement de la propriété dans des centaines de villes et villages : les lois et les codes de zonage, qui ont pendant des décennies rendu illégales les constructions en Amérique sans fournir dix places de stationnement dans le lot. Les nouveaux urbanistes sont responsables en grande partie de la renaissance urbaine, même s’ils ne sont pas distribués de façon uniforme à travers le pays.
Detroit, bien sûr, est le cas le plus extrême de l’implosion civique aux États-Unis. En 1950, elle était la septième ville la plus riche du monde. Au tournant du siècle, elle a été laissée pour morte et en faillite. Elle revient péniblement à la vie maintenant par petits incréments, ce qui peut ne pas sembler tout à fait suffisant, mais c’est en fait exactement l’échelle requise pour ce qui est à venir. Le résidu des grattes-ciel du centre ville se trouve toujours en paquet sur la rue semi-circulaire Auguste Woodward. Il y a une grande volonté pour faire revenir tout cela à la vie, mais personnellement, je pense que les bureaux et les tours d’appartements géantes ne sont pas au menu de la Grande Urgence. Pratiquement tout le monde à qui j’ai parlé à ce propos sur cette question pense que mon opinion sur la question est sans intérêt. Mais je le répète : les grattes-ciel et des méga-structures sont déjà obsolètes (seulement nous ne le savons pas encore).
Nos villes reviendront des villes, mais pas à l’échelle du gigantisme des bandes dessinées qu’elles ont atteint au sommet de l’âge du pétrole, quand Superman bondissait par dessus le quartier général du Daily Planet. Et rappelez-vous que la plupart de nos villes occupent des sites très importants, plus particulièrement Detroit, sur son tronçon de rivière entre les Grands Lacs, à la frontière du Canada. Cet espace va revenir maintenant à de petites entreprise, des hippies, des start-ups, des troupes de choc d’artistes engagés, un cadre pour des architectes locaux sans peurs et certains urbanistes visionnaires. Les stades de baseball et les casinos ont débarqué en ville, aussi, comme les OVNIS d’une planète d’antan réaménagée par des fantasmes utopiques, tous entassés dans le ghetto du sport, où des sauvageons se saoulent à mort et où des parkings bétonnés submergent la vie urbaine normale quelques heures par semaine.
Géographiquement cette grande ville offre beaucoup de petits et moyens bâtiments abandonnés, certains d’entre eux très beaux et construits pour durer et traverser les âges, qui peuvent être achetés pour presque rien. Il y a énormément d’espace vide entre eux, et pour le moment les jardiniers entreprenants mettent ces espaces à profit et passent le temps en attendant de savoir ce que le destin leur réserve.
James Howard Kunstler
Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par nadine pour le Saker Francophone
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