Cassandra est morte. Vive Cassandra !


Par Ugo Bardi – Le 8 février 2021 – Source CassandraLegacy

Après la chute de Troie, Cassandra a été prise comme « pallake » (concubine) d’Agamemnon et emmenée à Mycènes où elle a été tuée par Clytemnestre, la femme d’Agamemnon. Le destin des prophétesses n’est jamais aussi brillant, surtout lorsqu’elles s’avèrent avoir eu raison. Quelque chose de similaire, bien que heureusement beaucoup moins tragique, arrive au blog de Cassandra, censuré sur Facebook par le pouvoir en place. Il est donc temps de l’arrêter. Mais Cassandra n’est pas morte ! Elle reviendra sous une forme ou une autre.

Le 2 mars 2011, j’ai lancé un blog que j’ai intitulé « L’héritage de Cassandra ». Dix ans plus tard, le blog avait accumulé 974 messages, 332 adeptes et plus de 5 millions de vues. Récemment, le blog s’était stabilisé à environ 2 à 3 000 vues par jour.

Un petit blog, certes, mais j’ai toujours eu la sensation qu’il n’était pas sans impact sur la nébuleuse constellation des gens, en haut lieu, que nous appelons « les pouvoirs en place ». C’est une histoire qui me rappelle la légende selon laquelle George W. Bush a décidé d’envahir l’Irak en 2003 après avoir appris l’existence du pic pétrolier. On peut raisonnablement penser qu’il ne s’agit que d’une légende, mais en sommes-nous sûrs ? Après tout, les gens qui prennent les décisions ne sont pas plus intelligents que nous, juste bien plus riches. Et ils peuvent mal comprendre les choses, comme nous le faisons tous. Bien sûr, leurs gaffes font beaucoup plus de bruit.

Et donc, il se peut que beaucoup de choses que nous voyons autour de nous aient une logique. Il est certain qu’il est révolu le temps où un certain type de message pouvait être éliminé simplement en l’ignorant. Maintenant, il faut le supprimer activement. Et c’est ce qui semble se produire avec la censure qui sévit dans les médias sociaux. Même le blog Cassandra, bien que sans importance en soi, a attiré la colère des pouvoirs en place. Il a été censuré sur Facebook et il me semble qu’il est également maintenu presque invisible dans les moteurs de recherche. Comme je l’ai dit dans un précédent article, nous savions que cela allait arriver et c’est ce qui s’est passé.

Bien sûr, ce blog pourrait survivre même s’il était boycotté par Facebook, mais quand vous découvrez que vous êtes dans la ligne de mire de quelqu’un de grand et puissant, il vaut mieux en tenir compte, faire profil bas et se mettre à l’abri. Il n’est pas très logique d’insister pour garder une position indéfendable. Il est temps pour Cassandra de plier bagage.

Mais ce n’est pas une défaite. Au contraire, c’est un honneur que les « pouvoirs en place » aient remarqué ce blog et aient agi contre lui (O.K., c’était peut-être juste un pépin d’un programme d’IA compliqué, qui sait ?) En tout cas, fermer le blog signifie simplement reconnaître que la guerre des mèmes suit les règles standard de la guerre. Il s’agit d’une question de mouvement. Et c’est ce que fait Cassandra. Elle se déplace. Nous le faisons tous. Les seules choses qui ne bougent jamais sont les morts, et nous sommes toujours bien vivants ! Et « L’héritage de Cassandra » restera en ligne, même s’il ne sera plus mis à jour.

Je travaille au renouvellement d’un blog que j’avais déjà créé, appelé « Le piège de Sénèque ». Il sera bientôt en ligne sous le nom de « The Seneca Effect ». Nous verrons s’il devient une autre cible pour les « pouvoirs en place » !

