Crier (une fois de plus) au loup au sujet de l’Ukraine


Par The Saker – Le 5 juillet 2021 –  Source The Saker’s Blog

Je dois admettre qu’avant de m’asseoir pour écrire cette chronique, j’avais quelques doutes : Je me suis dit « pas encore un autre article mettant en garde contre une explosion potentielle en Ukraine ! Ça suffit ! ». Et pourtant, les événements sur le terrain sont ce qu’ils sont et les ignorer sous prétexte que j’en ai assez de « crier au loup » encore et encore n’est pas non plus un choix judicieux. Je vais donc essayer de faire court. Tout d’abord, permettez-moi de vous présenter un résumé rapide de ce qui s’est passé en Ukraine depuis ma dernière chronique sur le sujet, le 28 juin.

Comme la plupart d’entre vous le savent, l’OTAN et l’Ukraine ont mené des manœuvres aériennes et terrestres en mer Noire, manœuvres appelées  » Sea Breeze « . Ce n’est pas nouveau, mais cette année, ces manœuvres ont attiré plus de pays que d’habitude, voyez par vous-même :

Officiellement, 32 pays venant de six continents et fournissant 5 000 soldats, 32 navires, 40 avions et 18 brigades d’opérations spéciales et de plongée participent à cet exercice : Albanie, Australie, Brésil, Bulgarie, Canada, Danemark, Égypte, Estonie, France, Géorgie, Grèce, Israël, Italie, Japon, Lettonie, Lituanie, Moldavie, Maroc, Norvège, Pakistan, Pologne, Roumanie, Sénégal, Espagne, Corée du Sud, Suède, Tunisie, Turquie, Ukraine, Émirats arabes unis, Royaume-Uni et États-Unis. Kristina Kvien, chargée d’affaires à l’ambassade des États-Unis en Ukraine, a déclaré que « la participation de l’USS Ross à l’exercice maritime Sea Breeze de cette année est une démonstration tangible du soutien des États-Unis à l’Ukraine et est plus que jamais nécessaire (…) elle s’inscrit dans le cadre de l’engagement durable que les États-Unis et nos pays alliés et partenaires de l’OTAN ont pris depuis 1997 pour renforcer la sécurité maritime en mer Noire ».

Voici quelques exemples de ce que disent les Ukies :

  • « Voyons si ces maudits Mokal’s oseront tirer sur le Ross qui (du moins selon les Ukies) peut couler toute la flotte russe de la mer Noire avec une salve de ses super missiles Tomahawk. »
  • « L’Ukraine dispose désormais de missiles capables de faire tomber le pont du détroit de Kerch. »
  • « Les États-Unis nous livrent des bateaux d’attaque rapides tandis que la Turquie nous donne des drones Bairaktar – avec ceux-ci, nous libérerons la Crimée et le Donbass des « Moskal ». »
  • « L’armée ukrainienne est aujourd’hui la meilleure d’Europe (en fait, elle protège l’ensemble de l’UE des assauts des hordes russes) et elle fera certainement de la viande hachée des Russes la prochaine fois. »
  • « Dans leur format actuel, les accords de Minsk sont morts et nous ne les appliquerons jamais. Si le « Moskal » refuse de les amender, nous avons aussi un plan B : construire un grand mur et couper totalement tous nos liens avec la Russie. Ou alors, nous libérerons la Crimée et le Donbass manu militari ! »
  • « La prochaine fois que les maudits « Moskal » essaieront d’empêcher un navire ukrainien de traverser le détroit de Kerch, nous coulerons toute force qui tentera de nous arrêter. »
Aparté 

N'oubliez pas que toutes les chaînes de télévision qui ne sont pas contrôlées par Ze ont maintenant été interdites. La Rada ukrainienne a adopté une loi déclarant que les Russes ne sont pas originaires d'Ukraine (je me demande d'où ils viennent, de l'espace, je suppose). Tous les principaux leaders d'une opposition peu inspirée sont constamment harcelés, voire assignés à résidence. Tout cela pour dire que les exemples insensés de ce que disent les Ukronazis ci-dessus ne sont pas le fait d'une minorité d'Ukronazis délirants purs et durs - c'est ce que disent ouvertement de nombreux membres du parti de Ze (et d'autres !) 7 jours sur 7.

Maintenant, allons droit au but et voyons ce qui se passe réellement !

Voici la position officielle de la Maison Blanche : « Nous voulons contenir la Russie, maintenir un dialogue là où c’est dans l’intérêt des USA et nous défendrons nos amis et nos valeurs dans la région et dans le monde entier »

La position officielle US/OTAN/UE : « Nous résisterons à toute provocation russe ou à tout usage de la force, nous avons les moyens de forcer la Russie à renoncer à ses projets de reconstruction de l’Union soviétique. »

La position des Ukronazis : « Le monde est avec nous. La Russie est faible et isolée. Les États-Unis, l’OTAN et notre armée invincible donneront une douloureuse leçon à l’ours russe qui appartient réellement à l’est de l’Oural (ce dernier est la frontière naturelle entre l’UE et la Chine). Nous répétons actuellement la libération de la Crimée avec nos alliés. »

La position Russe : « Vous n’avez qu’à essayer »

Résumons : si les hauts responsables américains n’ont pas tenu le même genre de langage que les officiers des marines américaine, britannique et néerlandaise sur leurs navires la semaine dernière, il est assez clair que deux choses vont se produire : soit l’OTAN va essayer de « titiller l’ours », soit elle ne le fera pas.

