Comment empêcher tout débat sur Israël

Par Lawrence Davidson – Le 26 avril 2015 – Source consortiumnews

«Toute personne qui ose critiquer la façon dont Israël traite les Palestiniens sait à quoi s'attendre : des accusations d'être ‹anti-Israël› ou ‹antisémite›. Dans les principaux cercles universitaires et politiques, le sujet peut être particulièrement toxique lorsque les fanatisés ‹pro-Israël› font tout ce qu'ils peuvent pour bloquer le moindre débat.»

Voici la situation : la menace d’une protestation publique agressive contre ceux qui se rassemblent pour critiquer et dénoncer l’attitude d’Israël est devenu une excuse pour empêcher ces rassemblements. Le dernier exemple de cette tactique, qui n’est autre qu’une forme déguisée de chantage pour imposer une censure, a eut lieu récemment ce mois-ci à l’Université de Southampton au Royaume-Uni.

Une conférence internationale ayant pour titre L’État d’Israël et les lois internationales : légitimité, responsabilité and exceptionnalisme était prévue du 17 au 19 avril 2015 à l’Université de Southampton. Le but étant de rassembler les avocats et spécialistes afin d’examiner les bases légales qui ont servi à former l’établissement de l’État d’Israël ainsi que les raisons rationnelles (ou non) de leur façon historique de traiter le peuple palestinien.

Le pape François, priant sur un mur de séparation en Palestine, le 25 mai 2014. (Crédit photo : Page Face Book du Pape François.).

Les participants à la conférence devant inclure, aussi bien les critiques de la politique menée par Israël, que ceux qui auraient représenté la défense des pratiques israélites.

Cette conférence avait été planifiée depuis plus d’un an, et pourtant, quelques jours avant son ouverture, l’Université de Southampton a annoncé qu’elle ne permettrait pas un tel rassemblement sur son campus à cause des risques pour la sécurité et l’ordre public. Ceci étant du aux protestations qui ne manqueraient pas de s’élever contre la conférence.

D’où venaient ces risques? Ils ont pour origine les sionistes et leurs alliés. Plus spécifiquement, les Amis d’Israël du Sussex (Sussex Friends of Israël) étaient prêts à rassembler l’équivalent de 300 contestataires pacifiques. De plus, il y avait de bonnes chances pour qu’il y ait aussi un petit nombre de membres de la Ligue de défense anglaise, qui sont anti-musulmans, pro-Israël et potentiellement violents.

L’argumentation sioniste était on ne peut plus agressive et chargée émotionnellement. La conférence était décrite comme étant un rassemblement de gens haïssant Israël, un ralliement de bigots, un attroupement d’orateurs toxiques, et un carnaval d’anti-Israéliens. Il ne fait aucune différence, pour ces idéologistes fanatisés que ce qui était réellement planifié n’était qu’une simple investigation de schémas de conduite historique sur fond de normes légales, reconnues internationalement.

Bien que l’énergie émotionnelle négative ait été d’un niveau important, le réel danger émanant des contestataires aurait été plutôt minime, et la police locale se déclarait elle même prête et parfaitement capable de gérer une telle situation. Malgré cela, plutôt que d’agir résolument contre ceux qui menaçaient la libre expression, l’université a simplement choisi de céder.

Elle a essentiellement été effrayée, non seulement à partir de menaces de violences exagérées mais, comme cela semble être toujours le cas, à partir de l’extrême colère d’un petit nombre de donateurs financiers qui ont menacé de stopper tout soutien à l’institution s’ils persistaient dans leur intention de mettre en place un forum pour un débat libre, sur des sujets mettant à jour les écarts d’Israël. L’Université de Southampton s’est essentiellement soumise aux chantages de censeurs sionistes.

Chacun peut spéculer sur les réactions engendrées si la situation avait été inversée. C’est-à-dire si des contestataires pro-palestiniens avaient soutenu qu’il y avait un risque à la sécurité et à l’ordre public lors d’une conférence sioniste sur les pratiques d’Israël. L’Armée aurait été appelée avant même qu’une telle conférence soit annulée.

La tactique courante

Ce n’est pas la première fois que cette sorte de scénario est mis en place. Déjà en 2001, le président de l’Université du Sud de la Floride, Judy Genshaft, avait forcé le Dr Sami Al-Arian, alors membre de la faculté, de rester à l’écart du campus à la suite d’une campagne de calomnies de la part des médias ainsi que des menaces proférées par les sionistes à son encontre.