En attendant, je vous transmets quelques paragraphes que j’ai tirés du livre de Dmitry Orlov « Les cinq stades de l’effondrement » publié en 2013 où il a correctement prédit comment l’Occident évoluait sur une voie qui l’amène à suivre les traces de l’ancienne Union soviétique, même en termes de censure. Orlov décrit comment, à cette époque, les gens se défendaient contre un régime envahissant et obtus. Je suppose que nous devrons adopter les mêmes techniques.

Ugo Bardi

L’essor de la stéganographie

par Dmitri Orlov — Extrait de « Les cinq étapes de l’effondrement » (2013)

Je suis sûr que certains lecteurs se souviendront à ce stade de romans américains de la guerre froide qu’ils ont perdu leur temps à lire, ou évoqueront automatiquement des codes secrets et des technologies de communication utilisées pour jouer au jeu du chat et de la souris avec le KGB, tandis que d’autres voudront penser que le KGB était suffisamment incompétent et/ou démoralisé pour laisser passer toutes ces communications secrètes (je vous assure que ce n’était pas le cas). Eh bien, ayant vu comment tout cela fonctionne en pratique, je suis heureux de vous désabuser de toutes ces notions. Les seules technologies impliquées étaient la parole, le crayon et le papier ; les bons résultats ont été obtenus grâce à la force mentale et à la solidarité.

La technique que j’ai vue utilisée était un exemple de stéganographie, qui « est l’art et la science d’écrire des messages cachés » de telle sorte que personne, à part l’expéditeur et le destinataire, ne soupçonne l’existence du message, une forme de sécurité par l’obscurité. Le mot est d’origine grecque et signifie « écriture cachée » à partir des mots grecs steganos (στεγανός), qui signifie « couvert ou protégé », et graphei (γραφή), qui signifie « écriture ». Il y a le message extérieur, public, qui est inoffensif ou insipide ou ennuyeusement redondant (à l’exception de quelques détails facilement négligés) ; puis il y a le message intérieur, privé, qui ne peut être discerné que par le destinataire prévu, qui en a une connaissance préalable. La principale caractéristique de sécurité est que le destinataire doit savoir que le message est un message tout court, sans parler de le déchiffrer.

Ma mère et ma grand-mère entretenaient une correspondance volumineuse, complétée par des conversations téléphoniques régulières. Elles discutaient de tout, du temps qu’il faisait, de leurs lectures et de ce qu’elles mangeaient au petit déjeuner. Elles semblaient également curieusement obsédées par les morceaux de porcelaine : quel service à thé était un cadeau de qui, qui l’aurait aimé, qui en avait possédé un semblable à un moment ou à un autre, à qui ils l’avaient peut-être acheté et combien ils l’avaient peut-être payé, combien de tasses étaient fêlées ou cassées, si elles pouvaient être réparées, qui était le maladroit et avait cassé une tasse, qui avait été particulièrement habile à coller une tasse cassée pour qu’elle soit maintenant comme neuve et ainsi de suite, tous ces bavardages apparemment innocents entre deux femmes pointilleuses rappelant des bouts de bric-à-brac sentimentaux, mais pour quelqu’un qui sait, chargés de significations secrètes.

Les tasses se vendaient à des milliers de dollars. Les services à thé se comptaient par dizaines de milliers. Les tasses fêlées étaient des dépenses engagées. Les tasses cassées étaient des affaires qui étaient tombées à l’eau. Les personnes mentionnées n’étaient pas désignées par leur nom complet, mais par des diminutifs et des attentions informelles, et ne se référaient pas à des lieux et des moments réels, mais à des souvenirs privés et partagés. Mais il y avait aussi des passages d’intérêt général, comme des recettes de soupe ou de gâteau, parfois accompagnés d’un commentaire passager adressé directement au censeur du KGB, comme « D’autres personnes qui lisent ceci pourraient aussi trouver cela intéressant ». Qui pourrait soupçonner une intention secrète, malfaisante et conspiratrice chez quelqu’un qui semble si peu rusé ? Pas même le KGB !

Traduit par Hervé, relu par Wayan pour le Saker Francophone

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