Dans le second cas, l’OTAN aura donné l’impression d’avoir « baissé les yeux » et que, malgré toutes ses gesticulations, elle a peur d’affronter la Russie.

Dans le premier cas, la Russie coulera un navire de l’OTAN (ou abattra un avion de l’OTAN) et si l’OTAN ne répond pas, elle aura fait bien plus que baissé les yeux.

Ces deux issues sont hautement indésirables pour les États-Unis, l’OTAN ou l’Empire. Ces résultats sont également une mauvaise nouvelle pour l’UE (qui ne peut se permettre de perdre le NordStream2 à cause d’une stupide provocation d’une agence à trois lettres contre la Russie).

Le principal problème est que de nombreux responsables occidentaux ont déclaré urbi et orbi que « le monde civilisé (nous entendons par là « nous », bien sûr) n’a pas reconnu l’annexion de la Crimée par la Russie et, par conséquent, ne reconnait pas les eaux au large de la Crimée comme étant des eaux russes légitimes ». Cela a dû sembler vraiment cool aux premiers simplets qui l’ont déclaré, mais les Ukies et leur UK+3B+PU ont immédiatement, et logiquement (à leur manière simple d’esprit), déclaré « ok, super ! Prouvez-le en ignorant les avertissements russes et envoyez quelque chose au-delà de cette « ligne rouge » russe pour prouver au monde que ce ne sont pas que des aboiements ». En d’autres termes, il s’agit d’une nouvelle itération d’un défi favori des adolescents américains : le « est-ce que t’es cap ? ».

Franchement, c’est une question légitime. Et les États-Unis/OTAN ont jusqu’au 10 juillet (ce samedi) pour y répondre. D’accord, je suppose qu’ils pourraient également y répondre après la fin de Sea Breeze 2021, mais puisque les Américains (et leurs homologues de l’OTAN) croient qu’une guerre menée par une coalition est le chemin de la victoire (en réalité, c’est le chemin de la défaite, comme je l’ai expliqué dans cet article) et que les vrais dirigeants de l’Empire croient également que les grandes coalitions offrent un vernis de légitimité (elles n’en ont pas, comme seule une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies le peut) à leurs actions (impérialistes et illégales) avec beaucoup de petits Tabaquis pour que tout ait l’air kasher.

De plus, dans les médias ukrainiens, le SeaBreeze 2021 est présenté comme ceci : « Hé, Moskal’, il est bien plus facile de menacer un petit navire ukrainien que de s’attaquer à l’OTAN ! !! Pas vrai ? ! Si vous bougez, nous vous botterons le cul de la mer Noire jusqu’en Sibérie (où est votre place !) » ; et la conclusion, « nous sommes invincibles, l’OTAN est invincible, les États-Unis sont invincibles et l’ensemble du monde civilisé, qui est également invincible, est contre vous ».

Quant aux dirigeants de l’UE, qui n’ont aucune idée de ce qu’il en est (et qui n’ont ni queue ni tête), ils parlent de « contenir » la Russie en interagissant avec elle « à partir d’une position de force ». En d’autres termes, c’est ce qui se passe réellement en ce moment : L’OTAN encourage l’Ukraine à tenter quelque chose, l’Ukraine encourage l’OTAN à tenter quelque chose, et les deux parties tirent une grande fierté (tout à fait déplacée) à ignorer non seulement les avertissements russes, mais aussi les capacités russes.

Je dois également mentionner qu’une grande partie de la machine de propagande impériale (alias « la presse libre ») exagère également les attentes de ceux qui la prennent encore au sérieux. Leur message : « nos marines invincibles vont botter le cul de l’ours russe et lui donner une leçon ». ah ! ah ! ah !

En d’autres termes, à moins que les États-Unis/OTAN/Ukies ne déclenchent un incident quelconque, les États-Unis/OTAN/Ukies perdront la face d’ici le 11 de ce mois.

Quant à Poutine, voici ce qu’il avait à dire récemment lorsqu’on l’a interrogé sur les risques d’une guerre majeure :

Voici ce que je voudrais dire. Vous avez dit que cela mettait le monde au bord d’une guerre globale. Non, pas du tout. Même si nous avions coulé ce navire, il est néanmoins difficile d’imaginer que cela ait amené le monde au bord d’une troisième guerre mondiale parce que ceux qui ont fait cela savent qu’ils ne pouvaient pas gagner une guerre comme celle-là. C’est très important.

Plutôt clair, non ?

Poutine sera soumis à une forte pression, voire à une franche colère, s’il ne joint pas le geste à la parole. C’est une année électorale et le Kremlin ne peut tout simplement pas se permettre d’aboyer sans mordre.

Enfin, et surtout, d’un point de vue géostratégique/militaire, l’armée russe ne peut se permettre d’ignorer les actions de l’OTAN.

Conclusion : hélas, encore une fois je crie au loup…

Crier au loup est une tâche très ingrate, et dans le cas de l’Ukraine occupée par les nazis, c’est d’autant plus grave que chaque fois que le loup ne se montre pas, un nombre croissant de personnes s’habituent à l’idée que le loup (ou l’ours) s’est transformé en un koala pudique et totalement apprivoisé.

Nous saurons bientôt quel camp va « baisser les yeux » et lequel ne le fera pas.

The Saker

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone

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