Tout cela du fait qu’il avait oralement soutenu les droits des Palestiniens. Dans ce cas aussi l’administration d’une université avait cédé aux chantages d’idéologistes fanatisés. Dans le processus, elle a abandonné les principes de la liberté d’expression en permettant à une certaine censure de prévaloir suite à des menaces de perturbations.

Il y a d’autres faits douteux qui pourraient avoir amené, sous une forme plus discrète, les mêmes pressions de censures. Par exemple, en mars, cet écrivain qui était invité à s’exprimer devant la prestigieuse Oxford Union à Londres sur un sujet qui devait débattre , en partie, de la politique extérieure des USA et de son soutien à l’égard d’Israël. En moins de cinq jours l’invitation était retirée.

Le prétexte d’un trop grand nombre de conférences et d’un problème d’organisation, comme cause du retrait, tel qu’invoquée par l’Oxford Union, est mis en doute. Bien qu’il ne soit pas possible d’affirmer que ce retournement soit dû à des pressions exercées par les sionistes, l’atmosphère du moment, alourdie par les efforts agressifs des sionistes pour éloigner toute critique d’Israël et de ses alliés, apporte sur ce fait une certaine suspicion.

Ce qui est en train de se passer ici n’est pas seulement la censure de ceux qui critiquent Israël, mais le travail de sabotage de l’application de la loi, particulièrement la loi internationale. Le plus ironique étant que ces textes de loi ont principalement été établis suite aux exactions sauvages opérées sur les Juifs d’Europe, entre autres, durant la Deuxième Guerre mondiale.

Cependant, l’élément sioniste parmi les juifs (ne pas faire d’amalgame avec tous les juifs) a décidé que leur futur État sioniste ne peut se réaliser avec le support des lois, mais seulement à travers un processus impérial de colonisation. Ils ont poursuivi cet objectif juste à un moment où aussi bien l’impérialisme que le colonialisme n’étaient plus dans l’air du temps et que les empires européens s’écroulaient.

Si bien que, au moment même où ils réussissaient à établir l’État d’Israël, le sionisme était déjà un anachronisme – une idéologie qui ne pouvait se prévaloir que de politiques d’agressions racistes, au milieu d’un monde qui essayait de rendre ces deux conduites hors la loi.

Que le sionisme ait, à ce jour, atteint ses objectifs, est largement dû au fait qu’il a pu réaliser un statut d’exception en Occident, lui permettant d’échapper aux règles de la loi. En d’autres termes, Israël s’est transformé en un État voyou, protégé par les pouvoirs occidentaux, plus particulièrement par les États-Unis.

Israël a atteint ce statut d’exception au travers de deux processus : d’abord la corruption des politiciens par les sionistes des états occidentaux et ensuite par l’exploitation de leur peur du monde arabe et de l’islam.

Les sionistes se plaignent toujours du fait qu’Israël est montré du doigt. Par exemple, une des excuses utilisées pour attaquer la conférence de Southampton a été celle-ci : «Aucune conférence universitaire sur le Pakistan, qui comme nous le savons, a été créé juste un an avant Israël, ne tournerait uniquement autour de la question de savoir s’il aurait dû être créé ou non et comment y mettre fin

En mettant de côté cette description simpliste, et donc déformée, de la conférence de Southampton, la comparaison avec le Pakistan n’a pas sa place ici. Le Pakistan a été créé dans le processus d’une démarche de décolonisation. Israël a été créé en défi d’une telle démarche. L’idéologie sioniste, comme toute pensée dogmatique, fini par distordre l’histoire selon ses intérêts propres.

En fait, tant qu’Israël insiste sur l’aspect d’être un État juif plutôt qu’un État démocratique comprenant tout ses citoyens, il est condamné à prendre le chemin de l’apartheid. Et il ne peut se tirer de cet état de fait avec succès qu’en maintenant un statut d’exception – statut qui le place au-dessus des lois internationales.

La conférence de Southampton aurait exposé cette situation d’une façon sobre et factuelle – de telle sorte qu’il aurait été difficile à toute personne doué d’une intelligence normale d’en douter. C’est la raison pour laquelle les sionistes ont eu recours à toutes ces méthodes pour la faire annuler.

Lawrence Davidson est professeur d’histoire a la West Chester University en Pennsylvanie. Il est l’auteur de Foreign Policy Inc.: Privatizing America’s National Interest; America’s Palestine: Popular and Official Perceptions from Balfour to Israëli Statehood; et Islamic Fundamentalism.

Traduit par Jean-Alexandre, relu par jj pour le Saker Francophone

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